Une campagne improvisée, sans message, qui a dérapé : des membres influents du Parti québécois (PQ) demandent des comptes à Pauline Marois et à sa garde rapprochée, jugés responsables de la pire défaite du parti depuis quatre décennies.
Les hautes instances du parti doivent se rencontrer pour la première fois depuis l’échec électoral du 7 avril, samedi prochain à l’hôtel Sheraton de Laval, a appris Le Devoir. Plus de 150 militants, membres de l’exécutif national et représentants de chacune des circonscriptions et des régions, dresseront un bilan de la défaite.
Des membres influents du parti montrent du doigt le président du PQ, Raymond Archambault, le directeur général, Sylvain Tanguay, le directeur des communications, Julien Lampron, et d’autres membres de l’entourage de Pauline Marois, dont Nicole Stafford, qui était chef de cabinet de la première ministre. Certains s’attendent à un « grand ménage » à la tête du parti et prédisent le départ du président et du directeur général. L’exécutif national maintient cependant sa confiance envers ces deux personnages-clés de l’organisation.
« Qui menait la campagne ? Et pourquoi l’ont-ils menée si mal ? », résume un ministre sortant du gouvernement Marois. « Si le parti avait un plan de campagne, je ne l’ai jamais vu », note un autre membre du PQ.
Le parti a subi sa pire dégelée depuis la première élection de sa jeune histoire, en 1970, en remportant tout juste 25,4 % des voix — et 30 des 125 sièges à l’Assemblée nationale. Le Parti libéral du Québec (PLQ) de Philipe Couillard a remporté la majorité des sièges avec 41,5 % des voix et 70 députés. La Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault a fait élire 22 candidats, et Québec solidaire compte maintenant 3 élus, tous à Montréal.
L’effet PKP
La campagne a mal commencé avec le refus de Pauline Marois de s’adresser aux journalistes le jour du déclenchement, notent nos sources. Quatre jours plus tard, l’improvisation de l’équipe de direction a éclaté au grand jour avec l’entrée en scène de Pierre Karl Péladeau : les stratèges du parti étaient convaincus que l’homme d’affaires allait porter le coup de grâce aux libéraux, indique-t-on.
« Ils n’ont jamais pensé que les électeurs pouvaient se braquer contre la possible tenue d’un référendum à cause de Péladeau », dit un membre influent du parti.
Ce militant reproche à Pauline Marois, à sa fidèle lieutenante Nicole Stafford et à Sylvain Tanguay d’avoir gardé secrète la candidature de PKP. Même Raymond Archambault, président du parti, a été mis devant le fait accompli : Pauline Marois lui a appris l’entrée en scène de PKP deux heures avant la conférence de presse à Saint-Jérôme.
Plus important encore, le parti a maintenu le flou au sujet de sa raison d’être, l’indépendance du Québec, notent des péquistes influents. C’est l’éternel dilemme du PQ : promouvoir le « pays » sans heurter la majorité des électeurs, qui demandent un « bon gouvernement ».
Perte de contrôle
« Déjà, en 2012, nous avions gagné de justesse, et on sentait qu’avec une semaine de campagne de plus, les libéraux auraient pu nous rattraper », affirme une source. Il y aurait eu lieu de chercher à comprendre dès ce moment ce qui accrochait dans le discours péquiste ou la manière de le présenter, dit-elle.La perte de contrôle sur le message a été accentuée par le fait que le PQ « n’avait pas grand-chose à mettre en avant, pense-t-elle. Toutes nos annonces étaient déjà connues. Alors, on dit quoi aux journalistes ? »
Mais au-delà de la forme, il y avait aussi un problème avec le fond du message, ajoute-t-elle. « Qu’est-ce qu’on avait à proposer aux gens ? Ce n’était pas clair. D’un côté, on ne parlait pas de notre bilan. Mais, de l’autre, notre message était confus. »
Appel au dialogue
Raymond Archambault reconnaît l’ampleur du défi qui attend le parti. Il a lui-même convoqué le rendez-vous de samedi à Laval en raison de l’importance du bilan qui reste à faire, souligne-t-il. Les militants pourront « poser les questions qu’ils veulent poser, et faire les commentaires et les observations qu’ils veulent bien faire » à l’exécutif national. « Ça va nous permettre d’entreprendre un dialogue qui va se poursuivre entre les militants dans les circonscriptions jusqu’à la CNPP [conférence nationale des présidentes et présidents] du mois de juin », a affirmé M. Archambault.
Il compte demeurer à la présidence de la formation politique jusqu’au prochain congrès national, en 2015. « Je n’ai eu aucune demande [de démission] », a indiqué M. Archambault. Il dit entretenir de « très bons rapports » avec tous les membres de l’exécutif national.
Le président du conseil exécutif national des jeunes, Frédéric St-Jean, ainsi que le député de Saint-Jean, Dave Turcotte, sont également attendus samedi après-midi à l’hôtel Sheraton. Le PQ y avait tenu le samedi 8 mars dernier son conseil national électoral.
Deux autres députés — une femme et un homme — accompagneront samedi après-midi M. Turcotte, qui a été le seul des trois représentants de l’aile parlementaire du PQ au conseil exécutif à être réélu le 7 avril.
Pour sa part, Mme Marois prendra part seulement à la conférence nationale des présidentes et des présidents, qui doit être réunie au plus tard le 7 juin. L’ensemble des candidats élus et défaits pourra prendre la parole durant cette nouvelle rencontre destinée exclusivement à comprendre la désaffection de l’électorat envers le PQ. « On devrait à ce moment-là clore l’analyse de la campagne électorale elle-même », dit M. Archambault.
L’heure des comptes a sonné au PQ
Les hautes instances du parti se réuniront pour la première fois après la défaite électorale, samedi à Laval
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