(Paris) Le président français Emmanuel Macron s’alarme de la « fragilité extraordinaire de l’Europe », qui « disparaîtra » si elle ne « se pense pas comme puissance dans ce monde », dans un entretien à l’hebdomadaire The Economist publié jeudi.
« Je ne crois pas dramatiser les choses, j’essaye d’être lucide », souligne le chef de l’État qui pointe trois grands risques pour l’Europe : qu’elle ait « oublié qu’elle était une communauté », le « désalignement » de la politique américaine du projet européen, et l’émergence de la puissance chinoise « qui marginalise clairement l’Europe. »
« Depuis 70 ans, on a réussi un petit miracle géopolitique, historique, civilisationnel : une équation politique sans hégémonie qui permet la paix. […] Mais il y a aujourd’hui une série de phénomènes qui nous mettent dans une situation de bord du précipice », insiste M. Macron, qui voit aussi l’UE « s’épuiser sur le Brexit ».
Le président français estime d’abord que « l’Europe a oublié qu’elle était une communauté, en se pensant progressivement comme un marché, avec une téléologie qui était l’expansion ». Selon le chef de l’État, il s’agit là d’une « faute profonde parce qu’elle a réduit la portée politique de son projet, à partir des années 90 ».
Deuxième danger : les États-Unis qui restent « notre grand allié », mais « regardent ailleurs » vers « la Chine et le continent américain ». Ce basculement a été amorcé sous Barack Obama, estime le chef de l’État. « Mais pour la première fois, nous avons un président américain (Donald Trump) qui ne partage pas l’idée du projet européen, et la politique américaine se désaligne de ce projet », estime-t-il.
Enfin, le rééquilibrage du monde va de pair avec l’émergence – depuis 15 ans – d’une puissance chinoise qui crée un risque de bipolarisation et marginalise clairement l’Europe. Et à ce risque de G2 États-Unis/Chine, s’ajoute le retour de puissances autoritaires, au voisinage de l’Europe, «qui nous fragilisent également très profondément », ajoute M. Macron, citant la Turquie et la Russie.
En conséquence, il estime que si les Européens n’ont « pas un réveil, une prise de conscience de cette situation et une décision de s’en saisir, le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tous cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin. Je le crois très profondément. »