Nous vous proposons aujourd’hui la vidéo (sous-titrée par les lecteurs de ce blog)) qui a mis le feu aux poudres aux États-Unis à propos du rôle supposé de l’Arabie Saoudite dans la 11 Septembre.
Le reportage a été diffusé sur CBS dans l’émission 60 Minutes, probablement la plus prestigieuse émission de reportages aux États-Unis, sorte d’Envoyé spécial.
Il a donc été vu par un peu moins de 20 millions d’Américains…
Comme nous l’avons vu, cela n’a pas intéressé les médias français :
Pas intéressant ? “Selon certains” ? Notez bien qui sont les “certains”…
Le Monde, une publicité vivante pour le retour du pilori…
À vous de juger en tous cas, vous en avez désormais les moyens…
L’émission 60 Minutes du 10 avril 2016 :
Le texte suivant est une retranscription de « 28 pages » diffusée le 10 avril 2016. Steve Kroft est le journaliste.
Vous pouvez retrouver le verbatim original ici.
L’ancien sénateur Bob Graham et d’autres exhortent l’administration Obama à déclassifier les pages expurgées d’un rapport contenant des secrets sur le 11-Septembre.
Dans 10 jours, le président Obama se rendra en Arabie saoudite à un moment de profonde défiance entre les deux alliés et de doutes persistants sur l’engagement saoudien dans la lutte contre l’extrémisme islamique violent.
Cela survient également à un moment où la Maison-Blanche et les responsables du renseignement examinent la possibilité de déclassifier un des documents les plus sensibles du pays – connu sous le nom de « 28 pages ». Elles concernent le 11-Septembre et l’existence éventuelle d’un réseau saoudien de soutien aux pirates de l’air lorsqu’ils étaient aux États-Unis.
Pendant 13 ans, les 28 pages ont été enfermées dans un coffre secret. Seul un petit groupe de personnes les ont vues. Ce soir, vous entendrez quelques-unes des personnes qui les ont lues et pensent, tout comme les familles des victimes du 11-Septembre, qu’elles devraient être déclassifiées.
Bob Graham : Je pense qu’il n’est pas plausible que 19 personnes, dont la plupart ne parlaient pas anglais, dont la plupart n’avaient jamais été aux États-Unis auparavant, dont beaucoup n’avaient pas fait d’études secondaires – aient pu effectuer une tâche si compliquée sans un certain soutien à l’intérieur des États-Unis.
Steve Kroft : Et vous croyez que les 28 pages sont cruciales pour cela ? Vous comprenez…
Bob Graham : Je pense qu’elles sont un élément clé.
L’ancien sénateur américain Bob Graham a essayé d’obtenir la publication des 28 pages depuis le jour où elles ont été classifiées en 2003, lorsqu’il a joué un rôle majeur dans la première enquête du gouvernement sur le 11-Septembre.
Bob Graham : Je reste profondément troublé par la quantité de contenu qui a été censuré dans ce rapport.
À l’époque, Graham était président du Comité sénatorial sur le renseignement et coprésident de l’enquête bipartite conjointe du Congrès sur les défaillances du renseignement entourant les attaques. La Commission d’enquête mixte a examiné un demi-million de documents, a interrogé des centaines de témoins et a produit un rapport de 838 pages, moins le dernier chapitre qui a été masqué – retiré par l’administration Bush pour des raisons de sécurité nationale.
Bob Graham ne discutera pas des informations classifiées dans les 28 pages, il dira seulement qu’elles décrivent un réseau de personnes dont il pense qu’elles ont aidé les pirates de l’air lorsqu’ils étaient aux États-Unis.
Steve Kroft : Vous êtes convaincu que le soutien est venu de l’Arabie saoudite ?
Bob Graham : En grande partie.
Steve Kroft : Et quand nous disons « les Saoudiens », vous voulez dire le gouvernement, le —
Bob Graham : Je veux dire —
Steve Kroft : – des personnes riches du pays ? Des fondations —
Bob Graham : Tout cela à la fois.
Graham et d’autres pensent que le rôle des Saoudiens a été minimisé afin de protéger une relation délicate avec un royaume compliqué où dirigeants, royauté, richesse et religion s’entremêlent tous profondément dans ses institutions.
Bob Graham | CBS NEWS
Porter Goss, républicain qui, au titre de la Chambre des représentants, coprésidait l’enquête mixte avec le sénateur Graham, et devint plus tard directeur de la CIA, estime vraiment qu’une version non censurée des 28 pages devrait être incluse dans le rapport final. Les deux hommes l’ont fait valoir au FBI et à son directeur de l’époque, Robert Mueller, lors d’une réunion en tête à tête.
