Une grande inconnue de la politique québécoise concerne l'avenir du PQ. Ce parti doit réexaminer ses orientations. Mais l'exercice s'annonce complexe.
L'après-charte
Avant tout, le parti devra clairement tourner le dos à son projet de charte des valeurs. Cette initiative malheureuse a donné lieu à de sérieux accrocs à la démocratie en plus d'alimenter un débat acerbe qui est venu près de déraper. Censé apporter une solution à une crise qui n'existait pas, le projet a failli en créer une en divisant les Québécois. La controverse a aussi porté atteinte aux bonnes relations qu'entretenait la majorité francophone avec les minorités et les immigrants. Il y aura là un important travail de réparation à faire.
La souveraineté
S'agissant des orientations à long terme, on voit mal comment le parti pourrait diluer le projet souverainiste. Il doit plutôt en faire une réaffirmation vigoureuse. Cette option doit en effet survivre dans l'arène politique et aucun parti n'est mieux outillé que le PQ pour le faire.
Il est prévisible, cependant, que ce choix comportera un prix sous la forme d'un affaiblissement, peut-être prolongé, de l'appui populaire. Ce prix sera-t-il jugé trop lourd?
Le virage identitaire
Autre inconnue: le parti voudra-t-il persister dans sa politique identitaire nourrie d'alarmisme et teintée de populisme? Il ne s'agit aucunement de mettre en doute la nécessité de promouvoir la culture québécoise comme francophonie appuyée sur des traditions et des valeurs propres. Ce qu'il faut rejeter, c'est la façon cavalière dont le parti a traité cet enjeu récemment, en exploitant à des fins électoralistes les préoccupations identitaires bien légitimes des Québécois.
L'économique et le social
Selon plusieurs experts, nos finances publiques seraient dans un état de délabrement qui ne permet plus le maintien de nos politiques sociales. Quoi qu'il en soit, on se demande comment le parti va se situer dans ce débat indissociable de notre positionnement devant le néolibéralisme et la mondialisation.
Un retour à la tradition?
Le parti choisira peut-être plus simplement (et plus sagement) de renaître sous sa forme originelle, celle qui en a fait la grande formation que nous avons connue. Cette option se traduirait par un retour aux coalitions d'idées et d'intérêts, à la réinvention d'un nationalisme libéral, respectueux des droits, au maintien de fortes préoccupations sociales et environnementales, à la défense et la promotion de la culture québécoise et, enfin, à l'institution d'un rapport prudent, critique mais efficace, avec le capitalisme mondialisé - bref, à la conception d'un nouveau projet de société.
Jugera-t-on cette voie irréaliste? C'est pourtant exactement celle que le parti a suivie avec beaucoup de succès dans ses grandes années: la recherche d'équilibres, de compromis créatifs grâce à des idées nouvelles. En somme, pour se replacer, le PQ n'a pas à se projeter bien loin en avant; il n'a qu'à reculer un peu.
Le vrai problème se trouve peut-être ailleurs: parmi les candidats présomptifs à la direction, qui pourrait incarner un tel programme avec crédibilité?
Un changement de garde
En avril, l'électorat a vigoureusement rejeté les orientations du PQ. Comment expliquer que le bilan et l'autocritique qui s'imposent tardent autant? De même, plusieurs dirigeants ont imputé la défaite électorale au spectre référendaire projeté durant la campagne. Néanmoins, depuis quelques mois, ils persistent à concentrer leurs interventions sur la mécanique du référendum alors que les Québécois (Sylvain Gaudreault l'a bien rappelé) sont sollicités par tant d'autres urgences.
On croit reconnaître là le flair politique de ceux qui ont mené le parti à la déconfiture du printemps. De toute évidence, un changement de garde s'impose pour concevoir des politiques originales adaptées aux nouvelles réalités québécoises.
L'avenir du PQ
«Un changement de garde s'impose»
Gérard Bouchard23 articles
Professeur, département des sciences humaines,
Coprésident de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements liées aux différences culturelles
Université du Québec à Chicoutimi
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