L'avenir de la Caisse est dans son origine

L'affaire de la CDPQ — le scandale



Le remplacement du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ainsi que les rumeurs concernant les résultats désastreux pour 2008, ressuscitent un débat connu sur la mission de la Caisse, relativement à son objectif de rendement et son rôle de levier économique.
En tant que témoin de son évolution depuis les tout débuts, je suis convaincu qu'il n'y a pas de contradiction entre ces deux ambitions. En fait, ce faux dilemme provient de certains investissements controversés et très médiatisés, qui sont restés gravés dans notre mémoire collective.
Au début, l'idée était d'investir une partie de ses placements (revenus non fixes) dans des entreprises du Québec et de contribuer à l'essor de son économie. Certains investissements comportant un niveau de risque trop élevé au regard des obligations de la Caisse envers ses déposants ont alors été faits et on a reproché à la Caisse un acoquinement déplacé avec le Québec inc. Elle a bien réagi en redoublant de rigueur dans l'analyse des dossiers grâce à une équipe de professionnels aguerris. Je peux témoigner de cette rigueur et même d'une grande sévérité dans l'étude des dossiers.
Malgré cela, la perception est demeurée et s'est installé le mythe du manque de rigueur et d'un niveau de risque inacceptable pour une caisse de retraite.
Le cas Steinberg
Certains ont décrié le fait que la Caisse ait englouti deux milliards de dollars pour sauver cette entreprise en perdition et faire cadeau d'une coûteuse béquille à un entrepreneur québécois. La réalité, c'est plutôt que la Caisse dans cette transaction a mis la main, à prix d'aubaine, sur un parc immobilier de très grande valeur, qui a servi d'assise au développement d'un secteur qui continue d'être lucratif et bien géré à la Caisse. Quant à la partie la plus précaire de Steinberg, l'épicerie, son contrôle a été acquis par un entrepreneur qui, confronté à une série de difficultés, a dû se résoudre à la faillite.
En somme, donc, une opération bénéfique pour la Caisse, qui gère aujourd'hui l'un des dix plus grands actifs immobiliers au monde, qui représentait, au 31 décembre 2007, 30,6 milliards de dollars sur les 257,7 milliards sous gestion de la Caisse.
Le cas Vidéotron
Dans ce cas, on a reproché à la Caisse d'avoir payé trop cher son investissement pour le simple motif de garder le contrôle d'une entreprise au Québec. Néanmoins, les opérations de Vidéotron se sont avérées très rentables et viennent graduellement compenser le prix élevé de l'investissement. Le bénéfice d'exploitation (BAIIA) de Vidéotron était de 233,5 millions de dollars en 2000, au moment de son acquisition, et il est aujourd'hui de 579 millions au cumulatif du 30 septembre 2008. Vidéotron a ainsi non seulement presque triplé son BAIIA, mais elle a créé de nombreux emplois de haute qualité, apporté des technologies d'avant-garde au Québec et procuré un service de grande qualité à ses clients. De plus, l'investissement de la Caisse s'est fait dans une perspective à long terme, plutôt que sur des spéculations à court terme, cause majeure des maux qui affligent l'institution actuellement. Encore une fois, le mythe s'est avéré contraire à la réalité.
Concilier rendement et développement économique
Pour répondre aux critiques, la Caisse a cru nécessaire de restaurer l'objectif de rendement et de délaisser la mission de contribution à l'économie québécoise. Elle s'est alors tournée vers l'international et des participations quasi anonymes. Or l'objectif de rendement n'est pas incompatible avec l'appui au développement économique. Le Québec est aujourd'hui une économie suffisamment diversifiée et développée pour fournir des dossiers répondant aux critères les plus rigoureux d'investissement.
Je crois donc qu'il faut réviser le mot d'ordre donné à la Caisse relativement à sa contribution à l'économie du Québec. Car si elle a pu à l'origine jouer un rôle crucial auprès des entreprises québécoises et pallier la pénurie de capital, elle peut jouer un rôle tout aussi important dans un contexte de concurrence mondiale de soif de capitaux, avec l'arrivée des économies émergentes, la venue de technologies nouvelles et le resserrement du crédit.
Dans ce contexte, l'existence au Québec d'une institution imposante comme la Caisse, à proximité des occasions d'investissement présentes ici, constitue une richesse de possibilités qu'il serait irresponsable de sous-utiliser. Il sera ainsi possible de conjuguer davantage l'essor d'entreprises dynamiques au Québec à des rendements intéressants pour les déposants québécois. En rejoignant ces deux piliers de la mission de la Caisse, nous retournons à l'origine de sa création. Les circonstances ont certes changé, mais elles n'ont en aucun temps amoindri la pertinence de sa double mission pour notre société.
Plus que jamais, l'avenir de la Caisse est dans ses origines.
***
Pierre Laurin, Administrateur invité, HEC Montréal, et administrateur de sociétés. M. Laurin a été président de Merrill Lynch pour le Québec, vice-président chez Alcan et directeur d'HEC Montréal.

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Administrateur invité, HEC Montréal, et administrateur de sociétés. M. Laurin a été président de Merrill Lynch pour le Québec, vice-président chez Alcan et directeur d'HEC Montréal.





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