Dans un rare geste d'unanimité, 11 premiers ministres canadiens convenaient le 30 avril 1987 d'une entente devant permettre au Québec de réintégrer le cadre constitutionnel canadien. Rapidement, des oppositions surgirent contre l'accord dit du lac Meech, dont l'acte de décès sera signé le 23 juin 1990 par le Manitoba et Terre-Neuve. Vingt ans plus tard, l'espoir d'une paix constitutionnelle entre le Québec et le reste du Canada apparaît toujours aussi illusoire.
Cette date du 23 juin 1990 est un repère important de l'histoire politique du Québec, d'abord pour ce que représentait cet accord pour le Québec, qui demandait d'être reconnu constitutionnellement comme une société distincte au sein du Canada; puis par ce refus du reste du Canada de lui accorder cette reconnaissance, à la fois si simple mais si vitale pour la pérennité de la langue et de la culture françaises en Amérique. Un refus qui s'installe dans la durée.
Cet accord était une sorte de «paix des braves» venant réparer l'affront fait au Québec en 1982 par le gouvernement fédéral et les autres provinces avec le rapatriement unilatéral de la Constitution. Il concrétisait ce «beau risque» évoqué par le premier ministre René Lévesque au lendemain de l'élection de Brian Mulroney qui s'était engagé à faire en sorte que, devenu chef du gouvernement canadien, le Québec puisse réintégrer la Constitution canadienne dans «l'honneur et l'enthousiasme».
Vu avec le recul du temps, cet accord avait surtout valeur de symbole. Il ne transformait pas radicalement la Constitution canadienne, d'autant plus que le gouvernement de Robert Bourassa s'était limité à cinq demandes. La plus importante portait sur la reconnaissance du Québec comme formant une société distincte, sur laquelle se cristallisèrent toutes les critiques et les oppositions.
Pour certains, l'intégrité même du Canada était menacée puisque les tribunaux allaient devoir interpréter la Constitution en tenant compte du fait que «l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise». Pour d'autres, elle n'avait au contraire aucune portée effective, car concurremment à la reconnaissance du caractère distinct du Québec, on affirmait aussi le caractère bilingue du Canada. On ne saura jamais l'impact réel qu'aurait eu cette clause, mais les ambiguïtés contenues dans ce texte rendaient incertain le gain pour le Québec.
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Plus que tout, cette reconnaissance constitutionnelle du Québec comme société distincte est ce dont il a besoin pour assurer sa sécurité culturelle s'il est pour demeurer au sein de la fédération. Ainsi, une clause interprétative affirmant clairement la responsabilité de l'Assemblée nationale de protéger et de promouvoir la langue et la culture françaises aurait sans doute conduit la Cour suprême à juger autrement qu'elle l'a fait ces trois dernières décennies les contestations de la Charte de la langue française. Invalidée l'an dernier par le plus haut tribunal du pays, la loi 104 interdisant le recours aux écoles passerelles pour accéder à l'enseignement en anglais aurait résisté, peut-on croire, à l'examen des juges s'ils avaient eu à tenir compte de la réalité sociolinguistique du Québec.
La perspective d'obtenir une telle clause interprétative est quasi nulle, du moins dans un horizon prévisible. Aux yeux du Canada anglais, la question du Québec est réglée depuis que les Québécois ont dit non à la souveraineté en 1995. On rejette toute reprise de discussions constitutionnelles sous prétexte qu'elles diviseraient le pays. Tout ce qu'on propose aux Québécois sont des gestes qui, pour être de beaux symboles, n'en sont pas moins insignifiants. L'adoption d'une résolution par les Communes reconnaissant le Québec comme nation n'a eu aucune influence sur les tribunaux qui ont eu à se pencher sur la loi 104.
Le gouvernement Charest n'a cessé de nous rappeler à propos d'une reprise du dialogue constitutionnel que le fruit n'est pas mûr. Surprise! Le ministre Claude Béchard confie au Devoir en cette veille de l'anniversaire des vingt ans de Meech que le Québec voudrait proposer une négociation bilatérale avec Ottawa pour notamment inscrire dans la Constitution la reconnaissance de la nation québécoise. Une déclaration étonnante qui soulève nombre de questions. Si constitutionnaliser le concept de nation québécoise est certes la chose à rechercher, ce n'est certes pas dans une négociation bilatérale que l'on pourra atteindre cet objectif. De toute évidence, on est devant des intentions plutôt que d'un projet concret dont on peut se demander si elles ne servent pas à ce moment-ci à faire diversion dans le climat politique actuel. On est encore loin de la paix des braves espérée il y a vingt ans.
Les vingt ans de Meech
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