Depuis que des sauveteurs l’ont recueilli sur un canot pneumatique en Méditerranée vendredi, Glenn Alban dort sur des cartons d’emballage dans le port d’Algésiras, dans le sud de l’Espagne.
Ce Camerounais de 18 ans dit recevoir deux repas par jour - du lait et des biscuits au petit-déjeuner, un sandwich et un jus de fruit pour dîner - en attendant que la police vérifie son identité et l’autorise à quitter le plus grand port d’Espagne.
«Comme vous voyez, c’est dur. Il fait si chaud ici», disait-il lundi à l’AFP en montrant son lit de cartons qu’il protège du soleil avec une couverture de la Croix-Rouge tendue entre une barrière et un mur de béton.
«Je ne m’attendais pas à rester aussi longtemps comme ça. Je n’en reviens pas», dit Alban, qui a vécu deux ans au Maroc, avant de traverser le détroit de Gibraltar.
Plus d’arrivées en Espagne qu’en Italie
Alban fait partie d’une vague de migrants qui arrive par la mer en Espagne depuis l’Afrique du nord et met forces de l’ordre et services sociaux à rude épreuve.
L’Espagne a dépassé l’Italie en arrivées de migrants cette année, depuis que les forces libyennes ont renforcé les contrôles pour empêcher la traversée vers l’Italie, qui veut leur fermer ses ports.
Près de 23 000 migrants sont arrivés par la mer depuis le début de l’année, plus que sur l’ensemble de l’année dernière, selon l’Organisation internationale pour les migrations. 307 sont morts.
Rien que depuis vendredi plus de 1500 ont débarqué dans la province de Cadix, dont fait partie Algésiras, où la plupart sont dirigés.
Des dizaines de migrants ont été filmés samedi débarquant sur une plage de Tarifa, un paradis du kitesurf proche d’Algésiras, avant de se précipiter vers les bois, sous le regard étonné des baigneurs : une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux.
«Manque de moyens»
Beaucoup de migrants ont passé la nuit à bord d’un navire des gardes-côtes ou sur le quai où il est amarré dans le port d’Algésiras, les postes de police et les centres d’accueil ouverts dans les installations sportives étant pleins.
Venu se rendre compte sur place samedi, le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska a nié que le dispositif pour l’accueil des migrants soit sur le point de s’effondrer, assurant que la situation était «contrôlée».
Mais la police et les ONG disent que ce flux d’arrivées a mis en évidence que la réponse n’était pas suffisamment planifiée et qu’il manquait des bras et des fonds.
«Le nombre des arrivées est très significatif et le manque de moyens pour y faire face aussi», a déclaré à l’AFP Carmen Valyos, déléguée de la section de Cadix du syndicat policier SUP.
Il n’y a pas assez d’agents pour traiter chaque dossier de migrant en 72 heures, comme le prévoit la loi, même si on en fait venir en renfort d’autres services et que certains ont travaillé tous les jours sans repos en juillet.
Signe que la police a du mal à contenir la situation, 62 migrants se sont échappés dimanche d’un entrepôt dans le port de Barbate, près de Cadix, qui avait été transformé en centre d’accueil.
«Complètement débordés»
Les autorités n’ont pas assez de couvertures, matelas ni même nourriture pour les migrants qui ont débarqué ces derniers jours, affirme Ana Rosado, une militante de l’association de défense des droits humains APDHA. Parfois, elles ont même demandé à la population locale de donner de l’eau et de la nourriture : «ils sont complètement débordés», assure-t-elle.
L’armée a acheminé lundi une grue montée sur camion dans le port de San Roque, près d’Algésiras, pour construire un nouveau centre d’accueil pour 600 personnes, devant ouvrir cette semaine.
La politique s’est emparée de la question de la migration depuis que le nouveau chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez, arrivé au pouvoir en juin en renversant le conservateur Mariano Rajoy, a accepté d’accueillir deux navires chargés de migrants refoulés par l’Italie.
L’opposition conservatrice l’accuse d’avoir créé ainsi «un appel d’air» mais le gouvernement réplique que les arrivées augmentent depuis plus d’un an. Le nouvel exécutif reproche à l’équipe précédente de ne pas s’être préparée pour cette vague prévisible.