L'arrivée de poupées sexuelles « réalistes » à Vancouver suscite de l'inquiétude

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Demain, les robots sexuels à apparence humaine seront banalisés


Un service de location de poupées sexuelles « hyperréalistes » voit le jour à Vancouver et suscite l’indignation de groupes de défenses de femmes tout en soulevant des questions entourant leur utilisation.




Vendredi, la compagnie Natrl, qui a déjà pignon sur rue en Alberta, étend ses services aux Vancouvérois. Pour un peu moins de 300 $ la nuit, ils pourront « louer » une poupée grandeur nature faite en élastomère thermoplastique, un produit qui crée une sensation similaire à la peau.


Laurel McBride est dégoûtée et choquée. La porte-parole du centre pour femmes victimes de violences Rape Relief and Women's Shelter de Vancouver craint que l’arrivée de ce service n'exacerbe des tendances de pratiques sexuelles déshumanisantes et nocives pour les femmes.


Une poupée sexuelle en élastomère thermoplastique.

Les poupées Natrl ont des « personnalités », des « carrières », des histoires de vie inventées. « Anastasia » est une « skieuse russe ».


Photo : Natrl/Facebook




Les hommes qui utilisent des poupées sexuelles déshumanisent activement les femmes en les transformant en objets qui peuvent être achetés pour leur plaisir sexuel en dehors du spectre complet d’émotions et de désir des femmes, argue-t-elle.



Des études restent à mener pour déterminer avec précision qui sont les utilisateurs de poupées sexuelles et quelles sont leurs motivations, mais la psychologue et professeure en sexologie à l'Université du Québec à Montréal Natacha Godbout croit que deux profils sont prévalents.


Selon elle, il s'agit, d'une part, de gens qui souffrent de difficultés relationnelles, possiblement en raison d'une gêne intense,et d'autre part, de gens qui sont enclins à avoir des relations de domination.


Domination et violence


La poupée est un objet inanimé, incapable de ressentir la douleur ou de l'inconfort durant l’acte sexuel, quel qu’il soit. C’est une mise à silence, rappelle la psychologue.


La poupée ne vous dira jamais non, répond par ailleurs la compagnie sur son site à la question de savoir pourquoi on ne préférerait pas les services d’une travailleuse du sexe.


Les bras d'un couple d'entrecroisent sur les draps d'un lit.

« Ne faites rien aux poupées que vous ne feriez pas à une vraie personne », avise la compagnie sur son site Internet.


Photo : iStock / Milkos




Aucune étude ne démontre que l’utilisation de poupée sexuelle pourrait servir à réduire les risques de violences. Au contraire, les hommes qui les utilisent pourraient être amenés à objectiver et à abuser de vrais femmes et enfants comme ils le font avec leurs poupées, selon un recensement d’études sur le sujet, note Mme Godbout.



Mme McBribe est catégorique. [Ces] hommes devraient réfléchir aux raisons pour lesquelles ils ont des préférences et des désirs nocifs pour les femmes et avoir une utilisation plus productive de leur temps, lance-t-elle.


Hyperréalistes tout en étant irréalistes


Les poupées offertes en location ont pour la plupart d'énormes poitrines et des tailles minces. Cette image corporelle irréaliste renforce l’objectivation de la femme, cette fois au niveau de l’image, note Mme Godbout.



Elle n’a pas de poils, pas de bourrelets [...] Elle a un physique qui est particulier et qui s’éloigne énormément de la réalité.


Natacha Godbout, psychologue et professeure de sexologie


Il est évident que les caractéristiques de la poupée nuisent aux femmes et aux filles en renforçant l’idée selon laquelle notre valeur se trouve dans la minceur et la sexualisation, estime pour sa part Mme McBride.


S’isoler dans un univers fantastique


Pour les personnes atteintes de difficultés sexorelationelles, les effets peuvent être positifs, notamment en matière de réconfort émotionnel, mais ils s'accompagnent aussi d'effets pervers, comme l'isolement, selon Mme Godbout.



Ça n'aide pas à être capable de former une relation complexe, empreinte d’attachement romantique avec un autre être humain. Ça éloigne.


Natacha Godbout, psychologue et professeure en sexologie


La spécialiste est d'avis qu'il faudrait utiliser une poupée plus près de la réalité pour que la situation porte fruit. Là, on pourrait avoir une exposition à la vraie vie qui aiderait la personne à entrer en contact avec des êtres humains, explique-t-elle.


La spécialiste en sexologie, voulant éviter les discours moralisateurs, dit qu'il faut se poser des questions et voir de quelles façons l'utilisation de la poupée peut se faire de manière saine .




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