L’opportuniste

Chronique de Louis Lapointe

C’est un secret de Polichinelle, François Legault a toujours voulu être chef à la place du chef, sauf à l’époque où il était sous les ordres de Lucien Bouchard, son père spirituel. Malheureusement pour lui, il a toujours eu de la difficulté à s’imposer comme le successeur naturel du chef sortant.

À la suite de la démission de Lucien Bouchard en 2001, Bernard Landry l’avait piégé en lui demandant de choisir son camp, celui de Pauline ou le sien. Il s’était alors rapidement rangé derrière Bernard Landry, préférant conserver son pouvoir de ministre sénior au sein du cabinet ministériel, plutôt que d'appuyer Pauline Marois qui avait été jusqu’à ce jour une précieuse alliée. Les méchantes langues avaient alors dit qu’il avait trahi une amitié, choisissant de préserver toutes ses chances de devenir un jour le successeur de Bernard Landry.

Puis vint le congrès de 2005. Tandis que tous les feux étaient verts pour François Legault, André Boisclair ayant démissionné, avec l’aide de son fidèle lieutenant, François Rebello, il avait pris le risque de se lancer dans une campagne larvée de contestation du leadership de Bernard Landry. Une opération qui n’apporta que des fruits amers au PQ.

Yves Michaud mit également la main à la pâte, contestant ouvertement celui qu’il considère toujours comme son ami. Encore frustré de l’affront que lui avaient fait l’Assemblée Nationale, Lucien Bouchard et les députés de son parti en 2000, il s’était lui aussi employé à miner le leadership de Bernard Landry. Avec des amis comme cela, on n’a pas besoin d’ennemis.

Ce qui devait arriver, arriva, Bernard Landry récolta un maigre vote de confiance de 76.2% alors que le PQ et la souveraineté étaient au sommet dans les sondages, au-delà des 50% da la faveur populaire.

Écoutant religieusement ceux qui furent par la suite qualifiés d’olibrius et pensant agir dans l’intérêt du parti, Bernard Landry démissionna sur le champ de son poste de chef sans prendre le soin d’analyser ce qui s’était passé sur le parquet du congrès, sans dormir au moins une nuit sur le sujet. Il le regrette encore aujourd'hui.

Plusieurs membres du parti ne lui avaient pas accordé leur faveur dans le but de lui signifier qu’il était sous surveillance. S’ils ne voulaient pas qu’il rentre trop fort, comme on dit en bon Québécois, ils ne souhaitaient surtout pas sa démission. Je peux en témoigner personnellement, j’étais là.

Prétextant une décision familiale et décevant par le fait même tous ceux qui avaient travaillé à la promotion de sa candidature, François Legault ne mit que quelques heures avant d’annoncer son retrait de la course à la direction qui s’annonçait et à laquelle allait prendre part l’enfant prodigue du parti, André Boiclair.

On connaît la suite. Le Parti se déchira sur la place publique dans une campagne sordide. André Boisclair devint chef et le PQ perdit non seulement les élections, mais également le rang d’opposition officielle au profit de l’ADQ de Mario Dumont. Les Québécois n’avaient pas voulu faire confiance à un chef qui manquait cruellement de jugement.

Ce n’est qu’après le couronnement de Pauline Marois que François Legault devint enfin ce successeur naturel qu’il avait toujours voulu être, ce qui apparemment ne le satisfaisait toujours pas. Il n’était pas à l’aise dans cette position. Les rumeurs racontent qu’il n’avait pas les coudées franches sous la direction de Pauline Marois et que ses attaques contre Jean Charest concernant sa gestion de la Caisse de dépôt et placement et Investissement Québec risquaient de porter ombrage à certains membres de la vieille garde du parti.

En juin 2009, prétextant à nouveau les choix familiaux et le manque de courage politique des Québécois, il choisit encore une fois de se retirer malgré le fait que sa cote n’ait jamais été aussi élevée dans la faveur populaire. Il préférera démissionner plutôt que d’utiliser son capital politique pour aider Pauline Marois à devenir première ministre du Québec.

C’est dans cette perspective qu’il faut voir sa récente décision de fonder un nouveau mouvement politique de centre-droit. À l’aube d’un vote de confiance auquel sera bientôt soumise Pauline Marois à l’occasion du prochain congrès, comme il l’avait fait pour Bernard Landry avec l’aide de François Rebello, comment ne pas conclure qu’il reprend son petit manège consistant à miner le leadership du chef avec, cette fois-ci, le concours de quelques fédéralistes, son but réel étant de devenir chef à la place du chef au cas où elle déciderait de démissionner?

Le genre de manœuvre qui jette encore plus de discrédit sur la classe politique québécoise et nous écarte des vrais enjeux auxquels la population du Québec est confrontée. Pas très sérieux comme démarche !

Si François Legault et ses amis Facal et Bouchard s’adonnaient un peu moins aux jeux de coulisses et consacraient toute leur énergie à convaincre les Québécois que l’indépendance est la seule solution pour équilibrer les comptes publics du Québec en rapatriant les impôts qui sont versés à Ottawa, cela aiderait probablement les Québécois à sortir de leur morosité.

Comme la plupart des hommes politiques qui les ont précédés, nos amis lucides savent très bien que la hausse de la productivité du Québec et de son appareil étatique ne suffira jamais à combler le déficit fiscal du Québec dans la fédération canadienne. L’argent des Québécois s’en va à Ottawa pour supporter des projets qui vont à l’encontre de leurs valeurs profondes et des intérêts du Québec, la guerre, le pétrole de l’ouest, l’industrie de l’automobile et la recherche dont l’Ontario est la principale bénéficiaire.

Pendant que les Facal, Legault et Bouchard mettent les freins sur l’indépendance, leurs bons amis fédéralistes appuient sur l’accélérateur afin de réduire le poids démocratique et économique du Québec dans la fédération canadienne, leur façon à eux de régler le problème québécois.

Grâce à la réforme de la carte électorale qui diminuera la proportion des députés du Québec au sein de la fédération, le Canada pourra bientôt élire des gouvernements majoritaires sans qu’il soit nécessaire de courtiser les Québécois, alors que parallèlement, toutes les décisions économiques se prendront à Toronto, étant déjà acquis qu’Ottawa donnera suite à son projet de créer une commission des valeurs mobilières pancanadienne malgré les balbutiements de leurs bons amis fédéralistes qui, comme c’est leur habitude, font semblant de promouvoir les revendications dites traditionnelles du Québec.

Pendant que François, Joseph, Lucien et les autres font diversion au sujet de la nécessaire indépendance du Québec, leurs amis fédéralistes de centre-droit s’occupent des vraies affaires, la marginalisation du Québec au sein de la Fédération canadienne.

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    9 octobre 2010

    Du Déjà-vu.
    Oui des ex/nouvelles belles et grosses têtes opportunistes, dites "lucides" ou "réformistes", depuis toujours au service des ploutocrates.
    Ils surfent sur les vagues Reagan, Bush, Palin, Harper et Sarkozy : ce sont toujours les mêmes apprentis sorciers de l'apocalypse de la Démocratie du peuple par le peuple.
    « Tout réformisme se caractérise par l'utopiste de sa stratégie et l'opportunisme de sa tactique.»
    Slogan de mai 68 en France