Aluminerie de Bécancour

L'influence du gouvernement Lévesque

17. Actualité archives 2007



Dans votre édition du 8 septembre 2006, "les vingt ans d'histoire de l'Aluminerie de Bécancour" sont soulignés avec fierté par Le Nouvelliste, sous la plume de Marcel Aubry. Permettez-moi d'ajouter quelques informations, ayant été au coeur de ce dossier depuis le tout début en 1979.
À l'inauguration, en 1986, le premier ministre Robert Bourassa déclare que "le bas coût de l'énergie a constitué le facteur le plus déterminant dans le choix de Péchiney" rappelle votre journaliste.
N'en déplaise à la mémoire de Monsieur Robert Bourassa, il me faut rappeler que sans la détermination du gouvernement de René Lévesque d'engager 400 millions $, dans le tiers du capital-action et de la dette dans la commandite ABI au coût total de 1,2 milliard $, jamais Péchiney ne serait venue à Bécancour.
En effet, l'énergie est à l'époque disponible et très bon marché. Mais toute l'énergie de la Baie James ne rejoint pas alors le grand réseau d'Hydro-Québec à cause des énormes "surplus de puissance" non turbinés.
Ainsi, le spectacle des déversements quotidiens dans le grand escalier de LG2 épate les nombreux touristes, mais nous coûte une colossale fortune. À ma grande surprise, rien n'est prévu par Hydro-Québec pour écouler sur les marchés ces nouvelles et énormes capacités (autour de 3000 mégawatts) que le réseau Hydro ne peut absorber d'un seul coup faute de clients.
Divers programmes sont alors mis en place pour écouler ces surplus, dont cette stratégie de tarification à long terme (22 ans) pour attirer de grands investissements, projets énergivores certes, mais créateurs d'emplois directs et indirects et surtout structurants dans une économie régionale comme la nôtre.
Ainsi, une grande quantité d'énergie disponible à bon prix (concurrent à l'époque avec l'Australie) dans un cadre tarifaire de plus de vingt ans est offerte et acceptée par Péchiney dès 1980. Ce tarif, d'ores et déjà, implique un partage de risque pour Hydro-Québec (puisqu'une partie de la hausse tarifaire annuelle s'indexe au prix de l'aluminium et à l'inflation). Certes le coût de l'énergie est un facteur important dans cette localisation à Bécancour, mais je crois devoir rappeler que le facteur le plus déterminant dans la décision de Péchiney fut l'engagement de notre gouvernement à devenir actionnaire à hauteur d'un tiers de ce gigantesque projet.
Il faut se souvenir que Péchiney (PUK) est nationalisée après l'élection en 1981 d'un gouvernement socialiste, sous la présidence de François Mitterrand. La "nouvelle Péchiney nationalisée " doit elle aussi traverser la crise économique de l'époque, réduire ses effectifs et même fermer une aluminerie dans la région Nord-Pas-de-Calais, région représentée au cabinet français par Laurent Fabius (futur premier ministre) alors jeune ministre de l'Industrie de France, et justement responsable du dossier Péchiney.
Il est facile de comprendre les hésitations et les embarras du gouvernement français à aller de l'avant et construire une nouvelle aluminerie au Québec tout en arrêtant les opérations d'une aluminerie dans la région d'un ministre de l'importance de Laurent Fabius...
C'est finalement en 1983, lors du voyage officiel de René Lévesque en France qu'un accord final est conclu entre Péchiney et la SGF. Quelque temps plus tard, les travaux de ce chantier sont lancés bien avant la réélection d'un gouvernement libéral en 1985.
Il me faut souligner en terminant la grande courtoisie de M. Bourassa de nous avoir invité René Lévesque et moi à l'inauguration d'ABI à la fin des travaux en 1986: c'était une façon de reconnaître notre contribution exclusive à ce grand projet et reconnaître aussi que l'intervention de l'État dans l'économie d'une région est parfois nécessaire et indispensable.
Yves L. Duhaime
_ ministre de l'Industrie et du Commerce 1979-1981
_ et ministre de l'Énergie et des Ressources, 1981-1984


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