Porter Goss : Et ils résistaient fermement à propos des 28 pages et disaient « Non, ça ne peut pas être déclassifié en ce moment. »
Steve Kroft : Auriez-vous demandé au directeur du FBI pourquoi c’était classifié ?
Porter Goss : Oui, nous avons demandé ça, en substance, et la réponse était : « Nous l’avons dit, ça doit être classifié. »
Goss dit qu’il ne savait pas pourquoi le dossier était alors classifié, et il ne sait pas pourquoi il l’est toujours. Les pages sont enfermées sous la capitale dans des abris protégés appelés Centre d’informations compartimenté sécurisé, ou SCIF en jargon gouvernemental. Et c’est là le plus loin où ont pu aller nos caméras. Une zone ultra réservée où les membres du Congrès ayant les autorisations nécessaires peuvent lire les documents sous haute surveillance. Aucune prise de note n’est autorisée.
Tim Roemer : Tout va mener à ça, Steve.
Tim Roemer, un ancien élu démocrate du Congrès et ambassadeur des États-Unis en Inde, a lu les 28 pages plusieurs fois. Une première fois en tant que membre de l’enquête mixte et plus tard comme membre de la commission de sages du 11-Septembre qui reprenait les investigations quand celles du Congrès ont pris fin.
Steve Kroft : Est-il vraiment difficile de pouvoir lire les 28 pages ?
Tim Roemer : Très difficile. Il est difficile de mettre les yeux dessus.
Roemer et d’autres qui ont en effet pu lire les 28 pages les décrivent comme un document de travail similaire à un rapport de jury d’accusation ou de police comprenant des attestations perturbantes – certaines vérifiées, d’autres non. Elles exposent la possibilité d’une assistance officielle saoudienne pour deux des pirates de l’air établis en Californie du Sud. Cette information contenue dans les 28 pages a été remise à la commission du 11-Septembre pour de plus amples recherches. Il a été répondu à certaines questions dans le rapport final de la commission, mais pas à toutes.
Steve Kroft : Est-ce qu’il y a des informations dans les 28 pages qui, si elles étaient déclassifiées, surprendraient les gens ?
Tim Roemer : Évidemment, elles vont vous surprendre. Et vous allez être surpris par certaines réponses qui attendent là aujourd’hui dans le rapport de la Commission du 11-Septembre, sur ce qui s’est passé à San Diego et ce qui s’est passé à Los Angeles. Et quelle était l’implication saoudienne.
Beaucoup de ces informations surprenantes sont enfouies dans des notes en bas de page et dans des annexes du rapport du 11-Septembre, en partie dans les archives publiques officielles, mais la plupart inconnues du grand public. Voici certains faits, mais pas tous :
En janvier 2000, le premier pirate de l’air a atterri à Los Angeles après avoir assisté à un sommet d’al-Qaïda à Kuala Lumpur en Malaisie. Les deux ressortissants saoudiens, Nawaf al-Hazmi et Khalid al-Mihdhar, sont arrivés avec des compétences très limitées en langue et sans expérience de la culture occidentale. Pourtant, grâce à une incroyable série de circonstances, ils sont arrivés à obtenir tout ce dont ils avaient besoin, d’un logement à des leçons de pilotage.
Tim Roemer : L.A., San Diego, vous savez, c’est vraiment un nid de guêpes. C’est vraiment à cela que je continue à penser, presque quotidiennement.
Durant leurs premiers jours à L.A., des témoins repèrent les deux futurs pirates de l’air à la mosquée du roi Fahd en compagnie de Fahad al-Thumairy, un diplomate du consulat saoudien connu pour ses opinions extrémistes. Plus tard, les enquêteurs du 11-Septembre le jugeront menteur et suspect ; en 2003, on le soupçonnera d’avoir des liens avec une activité terroriste : on lui interdira de rentrer aux États-Unis.
Tim Roemer : C’est une personne très intéressante en ce qui concerne le volet “qui a aidé qui ?” du 11-Septembre – à Los Angeles et San Diego, avec ces deux terroristes qui se trouvaient en terre inconnue.
Des factures de téléphone montrent que Thumairy était aussi en contact régulier avec un homme : Omar al-Bayoumi, un mystérieux saoudien devenu le plus grand mécène des pirates de l’air. C’était un employé fantôme avec un travail fictif chez un sous-traitant saoudien de l’aviation, à l’extérieur de Los Angeles. En même temps, il percevait un salaire du gouvernement saoudien.
Steve Kroft : Vous pensez que Bayoumi était un agent saoudien ?
Bob Graham : Oui, et –
Steve Kroft : Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?
