Il est très douloureux pour des parents de voir leur enfant privé des services dont il aurait besoin, en raison de compressions budgétaires, mais cela devient au surplus insultant quand on a l’impression d’être pris pour un imbécile par un ministre qui s’entête à dire que seules les « structures » sont touchées.
Tout le monde a beau savoir que les coupes sont décrétées par le Conseil du Trésor, l’ineffable ministre de l’Éducation, François Blais, est en voie de perdre toute crédibilité à force de jouer à l’autruche. Certes, le gouvernement Couillard n’est pas le premier à refuser de reconnaître une réalité qui crève les yeux. Cette allergie à la la vérité n’est que trop répandue en politique, mais les mensonges sont documentés de façon remarquable cette fois-ci.
Le rapport du ministère de l’Éducation décrivant le processus budgétaire 2014-2015 à la Commission scolaire des Patriotes, en Montérégie, qui a fait l’objet d’une fuite cette semaine, est éclairant. Sur les 162 millions de réductions budgétaires exigées pour l’ensemble des commissions au Québec, l’effort de la commission des Patriotes s’élevait à un plus de trois millions. De ce chiffre, plus du tiers peut être relié aux services aux élèves, comme l’aide aux devoirs (490 961 $), l’achat de livres (33 300 $), les ressources spécialisées (292 000 $), les services de garde (414 140 $).
Il est vrai que la commission scolaire Les Patriotes a sans doute choisi le moindre mal en renonçant à l’aide aux devoirs, moins indispensable dans un milieu plus favorisé, ce qui tend à démontrer que les commissions scolaires sont plus utiles que ce que prétendent leurs détracteurs, même si toutes ne sont pas nécessairement aussi performantes que celle-là.
Il n’en demeure pas moins que, en Montérégie comme ailleurs, les coupes dans les services sont bel et bien une réalité. Le nouveau porte-parole du PQ en matière d’éducation, Alexandre Cloutier, a entrepris de dresser la longue liste des orthophonistes, orthopédagogues et autres psychoéducateurs dont les postes seront abolis aux quatre coins du Québec. Quel réconfort le ministre apporte-t-il à ceux dont les enfants n’étaient même pas nés il y a 15 ans, alors que le gouvernement Bouchard avait fait pire ? Tant qu’à y être, les choses se sont aussi bien améliorées depuis l’époque de Duplessis.
Si les coupes dans les écoles sont devenues le symbole de l’austérité libérale, un deuxième rapport rendu public cette semaine, celui de la Protectrice du citoyen, témoigne aussi de ses effets dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Soit, ce n’est pas d’hier qu’elle dénonce l’insuffisance des soins prodigués dans les CHSLD, de même que le manque de ressources consacrées au soutien à domicile ou à la santé mentale. La Protectrice du citoyen constate toutefois que les compressions budgétaires ont « de plus en plus d’impact » : réduction des heures de soutien à domicile, manque de places en CHSLD, détérioration des conditions d’hygiène, etc. Elle a également constaté que, en raison des compressions budgétaires, la tendance des hôpitaux à imposer des frais illégaux s’accentuait.
« On ne conteste pas qu’il y a des problèmes, mais nous allons trouver des solutions et les mettre en application. Il y aura des actions qui seront posées prochainement », a déclaré le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Voilà qui est rassurant, ne trouvez-vous pas ?
Il est vrai qu’avec les années le discours « lucide » a pénétré les esprits, mais il y a une grande différence entre l’acceptation théorique d’un principe et celle de son application concrète. Si le « printemps chaud » que d’aucuns prédisaient est demeuré relativement frais, c’est largement parce que les effets des compressions annoncées ne s’étaient pas encore fait sentir. Il n’y a rien de plus facile que de couper sur papier.
Quand il avait lancé sa croisade pour le déficit zéro, Lucien Bouchard n’avait pas prévu qu’il devrait en arriver à mettre à la retraite des milliers de médecins, d’infirmières et d’enseignants. Il n’avait cependant pas caché que le retour à l’équilibre budgétaire nécessiterait de douloureux sacrifices. À force de le répéter, il en devenait déprimant. Terré dans son « bunker », lui-même semblait porter le poids du monde sur ses épaules.
Le gouvernement Couillard aurait peut-être eu avantage à s’en inspirer. Prétendre que l’opération se limiterait à un dégraissage administratif qui n’affecterait pas la population était une insulte à son intelligence. S’il n’a pas voulu donner l’heure juste sur les compressions et qu’il s’entête toujours à nier l’évidence, pourquoi faudrait-il le croire quand il parle des réinvestissements qui les suivront, une fois que l’équilibre des finances publiques aura été rétabli ? Remarquez, il n’a jamais dit que les services qui ont été amputés retrouveront leur niveau antérieur.
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