États-Unis

L’institutionnalisation des assassinats d’État et l’élection du 6 novembre

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Élection présidentielle étasuniennes — 2012


Avec un peu plus d’une semaine avant l’élection présidentielle du 6 novembre, tout le spectre politique de la pseudo-gauche américaine exerce un maximum de pression afin de faire sortir le vote pour Obama en prétendant que la réélection du démocrate sortant représenterait « la moins pire option ».
Dans la mesure où il est nécessaire de réfuter davantage cet argument politique usé, une occasion a été fournie sous la forme d’un article publié par le Washington Post cette semaine sur l’institutionnalisation d’assassinats par l’administration Obama à la Maison-Blanche.
« Disposition Matrix », qui sonne comme le titre d’un film de science-fiction, est le terme concocté par les conseillers militaires et du renseignement d’Obama pour décrire un nouveau système qui « codifie et rationalise » les meurtres extrajudiciaires qui sont réalisés sur les ordres du président sur une base pratiquement quotidienne.
Les reportages « sans violence » du journal qui mentionnent les avions de guerre et leurs frappes contre des « installations » qui tuent des « militants » anonymes servent à masquer la réalité de la guerre des drones que mènent États-Unis.
Au Pakistan seulement, les drones ont massacré et incinéré des milliers de civils, hommes, femmes et enfants, tout en laissant des communautés entières dans un état de terreur permanent. Un nombre inconnu de personnes ont été tuées au Yémen et en Somalie et sans doute aussi ailleurs.
La série d’articles du Post révèle que l’individu qui joue le rôle de premier plan dans ce programme d’assassinat étatique est John Brennan, un ancien haut responsable de la Central Intelligence Agency (CIA) approché par Obama pour être son conseiller du contre-terrorisme.
Dans la période qui a précédé son investiture, Obama avait tenté de nommer Brennan en tant que nouveau directeur de la CIA. Cependant, il a été forcé de reculer devant la colère populaire qui voyait le candidat de l’ « espoir » et du « changement » offrir un poste à un vestige des années de Bush qui était profondément impliqué dans les politiques de torture, de détention indéfinie, de déportation extraordinaire et de dissimulation.
Ce qui émerge du reportage du Post est que Brennan a, dans le cadre de son rôle de conseiller à la Maison-Blanche, amassé plus de pouvoirs que le directeur de la CIA lui-même. Non élu et non assujetti à la ratification par le Congrès, Brennan exerce « un énorme pouvoir dans la prise de décision liée aux listes d’assassinats et au déploiement des drones, l’arme par excellence de la guerre », rapporte le Post.
Ceux qui mettent en oeuvre ces décisions sont des paramilitaires de la CIA et des commandos militaires de la Joint Special Operations Command (JSOC). Les activités de ce groupe sont ultra- secrètes et s’effectuent en dehors du commandement du Pentagone. JSOC a été décrit par un responsable militaire comme une « machine à tuer à échelle industrielle » et par d’autres comme « l’armée du président ».
Parmi les victimes de cette machine se trouvent des citoyens américains, incluant l’imam né au Nouveau-Mexique, Anwar al-Awlaki, qui a été tué par un missile de drone au Yémen en septembre 2011. Son fils de 16 ans, Abdulrahman al-Awlaki, ainsi que son cousin de 17 ans, ont été tués lors d’une autre attaque par drone deux semaines plus tard. Aucune accusation ni preuve n’a été apportée contre Anwar al-Awlaki pour un quelconque crime, excepté ses croyances et son discours. Aucun prétexte sérieux n’a été présenté pour le meurtre de son fils de 16 ans.
Dans une récente entrevue accordée à CNN, Obama a fait la remarque incroyable que les citoyens américains qui étaient pris pour cible dans ses opérations d’assassinat pouvaient profiter « de la protection de la Constitution et de l’application régulière de la loi ». Il n’est pas venu à l’esprit du journaliste de demander quelle section de la Constitution donne au président américain le pouvoir d’ordonner des exécutions sans porter d’accusation et sans prouver quoi que ce soit dans un tribunal.