Bob Graham : – Eh bien, tout d’abord, même avant le 11-Septembre, il était sur les listes du FBI comme agent saoudien.
Le matin du 1er février 2000, Bayoumi s’est rendu au bureau du consulat saoudien où travaillait Thumairy. Il est ensuite allé déjeuner dans un restaurant oriental sur Venice Boulevard où il prétendra, plus tard, avoir fait, par hasard, la connaissance des deux futurs pirates de l’air.
Tim Roemer : Hazmi et Mihdhar sont, comme par magie, tombés sur Bayoumi dans un restaurant, ce qui, comme le prétend ce dernier, est une coïncidence, et ce dans l’une des plus grandes villes des États-Unis.
Steve Kroft : Et il décide alors de les prendre sous son aile.
Tim Roemer : Il décide non seulement de les prendre sous son aile, mais aussi de les aider à déménager à San Diego et à s’y établir.
À San Diego, Bayoumi leur a trouvé un appartement dans son propre immeuble, leur a avancé la caution, et a été cosignataire de leur bail. Il a même donné une petite fête en leur honneur et les a présentés à d’autres musulmans à même d’aider les pirates à se procurer des papiers, et à s’inscrire à des cours d’anglais et à une école de pilotage. Il n’y a pas de preuve que Bayoumi ou Thumairy aient su ce que les futurs pirates envisageaient de faire, et il est possible qu’ils aient seulement essayé d’aider des coreligionnaires.
Mais le jour même où les pirates arrivaient à San Diego, accueillis par Bayoumi, on a téléphoné quatre fois du portable de ce dernier à l’imam de la mosquée de San Diego, Anwar al-Awlaki, dont le nom devrait vous être familier.
Awlaki, né en Amérique, allait avoir, une décennie plus tard, la sinistre réputation d’être responsable de la propagande d’al-Qaïda et important agent au Yémen, jusqu’à ce qu’un drone de la CIA ne l’abatte. En janvier 2001, toutefois, un an après être devenu le conseiller spirituel des pirates, il a quitté San Diego pour Falls Church, en Virginie. Quelques mois plus tard, Hazmi, Mihdhar et trois autres pirates allaient l’y rejoindre.
Tim Roemer : Ça fait beaucoup de coïncidences, et beaucoup de fumée. Est-ce que c’est assez pour qu’on se sente mal à l’aise, et pour qu’on ait envie de creuser plus profondément et de déclassifier ces 28 pages ? Absolument.
Personne, peut-être, n’est plus avide de lire ces 28 pages que les avocats Jim Kreindler et Sean Carter qui représentent les proches des victimes du 11-Septembre dans l’action en justice qu’ils intentent contre le royaume saoudien. Ils soutiennent que les institutions de ce pays ont fourni de l’argent à al-Qaïda, en sachant que ce groupe menait une guerre contre les États-Unis.
Jim Kreindler : Ce que nous faisons devant le tribunal, c’est évoquer l’histoire qui doit sortir. Mais cela a été difficile pour nous, parce que pendant de nombreuses années nous n’obtenions ni la franchise ni la coopération qu’à notre avis notre gouvernement doit au peuple américain, et surtout aux familles de ceux qui ont été tués.
Le gouvernement des États-Unis a même soutenu la position saoudienne au tribunal – ils ne peuvent être assignés en justice parce qu’ils disposent de l’immunité des États souverains. Selon le rapport de la commission du 11-Septembre, l’Arabie saoudite a depuis longtemps été considérée comme la source essentielle de financement d’al-Qaïda grâce à ses riches citoyens et au soutien substantiel du gouvernement. Cependant, quand le rapport a été publié, la phrase qui a attiré le plus l’attention est la suivante :
« Nous n’avons trouvé aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution, ou que de hauts fonctionnaires saoudiens à titre individuel, aient financé l’organisation. »
Selon l’avocat Sean Carter, c’est la ligne du rapport du 11-Septembre qui a été rédigée avec le plus de soin et qui a été la plus mal comprise.
Sean Carter : Quand les auteurs affirment ne pas avoir trouvé de preuve que de hauts fonctionnaires saoudiens aient individuellement financé al-Qaïda, il est remarquable qu’ils n’excluent pas que des personnes, qui étaient des responsables mais qu’ils ne considéraient pas comme de hauts fonctionnaires, aient agi dans ce sens. C’est là qu’est le fond de l’action en justice des familles : des membres du gouvernement et des responsables de niveau inférieur, qui sympathisaient avec la cause de Ben Laden, ont aidé à accomplir les attentats et contribué au soutien du réseau de l’organisation.
