L'héritier

Plan NORD du PLQ

Personne ne peut dénier à Jean Charest un réel talent pour la politique. Obtenir, perdre et retrouver une majorité à l'Assemblée nationale sans discontinuité constitue un exploit qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait accompli.
Même si la modestie n'est généralement pas la qualité première des politiciens, M. Charest a cependant un sens de la perspective très sélectif pour se poser en héritier des «grands bâtisseurs» libéraux qu'ont été Jean Lesage et Robert Bourassa.
La nationalisation de l'électricité et le développement de la Baie James sont indéniablement de grandes réalisations, mais cela ne représente qu'une partie de leur oeuvre. Le «Maîtres chez nous» de Jean Lesage s'est également traduit par la création de la Caisse de dépôt, à la suite d'une véritable épreuve de force avec Ottawa, de même que par un transfert de points d'impôt qui constituait une véritable correction du déséquilibre fiscal.
Robert Bourassa n'a pas été seulement l'homme des grands barrages. Malgré les imperfections de la loi 22, il a aussi fait du français la seule langue officielle au Québec. L'échec de l'accord du lac Meech n'enlève rien à la réalité de ses efforts pour corriger le tort fait au Québec par le rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982.
Certes, le développement économique lui tenait à coeur, mais il répétait continuellement que sa qualité de chef du seul État francophone en Amérique du Nord lui imposait une responsabilité bien particulière, dont M. Charest ne semble pas toujours avoir conscience.
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La flagornerie est monnaie courante en politique, mais le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Sam Hamad, a atteint un sommet en déclarant qu'avec M. Charest, «on a changé le monde». Rien de moins.
D'ailleurs, même dans le domaine de l'énergie, le premier ministre ressemble davantage à un pâle imitateur qu'à un héritier. La qualité de ses présentations vidéo est indéniablement supérieure à celles du début des années 1970, mais les solutions d'il y a quarante ans sont-elles celles de l'avenir?
En ce qui concerne la place du Québec au sein de la fédération, M. Charest peut surtout se réclamer d'Adélard Godbout. En toute justice pour ce dernier, il faut cependant dire que le Québec des années 1940 ne bénéficiait pas du même rapport de force face à Ottawa que celui des années 2000.
M. Charest n'est pas seulement le chef du PLQ, mais également le premier ministre du Québec. À ce titre, il est également l'héritier de ses prédécesseurs unionistes et péquistes. Personne ne s'attend à ce qu'il fasse l'indépendance, mais on ne peut pas dire qu'il ait beaucoup fait progresser le dossier constitutionnel. Depuis le départ de Benoît Pelletier, le gouvernement s'est mis au neutre.
Le PLQ n'a plus grand-chose à voir avec celui de MM. Lesage et Bourassa. Au conseil général de la fin de semaine dernière, il était impossible de croire que ce parti-là avait jadis adopté le rapport Allaire. Dans la salle clairsemée du centre Sheraton de Laval, les échanges ressemblaient à un doux ronron.
Le «Comité du suivi des engagements électoraux», qui constituait la seule façon pour les militants libéraux d'exercer une quelconque surveillance, a été aboli il y a deux ans, et personne ne s'en était encore ému.
Robert Bourassa s'en accommodait fort bien, mais M. Charest estime suffisantes les critiques qui viennent de l'extérieur du parti. L'ancien député d'Orford Robert Benoît, qui avait créé le comité en 1985, alors qu'il était président du PLQ, a déclaré au Devoir: «Il y a des gens qui ont peur d'avoir peur [...] Un bon leader n'a pas peur de ce type d'instance.»
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Ravis d'entendre le premier ministre annoncer que le projet de Petit-Mécatina prendrait la relève de celui de la Romaine en... 2017-2018, les délégués au conseil général n'ont pas jugé utile d'aborder les sujets de l'heure, comme la Caisse de dépôt ou les Fonds d'intervention économique régionaux (FIER).
Malgré toutes les difficultés des derniers mois, les militants libéraux ne semblaient habités par aucun sentiment d'urgence. On peut les comprendre: le gouvernement a beau être continuellement sur la sellette, le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir place le PLQ et le PQ à égalité avec 40 % des intentions de vote, même si ce dernier détient toujours une avance de 18 points chez les francophones, qui lui assurerait la victoire.
Même si les élections sont encore très loin, ce sont les péquistes qui devraient s'inquiéter. Si le PQ ne réussit pas à distancer les libéraux au plus fort de la crise, qu'en sera-t-il quand l'économie reprendra? Même si le taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement est de 58 %, Pauline Marois n'arrive toujours pas à supplanter le premier ministre dans l'estime populaire.
M. Charest peut toujours se voir comme un héritier, un jour viendra où il devra passer la main à son tour. Quel parti laissera-t-il à son successeur? À en croire Robert Benoît, le PLQ ne serait plus qu'une «machine à remporter les élections». Ce n'est déjà pas si mal, diront certains, mais les «grands bâtisseurs» nous avaient habitués à autre chose.
mdavid@ledevoir.com


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