Ce qu’Obama entend par « application régulière de la loi » est son approbation des décisions prises par Brennan, les agents de la CIA et l’état-major lors des rencontres hebdomadaires à la Maison-Blanche pour établir des « listes d’assassinats ». Ces rencontres sont appelées cyniquement les « mardis du terrorisme » (terror Tuesdays).
Tout ce processus criminel est le rejet en pratique de la Constitution américaine et des droits démocratiques les plus élémentaires qui datent de la Magna Carta anglaise, vieille de 900 ans. Celle-ci affirmait que nul ne pouvait être exécuté emprisonné « sans un jugement légal de ses pairs, conforme aux lois du pays ».
Le ministre de la Justice, Eric Holder, a cependant déclaré que le président avait le droit d’ordonner des assassinats d’État sans accusation portée et sans procès. Et Obama, à la fin de l’année dernière a promulgué le National Defense Authorization Act, une loi permettant au président de jeter n’importe qui, y compris un citoyen des États-Unis, dans une prison militaire, indéfiniment et sans que cette personne n’ait été accusée de quoi que ce soit.
En fait, la structure d’une dictature de la police et de l’armée a été érigée aux États-Unis, et à une échelle bien plus grande que ce qui avait été fait sous l’administration Bush.
Un des éléments les plus troublants à avoir été révélés dans la série d’articles du Post est que le travail de coordination entourant les « listes d’assassinats » a été confié au National Counterterrorism Center (NCTC) qui, d’après ce qui a été rendu public récemment, parcourt aussi les bases de données gouvernementales pour recueillir une vaste quantité d’informations sur les citoyens américains ordinaires.
L’érosion des droits démocratiques aux États-Unis est beaucoup plus avancée que la majorité de la population ne le réalise. Les « listes d’assassinats » et la détention militaire sans accusation ni procès vont être utilisées contre les opposants de l’impérialisme américain à travers le monde et, de plus en plus, contre ceux perçus comme des ennemis de l’État et des obstacles à la quête du profit aux États-Unis mêmes.
Ces politiques ne sont pas fondamentalement motivées par l’idéologie politique des partis démocrates ou républicains, qui donnent tous deux un appui à celles-ci. Cela a été rendu évident lors du débat lundi soir dernier, lorsqu’Obama s’est vanté d’amener les supposés coupables « devant la justice » et que Romney a juré « de les tuer, de les faire disparaître ».
Plutôt, elles sont le résultat, d’un côté, des inégalités sociales sans précédent aux États-Unis. Le gouffre entre l’aristocratie financière et patronale, qui monopolise la richesse économique et le pouvoir politique, et la vaste masse de la population travailleuse est devenu tellement grand qu’il est incompatible avec des formes de gouvernance démocratiques.
D’un autre côté, elles sont le résultat d’une croissance sans borne du militarisme, car l’impérialisme américain tente de contrer sa crise économique et son déclin en utilisant la force armée pour assurer son hégémonie sur les régions et les ressources stratégiques vitales de la planète.
Le fait qu’un rapport détaillé de l’existence de Murder, inc. dans l’aile ouest de la Maison-Blanche ne provoque aucun cri d’alarme ni de demande pour qu’Obama soit destitué témoigne de l’effondrement de la conscience démocratique dans l’establishment politique dirigeant aux États-Unis.
Tout comme les pratiques économiques de Wall Street et des entreprises américaines ont assumé un caractère de plus en plus criminel, le fonctionnement de base de l’État recourt toujours plus au meurtre, à la brutalité et à la répression extra-constitutionnelle.
Les révélations troublantes sur l’institutionnalisation des assassinats d’État sous l’administration Obama doivent inciter les travailleurs et les jeunes à considérer très sérieusement ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis et à tirer les conclusions politiques qui s’imposent.
Peu importe lequel des deux partis capitalistes remportera la victoire le 6 novembre, les immenses dangers qui guettent les droits démocratiques élémentaires ne vont que croître après l’élection. Ni ces droits, ni les emplois et les conditions des travailleurs ne peuvent être défendus sans une rupture avec le Parti démocrate et la préparation d’une nouvelle direction et perspective révolutionnaire dans la classe ouvrière pour les grandes luttes sociales à venir.
Bill Van Auken


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