La zone euro vivra dans les prochaines semaines les moments les plus décisifs de son existence. À commencer par les 28 et 29 juin prochains, quand s’ouvrira le sommet européen. Il sera marqué, une fois de plus, par l’ambition de trouver des solutions à la crise qui assaille la zone euro, plus précisément la Grèce et surtout, depuis quelques semaines, l’Espagne.
En effet, en attendant les résultats des prochaines élections en Grèce prévues le 17 juin prochain, les projecteurs sont braqués sur l’Espagne, qui vit une période très critique sur le plan économique. Le pays est en récession et le PIB devrait se contracter encore cette année de 2 %. Le chômage demeure à un niveau record de 25 % de la population active, de 50 % chez les 18-24 ans. Quant à la dette du pays, elle dépasse maintenant les 80 % du PIB et les taux sur les obligations espagnoles (pour la financer) s’envolent à plus de 6 % (de plus, sa cote de crédit a été abaissée de nouveau cette semaine par l’agence de notation Fitch).
Et pour ajouter à ce climat de morosité économique, les grandes banques espagnoles sont au bord de la faillite (principalement à cause des créances douteuses dans le secteur de l’immobilier) et ont besoin de recapitalisation rapide pour éviter le pire (environ 80 milliards d’euros). Le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a même évoqué la possibilité que son pays ait recours à l’aide des institutions financières internationales, comme le FMI (Fonds monétaire international). Un exercice qui ne sera pas facile puisque l’Espagne est un joueur beaucoup plus imposant que la Grèce, l’Irlande ou le Portugal.
Il s’agit de la quatrième économie de la zone euro : son poids économique y représente 13 %, comparativement à 2 % pour la Grèce, 1,5 % pour l’Irlande et 2,5 % pour le Portugal. Il n’est donc pas étonnant que les pressions se fassent nombreuses et deviennent de plus en plus vives pour que la situation en Espagne ne dégénère pas davantage.
Urgence d’agir
Lors du sommet du G8 à Camp David, il y a quelques semaines, le président des États-Unis, Barack Obama, et le premier ministre de la Grande-Bretagne, David Cameron, n’ont pas manqué l’occasion de souligner l’urgence d’agir face à la situation économique dangereuse en Espagne et ont demandé aux dirigeants de la zone euro, et particulièrement à la chancelière allemande, Angela Merkel, de prendre des mesures rapidement en ce sens. Il y a trois jours, c’était au tour du secrétaire général de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), Angel Gurria, d’interpeller les leaders européens pour qu’ils arrêtent « de se passer la rondelle » et trouvent des solutions à la crise, notamment par le biais des institutions déjà existantes, faisant référence à la BCE (Banque centrale européenne).
Ping-pong politique
Pour le moment, ni la chancelière allemande ni le président de la BCE, Mario Draghi, ne semblent vouloir prendre davantage d’engagements. Mme Merkel continue de croire que la sortie de crise passe par une seule voie, soit la discipline et l’assainissement budgétaires, et que la situation dramatique dans laquelle sont plongés certains pays provient justement du laxisme budgétaire des années antérieures.
Seul un retour à l’équilibre des finances publiques pourra calmer les marchés et redonner confiance aux investisseurs. Selon elle, si l’idée d’un pacte pour la croissance est à première vue séduisante, elle demeure difficile à concrétiser. D’ailleurs, le président de la Bundesbank (la banque centrale allemande) a souligné cette difficulté de manière comique lorsqu’il a comparé l’idée de croissance à l’idée de la paix dans le monde : tout le monde la veut, mais personne ne s’entend sur les moyens d’y arriver !
De son côté, M. Draghi ne veut pas prendre d’initiatives qui reviennent aux « décideurs politiques », notamment en ce qui concerne l’émission d’euro-obligations afin de mutualiser les dettes ou encore l’achat massif d’obligations des pays fragiles pour apaiser les marchés. C’est que rien n’est prévu dans les traités à cet égard et que, sans l’assentiment des pays membres - en premier lieu l’Allemagne - rien ne peut être fait.
D’ailleurs, il a profité d’un discours prononcé le mois dernier pour appeler à plus de fédéralisme dans l’aventure européenne : « Nous sommes désormais arrivés au point où le processus d’intégration européenne a besoin d’un saut courageux d’imagination politique pour survivre. […] Il faut que les gouvernements des pays membres de la zone euro définissent de manière conjointe et irréversible leur vision de ce que sera la construction politique et économique qui soutient la monnaie unique. »
Mais ce jeu de ping-pong politique - fort coûteux - ne peut pas durer éternellement. Les populations des pays touchés par la crise, pas plus que les marchés, ne semblent pas avoir davantage de patience pour le supporter.
De l’incertitude…
En ce sens, la situation critique en Espagne peut devenir une occasion extraordinaire pour en finir avec les hésitations, les maladresses et les jeux politiques qui ont marqué la zone euro ces trois dernières années. Cela pourrait pousser plus loin les limites de l’intégration (et de la convergence) européenne, en particulier celle de la zone euro, et redonnerait confiance aux populations dans la capacité de leurs dirigeants à les sortir de la crise.
Mais surtout, cet exercice, s’il aboutissait à des avancées concrètes (notamment en ce qui a trait à la redéfinition d’un rôle accru de la BCE), mettrait fin aux spéculations et au climat d’incertitude qui règne dans la zone euro depuis près de trois ans. Il signalerait clairement qu’il y a un pilote dans l’avion, prêt à prendre les décisions qui s’imposent au moment opportun.
Reste à voir maintenant si les dirigeants européens sauront saisir cette occasion ou s’ils échapperont le ballon une fois de plus, peut-être une fois de trop…
Zone euro
L’Espagne : l’espoir d’une sortie de crise ?
Le sommet européen sera marqué, une fois de plus, par l’ambition de trouver des solutions à la crise qui assaille la zone euro, plus précisément la Grèce et surtout, depuis quelques semaines, l’Espagne.
Crise — Espagne
Khalid Adnane4 articles
Économiste, École de politique appliquée, Département d'histoire, Université de Sherbrooke
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