L'anglais, c'est plus toff qu'on pense!

Tribune libre

Dans [Confessions d'un « grammar nazi »->http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/414281/confessions-d-un-grammar-nazi] (Le Devoir, 25 juillet), David Sansagrin décrit bien son malaise devant l'étiquette d'intolérance de plus en plus souvent accolée à quiconque ose défendre le français contre l'anglomanie ambiante. Parler franglais et accepter sa présence dans l'espace public serait désormais la norme, observe-t-il avec justesse. M. Desjardins m'a cependant fait tiquer en affirmant que « l’anglais est très certainement une langue facile et efficace ». Facile, l'anglais? Vous voulez rire! Si l'anglais était facile, son enseignement dans le réseau scolaire québécois ne serait pas passé depuis une trentaine d'années de 500 heures à plus de 1 000, et Bolduc et Couillard n'en imposeraient pas 400 heures de plus en 5e et 6e année!

Demandez à un professeur d'anglais si sa langue est « facile »: après avoir bien ri, il vous répondra que les seuls locuteurs qui trouvent l'anglais facile sont ceux qui le parlent mal... Arriver à maîtriser toutes les nuances de l'anglais est difficile. Son orthographe et sa prononciation, pour ne parler que d'elles, sont à donner des maux de tête. Prenons trois mots comme thought (pensée), tough (dur), et though (quoique), qui se prononcent d'autant de façons différentes tout en s'écrivant presque pareil. Un néophyte y perd son anglais!

Une langue est facile ou difficile surtout selon la parenté entre la langue maternelle du locuteur et sa langue seconde. Toutes les langues latines comme l'espagnol, l'italien, le catalan et le portugais sont beaucoup plus faciles à apprendre à un francophone qu'un langue purement germanique comme l'allemand ou slave comme le polonais.

L'anglais sur ce plan est hybride, à titre de langue germanique ayant le plus emprunté au français, à l'ancien français et au latin, d'où l'étonnante proximité de plus de 60 % de ses mots avec le français, comme le révèle Henriette Walter dans Honni soit qui mal y pense. L'incroyable histoire d'amour entre le français et l'anglais. L'anglais, c'est presque du français prononcé différemment, comme le dit si bien Jean Forest dans Les anglicismes de la vie quotidienne des Québécois.

Par ailleurs, le fait que les Québécois soient enclavés en Amérique du Nord et littéralement encerclés par une mer anglo-saxonne nous le rend familier très jeunes, et si nous habitions au cœur de l'Amérique du Sud, entourés d'hispanophones, nous trouverions l'espagnol, langue latine encore plus proche du français, étrangement « facile ».

Bref, la prétendue facilité de l'anglais est une idée reçue qui ne tient pas la route. Un unilingue portugais, arabe, chinois ne trouve jamais l'anglais « facile ». C'est la langue de l'Empire, la langue du dominant culturel, politique et économique; cela nous donne une impression de facilité factice. Et une fois que nous l'avons appris, il devient automatiquement « efficace », comme l'était le latin sous l'Empire romain. Le latin était-il pour autant une langue « facile »? Non, bien sûr, mais c'est un drame national qu'on ait privé nos jeunes de l'enseignement de la langue qui est la racine même du français... et de l'anglais!
Cela dit, chose certaine, Yves Bolduc se présente en défenseur zélé de l'anglais indifférent au sort du français, et le prochain défi du français au Québec sera de résister une fois de plus aux francophones, comme notre ministre de l'Éducation, qui appellent de leurs vœux la bilinguisation mur à mur du Québec sans états d'âme aucun.

Jean-François Vallée
Professeur au Département de Lettres et communications
Cégep de La Pocatière

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Jean-François Vallée est professeur de littérature québécoise et française au niveau collégial depuis 1995. Son ambition de pédagogue consiste à rendre les étudiants non seulement informés mais objectivement fiers de la culture dans laquelle ils vivent. Il souhaite aussi contribuer à les libérer de la relation aliénante d'amour-haine envers leur propre culture dont ils ont hérité de leurs ancêtres Canadiens français. Il a écrit dans le journal Le Québécois, est porte-parole du Mouvement Quiébec français dans le Bas-Saint-Laurent et milite organise, avec la Société d'action nationale de Rivière-du-Loup, les activités de la Journée nationale des patriotes et du Jour du drapeau.





