À la différence de tous les établissements financiers qui font la pluie et le beau temps à Wall Street, JP Morgan fut le seul à traverser la tempête de 2008 sans déclarer un dollar de perte. Fort de cette performance, ses dirigeants se sont transformés depuis en adversaires résolus de l’encadrement. Il aura suffi qu’une personne, et une seule, brûle plus de trois milliards et que l’entrée en Bourse de Facebook se finisse en queue de poisson pour que l’on évoque avec plus d’insistance aujourd’hui qu’hier le retour à une certaine discipline.
Ici et là, on affirme que la crise a éclaté en 2008. Il est exact que c’est au cours de cette année que Lehman Brothers, l’assureur AIG et d’autres acteurs financiers ont sombré. Dans le cas qui nous occupe principalement aujourd’hui, soit JP Morgan, ce n’est pas aux décapitations monétaires de 2008 qu’il faut se référer, mais bien à la faillite de la banque Baring au milieu des années 90.
Avec cette banque qui était par ailleurs la banque de la famille royale, JP Morgan propose des points communs qui ont ceci de troublant, pour ne pas dire rageant, que l’on n’en a tiré aucun enseignement. Le premier point commun ? Lorsque l’agence de presse a indiqué à la mi-avril que le pupitre londonien chargé du « crédit synthétique » était dans le rouge, Jamie Dimon a eu une attitude semblable à celle des dirigeants de la Baring. À savoir une arrogance qui peinait à cacher son incompréhension des formules mathématiques extrêmement complexes avec lesquelles jonglent une génération de courtiers beaucoup plus jeunes que lui.
Si l’on met en relief une réalité démographique, c’est pour mieux rappeler que, dans le rapport composé par les parlementaires britanniques dans le but de mettre au jour les tares qui ont mené à la faillite de la Baring et de faire bien évidemment des recommandations, il était écrit noir sur blanc que les dirigeants formés à Oxford et Cambridge dans les années 50 ou 60 ne comprenaient absolument rien aux véhicules financiers que des courtiers formés dans les années 80 s’échangeaient.
À l’instar de la Baring, une personne et une seule, on le répète, est à l’origine du revers de fortune que vient d’enregistrer JP Morgan. À l’instar de la Baring, le revers en question découle des placements à découvert effectués à même les fonds propres. À l’instar de la Baring, l’agence Blomberg avait bel et bien tiré la sonnette d’alarme avant la chute finale. Cette histoire a ceci d’épuisant, de déprimant que, 17 ans après la fermeture de la Baring, on n’a tiré aucun enseignement, absolument aucun, dans la panoplie contenue dans l’analyse des élus britanniques.
Prenons la règle dite de Volcker, du nom de l’ancien président de la Réserve fédérale, qui voudrait restreindre les opérations spéculatives à même les fonds propres, elle est l’objet d’un tir de barrage d’une force inouïe. Que l’on y songe, des banques dont les dépôts des particuliers sont garantis par l’État se sont engagées, dans la foulée du décloisonnement des institutions financières, dans la manipulation de produits financiers qui ont mis le monde sens dessus dessous et bataillent fermement pour limiter au maximum la portée de cette règle. De quoi s’inquiéter. Et pas qu’un peu.
Réforme bancaire aux États-Unis
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