La Grande-Bretagne a depuis longtemps l’habitude des campagnes électorales musclées. Sans qu’on sache ce qu’il faut penser pour l’instant de l’assassinat sauvage de la députée travailliste pro-européenne Jo Cox à Birstall, dans le nord de l’Angleterre, on savait déjà que cette campagne n’était pas la plus exemplaire que le Royaume-Uni a connue. En clair, on a rarement vu dans l’histoire moderne de la Grande-Bretagne une campagne politique aussi violente et démagogique. On verra ce que dira l’enquête sur cet assassinat, mais on peut déjà conclure que le célèbre art de débattre et de discourir des parlementaires britanniques en a pris plus que pour son rhume depuis quelques mois.
Rares ont été les matins depuis trois semaines où les Britanniques ne se sont pas levés en se faisant annoncer un nouveau cataclysme au petit-déjeuner. Un matin, David Cameron annonçait que le Brexit provoquerait une récession sévère qui coûterait 4300 £ à chaque famille. Le lendemain, le chancelier George Osborne en chiffrait le coût à 820 000 emplois, pas un de moins. Le surlendemain, ce sont les retraites qui seraient irrémédiablement compromises. Sans oublier ce discours où le premier ministre n’a pas craint d’évoquer un danger de guerre.
En face, le portrait n’est guère plus reluisant. Plus le mensonge est gros et plus il a des chances d’être cru, dit-on. Parmi les outrances dont il a l’habitude, l’ancien maire de Londres Boris Johnson n’a cessé de répéter que l’Union européenne coûtait chaque semaine au Royaume-Uni 350 millions de livres sterling. Une absurdité qui a d’ailleurs poussé la députée conservatrice Sarah Wollaston à se distancer du camp du Brexit. Cette somme ne tient évidemment pas compte des remboursements exceptionnels négociés par Margaret Thatcher et des dépenses de Bruxelles au Royaume-Uni.
On pourrait aussi sourire de toutes ces citations de Winston Churchill que brandissent les partisans de l’Union européenne. S’il est indéniable que le vieux lion a proposé d’ériger « quelque chose comme les États-Unis d’Europe », il est encore plus vrai qu’il a toujours soutenu que cette construction se ferait sans le Royaume-Uni. « Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large », avait-il déclaré à de Gaulle.
Le grand défaut des politiques consiste à croire que la population ne sait rien de tout cela. Il se pourrait donc qu’entre le tournoi médiatique, réglé comme un match de rugby, et la réalité des sentiments des Britanniques quant à l’Europe se dresse un fossé que les sondages n’arrivent pas à mesurer. Car, au-delà des camps du « In » et du « Out », il est frappant de constater combien ni les partisans de l’un ni les partisans de l’autre n’ont d’état d’âme à l’égard de Bruxelles. Lorsque vient le moment de discuter de l’état actuel de l’Union européenne, les critiques des opposants au Brexit sont aussi sévères que celles de ses partisans. Bref, référendum ou pas, le premier parti de Grande-Bretagne demeure celui de l’euroscepticisme.
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BREXIT
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