L’éclipse de la politique internationale du Québec

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Le gouvernement Couillard détruit cinquante ans d'effort pour bâtir une diplomatie québécoise






Le déclin de la présence diplomatique du Québec sur la scène internationale semble irrésistible et ne cesse de s’intensifier au fil des mois. Voilà, à présent, que le gouvernement Couillard annonce l’abolition de 28 % de son personnel affecté à l’étranger. Ce nouvel épisode de compression survient après la «vente de feu» des actifs immobiliers à l’étranger et le recul dramatique des dépenses du ministère des Relations internationales au cours des dernières années.


 

Ce spectaculaire « ratatinement », selon la formule d’Antoine Robitaille dans ces pages, réduit comme peau de chagrin la capacité d’action du Québec à l’étranger. Depuis 2009, le budget de la Délégation générale du Québec à Paris, le « vaisseau amiral » de notre dispositif diplomatique, a été réduit de moitié. Le gouvernement a ainsi, de facto, renoncé à affirmer sa présence à l’étranger. Nos diplomates n’agissent plus, ils sont condamnés à bricoler. Un ministère en loques, condamné à chevroter des rengaines d’hier dans les capitales étrangères.


 

Si cette décision était dictée par une vision raisonnée des enjeux politiques du Québec, si elle reflétait une redéfinition mûrement concoctée de la place du Québec sur la scène internationale ou un rééquilibrage de ses rapports avec les autres États, peut-être pourrions-nous y trouver un peu de bon sens et de légitimité.


 

Mais non, ce pêle-mêle brouillon de compressions n’aura d’autres conséquences que de transformer davantage une diplomatie autrefois efficace en diplomatie pâlichonne, partout extérieure aux événements, qu’elle observera désormais de loin, impotente et muette.


 

Une éclipse voulue


 

Au fond, ce rabotage frénétique des dépenses n’est rien d’autre qu’une éclipse de la politique internationale du Québec, voulue par nos dirigeants plutôt qu’imposée par une conjoncture qu’on accuse trompeusement d’imposer des décisions déplaisantes. On le sait, c’est la nature du scorpion de tuer celui qui le porte. Cette nouvelle décision du ministère des Relations internationales est la preuve, une fois encore, d’un gouvernement accroupi sur une idée simple : gouverner, c’est savoir compter.


 

Faut-il donc, toutes affaires cessantes, gouverner en ayant en tête cette seule boussole ? On veut bien admettre que la discipline budgétaire reste un bon principe de gouvernement ; encore faut-il qu’elle ne soit pas soumise à un régime de vérité, réfractaire à toutes contradictions, jugées ennemies de la responsabilité politique. Or, une dévotion sans borne à l’équilibre empêche le gouvernement Couillard de se consacrer aux autres responsabilités de l’État démocratique.


 

Le ministre de l’Éducation ne parle pas d’éducation, trop occupé à sermonner les recteurs et les parents ; la ministre des Relations internationales, au lieu de s’atteler à mettre en place une politique cohérente à l’endroit de l’Afrique et de l’Europe, parle d’immobilier et de « grand ménage » ; le ministre de la Santé s’embrouille dans une lutte de pouvoir bureaucratique aussi inefficace que malsaine plutôt que de s’attaquer aux problèmes qui gangrènent le système de santé.


 

Le gouvernement Couillard, incapable de concevoir une politique économique, se contente d’improviser jour après jour une politique budgétaire et fiscale qui pivote autour d’une idée unique : rétablir l’équilibre des comptes publics. Les bons sourires du premier ministre masquent de plus en plus mal son obsédante pulsion économique comme seul principe de gouvernement.


 

Politique sans perspective


 

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le souci des comptes publics ne s’accorde plus à présent à celui du bien public. Les négociations du secteur public, qui piétinent depuis des mois, ne laissent aucun doute quant à l’intention du gouvernement d’opposer à l’automne le peuple des grévistes au peuple des électeurs.


 

Ce qui dicte aujourd’hui les annonces du MRI comme du gouvernement, c’est une politique sans perspective. Certes, on ne peut accuser ce gouvernement de faire des zigzags : entêté comme un âne qui recule, le voilà plus que jamais prisonnier du sillon rectiligne qu’il a creusé depuis l’élection d’avril 2014, quitte à briser en chemin le consensus démocratique.


 

Si le gouvernement ne piétine pas ses principes, il piétine le bon sens. Croire que la gouvernance est réductible aux seuls enjeux économiques, c’est admettre que notre régime démocratique n’est plus affaire de règles communes, mais dépendant d’intérêts particuliers. L’éthos général de la politique se dissout ainsi dans un processus factice qui fragilise l’ordre social tout en prétendant le sauvegarder.


 

Le premier imbécile venu sait bien qu’à force de réduire les dépenses de l’État, lui-même subordonné à la même contrainte comptable enragée, c’est la mission intrinsèque de l’État qui est compromise, puisqu’il se trouve tôt ou tard dépourvu des moyens qui lui permettent de maîtriser les événements plutôt que d’en être le jouet impuissant.


 

Or, la volonté du gouvernement actuel n’est pas la volonté des électeurs du 7 avril 2014. Un vote n’est pas un chèque en blanc. Élire, même en période de crise économique, n’est pas consentir aveuglément à la dépossession progressive de l’État.


 

Le gouvernement libéral nous dessine un décor idyllique, celui d’un budget équilibré à l’horizon 2016 et par la magie duquel l’État québécois sera de nouveau en mesure d’accomplir sa mission. Qui croit encore à ce genre de promesse enchanteresse qui réduit la vie politique à des solutions et des accommodements purement techniques ? Ces idées simples, nourries par une dangereuse naïveté, menacent aujourd’hui plus que jamais l’action du Québec sur la scène internationale. Décidément, nous n’avons pas fini de patauger dans notre misérable petite soupe.







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