Qu’est-ce qui a fait le plus mal à l’image de la Justice cette année ? La loi spéciale imposant le retour au travail des procureurs de la couronne ou la tenue de la commission Bastarache ?
Une majorité des Québécois répondrait probablement la tenue de la commission Bastarache.
Il est donc pour le moins étonnant que le Bâtonnier du Québec ait attendu la fin de son mandat et la loi spéciale imposant le retour au travail des procureurs de la couronne pour répéter ce que Marc Bellemare avait déjà dit lors de son témoignage devant le commissaire Bastarache.
La Justice préoccupe peu le gouvernement.
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Il est tout aussi étonnant que le Bâtonnier du Québec ait attendu que le litige entre les procureurs de la couronne et le gouvernement pourrisse pour faire son travail, accusant ce dernier de dévaloriser la Justice. Un homme qui avait préféré se taire au sujet de la tenue de la commission Bastarache parce que son associé était le procureur principal de cette commission. Un aveu de faiblesse qui a certainement nui au rapport de force qu'aurait pu exercer le Barreau du Québec pour venir en aide aux procureurs de la couronne dans leurs négociations avec le gouvernement.
Comment voulez-vous que le gouvernement prenne au sérieux un Bâtonnier qui à la première occasion venue a préféré se réfugier derrière la muraille de Chine qu’il a lui-même érigée parce que les intérêts de son cabinet privé étaient en jeu ? Un pétard mouillé?
Ce n’est pas la première fois qu’un Bâtonnier ou un haut dirigeant du Barreau du Québec se couche devant le gouvernement du Québec et ce ne sera pas la dernière fois non plus. Les ambitions des bâtonniers en titre passent parfois avant les intérêts des membres et du public. Le gouvernement le sait d’expérience. Voilà pourquoi le Barreau du Québec ne peut être pris au sérieux à l’aune de cette dernière sortie publique du Bâtonnier qui vient bien tardivement et dont les effets risquent d’être éphémères.
Au milieu des années 1990, le Barreau avait temporisé pendant près d’un an dans le dossier de l’aide juridique pour ne pas nuire à la carrière du bâtonnier alors en poste.
Afin de reprendre l’initiative et régler le dossier à la faveur des avocats de pratique privée, le Barreau avait préféré laisser tomber les juristes de l’État et les avocats de l’aide juridique parce qu’il était lui-même en négociations avec ses avocats salariés. Un message clair au gouvernement de l’époque qu’il ne s’impliquerait pas dans la négociation avec ses juristes. S’il avait appuyé les revendications salariales des juristes de l’État, il se serait vu dans l’obligation d’offrir de meilleures conditions de travail à ses propres avocats salariés alors en grève. Ce qu’on appelle communément un repli stratégique. Il arrive parfois que les intérêts du Barreau convergent avec ceux du gouvernement.
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Si le Bâtonnier du Québec succombe aujourd’hui à une montée de lait, semonçant le gouvernement alors que les jeux sont déjà faits, ce n’est pas uniquement parce qu’il est profondément outré, mais probablement parce qu’il n’a pas le choix.
Ce criminaliste de carrière dont le mandat de bâtonnier se terminera dans quelques mois devra bientôt enfiler sa toge et croiser à nouveau le fer avec les procureurs de la couronne dont il partage quotidiennement la vie professionnelle. Le monde des criminalistes est un bien petit monde tissé très serré et il ne souhaitera surtout pas se faire accuser d’avoir manqué de solidarité alors qu’il avait la possibilité d’aider ses collègues de la couronne. Il en va de la conduite de sa pratique et de l’intérêt de ses clients. Trop peu, trop tard, diront certains.
Pourquoi voudriez-vous que le gouvernement du Québec accorde la moindre importance au discours d'un bâtonnier qui a préféré se taire devant la bêtise qui se déroulait devant ses yeux – la commission Bastarache– et qui intervient publiquement pour appuyer ses collègues de la couronne alors que le mal est déjà fait?
Comment ne pas dès lors conclure que le Bâtonnier a attendu que le loup mange toutes les brebis avant de crier au loup !
À dessein ou par insouciance ?
Rien pour redorer l'image de la Justice qui est sérieusement mise à mal par ceux qui prétendent la défendre: le Barreau et le gouvernement du Québec.
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Trop peu, trop tard!
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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