Il est vrai de dire que la dernière campagne électorale constitue pour le Parti québécois un échec douloureux. Ensemble, les militants de notre parti doivent en déterminer les causes profondes et réelles, en laissant de côté nos états d'âme et nos chagrins.
Qu'est-ce qui n'a pas marché? Le projet de pays? Le calendrier du «plus rapidement possible vers un référendum sur la souveraineté»? Les autres thèmes de la plate-forme électorale, soit l'éducation, l'économie, l'environnement? Le leadership du chef? L'état de l'organisation? Les candidatures dans les comtés? L'allure de la campagne? Le débat des chefs? L'impact des sondages avant et pendant la campagne? La couverture, les commentaires et les éditoriaux des médias? Difficile de cerner et de déterminer la cause ou les causes de cette défaite, notre pire résultat depuis 1970.
Pour la deuxième fois de notre histoire (soit depuis 1878), le Québec se retrouve aujourd'hui avec un gouvernement minoritaire. Le Parti libéral forme le gouvernement. L'Action démocratique forme l'opposition officielle. Le Parti québécois détient la balance du pouvoir.
Le PLQ a perdu 13 % de ses suffrages et 28 sièges: il lui en reste 48. L'ADQ gagne 13 % et fait un gain de 36 sièges, pour un total de 41 (on pourrait presque parler d'un transfert direct). Le PQ perd 5 % de son électorat et neuf sièges pour se retrouver avec 36 députés. Ce n'est pas négligeable si on tient compte que l'autre parti souverainiste, Québec solidaire, recueille 3,7 % des voix.
Il y a bien des voix souverainistes au Parti vert, qui fait mieux que Québec solidaire avec 3,9 %. À noter: le même taux d'abstention qu'en 2003, soit autour de 30 %. Bref, les souverainistes ont perdu les élections, mais le score final n'est ni négligeable ni déshonorant.
Nos attentes étaient beaucoup plus élevées et nous sommes fort déçus de ce résultat, proche de celui de 2003, quand on considère que le report sur le PQ des voix de Québec solidaire et du Parti vert aurait pu faire la différence dans au moins 12 comtés.
Pourquoi donc avoir exigé de devancer un congrès prévu pour 2009 par nos statuts votés en 2005 lors du congrès? Ce n'est maintenant plus un secret pour personne: des manoeuvres s'exerçaient en coulisses (le plus souvent à travers les médias, sous le couvert héroïque de l'anonymat ou, plus rarement, ouvertement) pour forcer la démission d'un chef élu depuis à peine 18 mois, au premier tour de scrutin. Serait-ce un film qu'on nous demande de revoir? C'est un paradigme bien ancré au Parti québécois que le chef est toujours tenu responsable de tout, même si le contrôle absolu appartient aux instances. Élu au suffrage universel, le chef du parti ne désigne ni la présidence, ni les membres de l'exécutif national, ni les présidents de comté et de région ou leurs exécutifs, ni les candidatures lors des élections; le congrès national et la conférence nationale des présidents sont souverains.
Les mutins d'aujourd'hui, comme ceux d'hier (ce sont parfois les mêmes), contribuent le plus lourdement, en toute bonne foi (je l'espère encore), à affaiblir notre option et à retarder sa réalisation. Parce que notre parti refuse de donner du temps au temps, parce qu'il se fige dans un échéancier aujourd'hui refusé par notre population, parce qu'il entretient une méfiance malsaine envers ses dirigeants, parce qu'il donne l'image chicanière de ses divisions, l'opinion publique s'en est éloignée et les résultats du 26 mars le confirment.
Notre peuple n'a pas rejeté l'option du Québec souverain: depuis dix ans, l'appui à la souveraineté (même question qu'en 1995) ne s'est jamais démenti, oscillant entre 40 et 45 %. L'électorat ne veut pas se sentir contraint par un scénario arrêté d'avance, ne tenant pas suffisamment compte des environnements politiques, aussi variables que les prévisions météorologiques.
Les militants du Parti québécois doivent se remettre à l'écoute de la population et en tirer des conclusions, modifier en profondeur leurs propres structures de réflexion, de discussion et de décision, cesser de croire que la seule vérité se retrouve dans nos rangs et que nous avons toujours raison.
Rédigeant ses mémoires, Edgar Faure, grand homme politique français sous les IVe et Ve républiques, les intitula: Avoir toujours raison... c'est un grand tort. Ce rappel doit nous faire réfléchir quant à l'avenir. Maintenant que le Parti québécois entreprend aujourd'hui une longue et pénible traversée du désert, les points d'eau seront plus éloignés et peut-être à sec.
Le pays du Québec naîtra si nous sommes «à l'heure des Québécois», a souvent dit René Lévesque. Présenter, promouvoir et défendre la souveraineté du Québec est notre défi en ce nouveau siècle. Nous réussirons par la force de nos convictions, la justesse de nos raisonnements, l'à-propos de nos analyses et aussi, surtout, la solidarité et la loyauté envers les chefs que nous choisissons.
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Yves L. Duhaime, Ancien ministre du gouvernement Lévesque (1976-85)
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