L'indépendance est-elle encore pertinente?

Comprendre notre intérêt national

L'indépendance du Québec ne serait plus pertinente, écrit Pierre Monette dans un article intitulé «L'indépendance est-elle encore pertinente?», véritable cri du coeur d'un idéalisme sans mémoire, sans défense et sans mots...

Sans mémoire:
Monette est "tanné" d'entendre toujours les mêmes rengaines souverainistes et "revanchardes" qui rebâchent sans cesse les mêmes thèmes saturés de la survie de la langue française, du destin historique du peuple québécois - réparer les torts causés par la conquête de 1760, par les Rébellions de 1838-39, par la malveillance assimilationniste de Lord Durham, etc.

Il admet que nous "avons certes à régler quelques vieux comptes que le passé a laissés en suspens". Il y aurait donc un "problème québécois". Tout de même!
Mais alors y a-t-il une "solution québécoise" ou faudra-t-il laisser "les vieux comptes en suspens"???

L'auteur est incapable de saisir le principe d'une solution adéquate parce que... [le "problème québécois" ne serait pas partageable par les nouveaux arrivants->9911] qui "ne sont pas ici pour faire l'histoire à la place de nos ancêtres, [mais] pour se refaire une vie", c'est "tout ce qu'ils veulent", affirme-t-il. Tiens donc!

Quel drôle de raisonnement. Voici donc un débat historique, mené démocratiquement, qui implique comme enjeu la liberté d'un peuple, la réconciliation d'un peuple avec lui-même. Mais ce débat devrait être remisé parce que 18% de ce peuple est formé d'immigrants qui ne veulent, de l'avis de l'auteur, que... refaire leur vie.

Des Québécois ignoreraient ce "fait" et s'accrocheraient encore aujourd'hui à la souveraineté. Ils le feraient "non pas parce qu'elle demeure nécessaire, mais comme pour s'excuser de ne pas l'avoir fait quand c'était le temps!" Les Québécois auraient dû faire la sécession quand c'était le temps. Et ce temps, c'était quand? Quand le nombre des immigrants était moins important?... Approche suspecte! Aujourd'hui, si on suit le raisonnement de Monette, à 18% de la population, les immigrants, intéressés seulement par le souci de refaire leur vie, seraient en position de «bloquer» le projet souverainiste. Relancer le débat risquerait dès lors de mettre en évidence leur opposition au projet de libération nationale et de jeter un discrédit imparable sur ce même projet...

La "solution québécoise" n'aurait donc de valeur que si elle était partagée par tous! C'est la règle de l'unanimité. Non seulement cette unanimité est objectivement impossible, en raison de la loi des grands nombres, mais elle serait, de l'avis de l'auteur, doublement impossible par la division immigrants-québécois!
Il y a quelque chose d'absurde dans cette approche! Les immigrants rejettent le "problème" qui ne les concerne pas, et les Québécois de souche, pour cette raison, doivent rejeter la "solution" qui les concerne tant!!!
Il y a quelque chose de plus absurde encore dans le résultat de cette approche: quelque chose qui conduit à la pire des solutions, celle de la résignation, la capitulation renouvelée: le passé doit passer, oublions... "Je ne me souviens plus", voilà la nouvelle devise des Québécois! Voilà pourquoi l'auteur nous invite aujourd'hui à fuir le conflit... à n'exister qu'à la condition de ne plus se souvenir, à dénier jusqu'à l'existence du "problème québécois"...

Un tel idéalisme de l'unanimité fait oublier que le conflit fait partie de la vie politique. Il en est ainsi du conflit entre les citoyens québécois qui s'opposent dans des choix irréconciliables. Ce conflit des loyautés canadian et québécoise dure depuis plus de 30 ans... et ce n'est pas fini. Et, depuis 30 ans, ils ont cherché à le résoudre par les voies démocratiques, par la "vox populi".

Raisonner autrement serait raisonner en poltron, par pure pusillanimité, comme si le conflit ne faisait pas partie intégrante de la vie politique et comme si la solution à ces conflits ne pouvait être trouvée que dans leur dénégation!!!

Sans défense:
Quant aux «maudits Anglais», écrit-il, "il est tout à fait absurde de prendre prétexte qu’un des leurs n'a pas été tendre avec nous aux environs de 1837 pour prétendre que les anglophones d’aujourd’hui continuent à nous mépriser". Quelle absurdité en effet!!!

La question, aujourd'hui, est de savoir si le peuple québécois est respecté dans la fédération canadian? Dénier le mépris canadian, c'est s'exposer sans défense à l'agression de l'autre.

La question posée est donc celle de la place du peuple québécois dans la fédération canadienne! Les "canadians" nous reconnaissent-ils comme un peuple, ou ne nous voient-ils que comme une simple «collectivité locale», anachroniquement homogène, tentée par le nationalisme ethnique, raciste sur les bords, antisémite dans l'âme? Sont-ils nombreux à vouloir que cette «collectivité locale» soit matée... par tous les moyens (démocratiques en situation contrôlée, et énigmatiques... en situation hors-contrôle)?

Bref, y a-t-il une place au Canada pour le peuple québécois? Une fédération multiculturelle ou bi-nationale? Si la réponse est non, et la réponse est effectivement NON, alors défendons-nous! Soyons fiers de ce que nous sommes et armons-nous de courage, du courage de la liberté!!!


Sans mots...:
En fin d'article, sans prévenir, l'auteur laisse tomber l'ultime conclusion: "Tous les drapeaux sont des torchons, sauf lorsqu’ils sont rouges, ou noirs." La vraie lutte, celle qui est indispensable et qui doit mériter tous nos efforts, c'est la lutte sociale, la lutte pour "éteindre les feux que la pauvreté allume au sein de notre société."

Un cri du coeur, certes! Mais encore. Un projet social peut-il s'incarner autrement que dans des cadres socio-politiques? Ce qui veut dire, en clair, que la lutte sociale n'interdit pas la lutte nationale. Bien au contraire, elle l'appelle. Le temps de l'Internationale des pauvres est révolu. L'histoire du XXe siècle en a montré l'erreur. Et la lutte pour la justice sociale aujourd'hui, ce n'est pas contre la nation qu'il faut la diriger, mais contre la nouvelle Internationale des riches, celle des firmes multinationales et des pouvoirs planétaires qui imposent leurs logiques économiques sans imputabilité démocratique. Et, à mon humble avis, cette lutte n'a de chance d'être remportée que si les peuples revalorisent les états nationaux et s'appuient sur les solidarités citoyennes.

Bref, on ne pourra triompher du «mal capitaliste mondial», puissant, arrogant et avide, que dans la mesure où la communauté des citoyens saura imposer sa volonté d'être plus qu'un simple marché offert à l'appétit de ceux qui, ayant la charge d'organiser le travail et les échanges entre les hommes, en profitent pour accumuler à leur profit les richesses produites et les pouvoirs induits.


Source: [ Vigile 8.3.1999->archives/ds-edito/docs/99-3-8-bf.html]

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Bernard Frappier57 articles

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Fondateur, directeur et animateur de Vigile.net de 1996 à 2012.

Récipiendaire de la médaille Bene Merenti de Patria de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal, 2012.

« Bernard Frappier a réalisé une oeuvre d’une importance capitale dans le destin du Québec. Contre ceux qui voudraient effacer la mémoire de la nation, il a créé Vigile, grand phare et lieu de débat incomparable. » - Bernard Desgagné





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