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6 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    9 août 2014

    Combien de Québécois se trouvent "in" de parler des compétitions Ironman mais encore plus rares ceux qui arrivent à prononcer le mot Iron...
    Il faut bien écouter Mulroney ou Trudeau pour apprendre que la prononciation place le "r" après le "o": Iern! IernOre! Iern metal... sinon on parle twit! Comme les "h" absents ou placés à mauvaise place... Ow Hold are you (la pièce Broue)
    How much ou how many (quand on ne distingue pas le combien du comment en français); looking forward to; as far as, as long as et toutes les expressions qu'il faut apprendre une à une, comme eux doivent apprendre le genre des mots...

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2014

    SVP à lire absolument Crazy English de Richard Lederer qui décrit bien ce que vous expliquez dans votre billet ici.
    Oui l'anglais semble facile à apprendre pour quiconque se limite aux phrases usuelles et à un niveau primaire de langue, ce qui semble suffire pour faire son chemin en Amérique du nord.
    Mais, dès qu'on pousse l'étude de la langue anglaise plus loin, on apprend toutes les subtilités de cette langue, son vocabulaire des plus riches et une capacité inégalée à créer et à se réinventer démocratiquement.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    9 août 2014

    @ G.J.,
    Ayant aussi accompagné des Colombiens et des Mexicains, j'ai entendu un Mex dire que les Col tirent du grand... J'a d'ailleurs entendu: "Le Québécois, c'est pas bon!" J'avais ce réflexe: " Que tu aimes ou pas la langue d'ici, c'est toi qui devras t'adapter..."
    Les Latinos ne peuvent prononcer le son "eu": pneu, bleu, robineux... pas plus, d'ailleurs que le son Z pour le S intercallé entre voyelles. Ils ont la même difficulté ailleurs en francophonie. Mais bon, à la prochaine génération!

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2014

    L'anglais est une langue "facile" à apprendre pour quelqu'un qui s'y met en raison, surtout, de la facilité de conjugaison des verbes.
    Le français est une langue difficile à apprendre en raison de: 1-Les conjugaisons de verbes sont compliquées et comportent des tas d'exceptions 2-Le très grand nombre d'homophones.
    Pour ma part, j'ai accompagné, à titre bénévole, plusieurs réfugiés Colombiens ici, au Québec. Pour eux, le français écrit représente un énorme défi en raison notamment des innombrables homophones. D'autre part, ils doivent, en même temps, apprendre le québécois....Tout un défi!

  • René Marcel Sauvé Répondre

    6 août 2014

    Alors que le français est une langue formelle, structurée, l'anglais est une langue juxtaposée et maintenue par l'usage. D'où l'importance de savoir ce qu'est l'usage, en droit comme en linguistique, afin de ne pas se faire piéger par le premier quidam qui ne veut rien d'autre que se moquer de vous.
    L'allemand est aussi une langue formelle, comme le latin, une langue de cas et une langue déclinée, très difficile à apprendre même pour les Allemands puisqu'ils doivent d'abord apprendre les déclinaisons et la conjugaison des verbes forts, ou verbes irréguliers, soit plus de 90% des verbes en allemand.
    Mais la langue la plus précise demeure le français, toujours langue diplomatique parce qu'on peut difficilement tromper l'interlocuteur avec des jeux de mots en français comme on peut le faire en anglais, lorsqu'on entend quelqu'un nous dire
    "What I wanted to say is...", ou bien non: "In other words..." ce qu'on est pas obligé de faire en français dont la précision est légendaire.
    Quant à affirmer que nous sommes noyés dans une mer anglo-saxonne, je vous réfère à mon ouvrage de 1994 publié chez Guérin: Géopolitique et avenir du Québec.
    Le Québec est périphérique par rapport au reste de l'Amérique du nord tout comme le Danemark, la Suède, la Norvège, la Hollande et le Portugal sont périphériques par rapport à l'Europe. J'en explique le sens du point de vue du géographe et de la géopolitique, la politique à long terme.
    René Marcel Sauvé, géographe

  • Mario Boulet Répondre

    6 août 2014

    Je suis entièrement de votre avis. L'anglais a son lot d'irrégularités frappantes. Les mots sont courts, similaires, mais comportement juste assez de nuances pour rapidement savoir qu'un interlocuteur possède un accent. Il y a presque autant de temps de verbe qu'en français sinon plus. Des mots similaires possèdent une prononciation très différente selon que l'on ajoute ou ôte une seule lettre.