Pourtant, pendant plus d’une décennie, le royaume a prétendu que cette phrase-là le disculpait en ce qui concerne le 11-Septembre, sans tenir compte de ce qui pouvait bien se trouver dans les 28 pages.
Bob Kerrey : Ils ne sont pas disculpés. Nous l’avons dit, avec ce rapport, nous n’avons pas disculpé les Saoudiens.
L’ancien sénateur Bob Kerrey est un autre des dix membres de la commission du 11-Septembre à avoir lu les 28 pages, et il pense qu’on devrait en autoriser la diffusion. Il a fait une déclaration sous serment pour soutenir l’action en justice des proches des victimes du 11-Septembre.
Bob Kerrey : On ne peut pas fournir de l’argent aux terroristes et puis dire : « Je n’ai rien à voir avec ce qu’ils font. »
Steve Kroft : Pensez-vous que toutes les pistes esquissées dans les 28 pages ont trouvé des réponses dans le rapport du 11-Septembre ? Toutes les questions qui ont été posées ?
Non, non. En règle générale, la commission du 11-septembre n’est pas entrée dans chaque détail du complot. Non. On n’a pas eu le temps, on n’a pas eu les moyens. On n’est certainement pas allés jusqu’au fond de l’enquête en ce qui concerne l’Arabie saoudite.
Steve Kroft : Selon vous, peut-on attribuer à des coïncidences tout ce qui s’est passé à San Diego ?
John Lehman : Je ne crois pas aux coïncidences.
John Lehman, qui était secrétaire d’État à la Marine dans l’administration Reagan, affirme que lui et les autres anciens membres de la commission du 11-Septembre souhaitent en majorité que les 28 pages soient publiées.
John Lehman : Nous ne sommes pas une bande de ploucs venus à Washington pour la première fois, pour cette commission. Je veux dire, nous, enfin vous savez, on n’est pas nés de la dernière pluie, on en a vu des politiques de sécurité nationale. On a tous, au cours de notre carrière, traité de sujets top secret et cloisonnés relatifs aux divers aspects de la sécurité. On sait bien quand quelque chose doit rester confidentiel. Et là, franchement, ces 28 pages n’entrent absolument pas dans cette catégorie.
Lehman ne doute pas que certains hauts fonctionnaires saoudiens savaient qu’al-Qaïda recevait de l’aide, mais il ne croit pas que cela n’ait jamais été une politique officielle. Il ne croit pas non plus que cela blanchisse les Saoudiens.
John Lehman : Ce n’était pas un accident si 15 des 19 pirates étaient des Saoudiens. Ils sont tous allés dans des écoles saoudiennes. Ils ont baigné, depuis leurs premiers jours d’école, dans ce type d’islam particulièrement intolérant.
Lehman parle du wahhabisme, cette forme d’islam, ultraconservatrice et puritaine, qui est implantée ici et qui s’insinue dans tous les secteurs de la société. Il n’y a pas de séparation de l’Église et de l’État. Après le pétrole, le wahhabisme fait partie des plus grandes exportations du royaume. Les religieux saoudiens, à qui l’on confie les sanctuaires les plus sacrés de l’islam, ont un immense pouvoir et disposent de milliards de dollars pour propager leur foi. Ils construisent à travers le monde des mosquées et des écoles religieuses, qui sont devenues des terrains de recrutement pour extrémistes violents. John Lehman, membre de la Commission du 11-Septembre, affirme que tout ceci est mis en évidence dans les 28 pages.
John Lehman : Il ne va pas y avoir là de preuves irréfutables qui vont provoquer une énorme controverse. Toutefois ces pages illustrent, de façon très condensée, le genre d’événements qui ont eu lieu et elles aideraient vraiment le peuple américain à comprendre pourquoi, quoi, comment. Comment se fait-il que ces gens surgissent soudain, partout dans le monde, pour participer au djihad ?
Tim Roemer : Vous voyez, les Saoudiens ont même dit qu’ils soutenaient la publication de ces pages. Nous devrions les déclassifier. Est-ce que c’est explosif, Steve ? Est-ce que ça ne serait pas un peu comme ouvrir la boîte de Pandore, voir des serpents en sortir ? Bien sûr, mais je pense que nous avons besoin d’avoir, avec les Saoudiens, une relation où les deux pays collaborent contre le terrorisme. Ce qui n’a pas toujours été le cas.
Fin de l’émission diffusée
Bonus Internet de l’émission 60 minutes (non diffusé – source à 1’00)
Question : “D’autres noms sont-ils mentionnés ?
John Lehman : Oui… Le spectateur moyen de 60 minutes les reconnaîtrait immédiatement.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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