En 1964, fut fondé un parti de défense des Bruxellois de langue française, le FDF, Front Démocratique des Francophones (1). Il est évident que ce parti a une grande importance dans l’histoire de la question nationale belge. Il a contribué à distinguer voire à séparer (ce qui n’a pas toujours été fait avant, peut-être aussi parce que Bruxelles était à majorité flamande), la revendication bruxelloise francophone des revendications wallonnes. Les revendications du FDF sont très naturellement d’abord linguistiques, portant à la fois sur la défense des Francophones à Bruxelles, mais aussi de ceux, principalement, qui habitent cet arrondissement administratif bruxellois qui englobe plusieurs communes de la Région fédérée flamande dont certaines accordent des facilités à leurs habitants francophones : BHV.
Mieux vaut la Flandre indépendante qu’un Etat confédéral
L’actuel président de ce parti qui est en réalité englobé dans un plus grand parti, le Mouvement réformateur (les libéraux), c’est Olivier Maingain (c’est un petit parti, mais fortement implanté à Bruxelles, y compris dans plusieurs grandes communes). Il vient de déclarer qu’il préférait encore une Flandre indépendante à un Etat belge confédéral (Télémoustique de ce 7 juillet), car il préfère un Etat fédéral dans lequel, écrit-il, « les entités possèdent une réelle autonomie, mais où l’Etat peut arbitrer des conflits quand une de ces entités ne respecte pas les droits fondamentaux de certains de ses habitants. » Il songeait aux habitants francophones de la périphérie bruxelloise. Et il préfère une Flandre indépendante à un Etat confédéral.
Ce qui est étrange, c’est que l’Etat belge n’a jamais vraiment « arbitré » les conflits entre Flamands et Wallons. On peut montrer par exemple que c’est en s’appuyant sur une majorité de parlementaires flamands dans le Parlement belge que toutes les lois linguistiques ont été votées. Sauf dans les années 1930, ces lois ont toutes été rejetées en vain par les députés wallons, en vain parce que ceux-ci étaient minoritaires et le demeurent au Parlement belge. Ces députés wallons ont-ils eu raison ? Sur le fond du problème, non. Une langue a bien le droit de se développer. Sur la manière, je dirais que si. Car il est vrai que le mouvement flamand a usé et abusé de la supériorité numérique de la population flamande en Belgique pour arriver à ses fins. Non sans mal d’ailleurs, car les préjugés de la bourgeoise belge (de Wallonie et de Flandre), à l’égard du néerlandais étaient énormes. Ou leur attachement au français. Car la plupart des premiers grands écrivains belges francophones sont des Flamands, souvent de premier plan comme Verhaeren ou Maeterlinck (Prix Nobel de littérature), et, plus près de nous, Jacques Brel.
On s'est souvent passé de l’avis des Wallons sauf quand ils décrétaient la grève générale
Mais cela a conditionné une autre réponse wallonne, ne s’exprimant pas d’abord sur le plan linguistique, mais politique et économique. Même en parlant la langue non méprisée du pays, les Wallons se sont vus peu à peu dominer, politiquement d’abord, économiquement ensuite. Par exemple, en 1950, bien qu’ils aient dit Non au retour du roi Léopold III par référendum, la Flandre majoritaire imposa un résultat favorable au roi dans tout le pays. Un roi qui revint. C’est par une grève violente que les Wallons parvinrent à faire valoir une sorte de droit de veto confédéral. Car le roi fut contraint de se retirer devant la violence de l’émeute. Dix ans plus tard, la grève qui se déclencha peu avant la Noël 1960, bien que confusément, se voulait, elle, une réaction à la minorisation économique. Elle déboucha sur la revendication de l’autonomie de la Wallonie. Et cette revendication aboutit logiquement à un fédéralisme très poussé. En ce sens que toutes les compétences attribuées aux Etats fédérés en Belgique le sont comme si elles l’étaient à un Etat souverain puisque, dès que la compétence est transférée, l’Etat fédéré devient le seul à pouvoir légiférer dans ce domaine et le seul à gérer cette matière sur le plan international. Il y a ici un clair et bref exposé des différences entre le Canada et la Belgique. Or, cela c'est précisément déjà le confédéralisme. Certes, on ne parle de confédération que pour désigner le lien qui unit des Etats souverains. Mais il y a déjà quelque chose de cela dans la fédération belge.
Le confédéralisme sert aussi à Bruxelles comme Région
Cette manière de fonctionner peut profiter à Bruxelles qui, en fonction de la proximité de l’aéroport de Bruxelles, impose des normes de bruit très sévères, plus sévères que les normes flamandes (l’aéroport national belge, est situé en Flandre). Elle procède aussi de la crainte ancestrale des Wallons (crainte fondée), que les choses ne se décident sans eux. Et sans doute qu’elle procède aussi de la volonté nationale flamande d’être maître chez soi, pour défendre le néerlandais. Tout cela signifie qu’il est peu indiqué de souhaiter qu’un Etat belge demeure un arbitre, puisqu'il ne l'a jamais vraiment été. Quand il y a mésentente, le meilleur accord c’est celui dont les parties au conflit fixent elles-mêmes les modalités. Jean de la Fontaine l’avait bien vu dans L’huître et les plaideurs.
(1) Devenu le Front des Fédéralistes Francophones car il veut s'étendre à la Wallonie, ce qui suscite le mécontentement profond de ses partenaires libéraux.
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