Il y a un peu plus d’un an, le premier ministre du Québec, Jean Charest, qualifiait l’Action démocratique de Mario Dumont de « PQ light », tellement il trouvait que les objectifs « autonomistes » de ce parti étaient à saveur souverainistes.
Force est d’admettre que l’électorat québécois n’a pas été effarouché par le programme politique adéquiste puisqu’il a décidé de donner le rôle d’opposition officielle aux troupes du député de Rivière-du-Loup. Jean Charest a donc échoué dans sa tentative de l’apeurer. L’idée de doter le Québec d’une constitution et celle de remplir qu’une seule déclaration de revenu ne semblent donc pas poser de problème dans la société civile.
Il serait important que la nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, le rappelle prestement aux Québécois. C’est que la nouvelle leader péquiste a déclaré hier qu’elle se rangeait derrière l’idée de Gérald Larose. L’ancien dirigeant de la CSN a dernièrement souhaité que la formation souverainiste exerce une gouvernance digne de son option fondamentale, lorsqu’elle se réappropriera le pouvoir. Que le PQ pose donc des gestes de souveraineté, avant même la tenue d’un référendum! Semblerait donc que l’appel du Coprésident du Conseil de la souveraineté ait été entendu!
Sauf que les médias fédéralistes s’empresseront d’agiter des épouvantails! Déjà, certains d’entre eux martèlent l’expression «gestes de rupture » utilisée par Robert Laplante dans son livre « Revoir le cadre stratégique. » Une rupture suppose en effet une action douloureuse. Tout comme une séparation. En ayant recours inlassablement à ces mots, les fédéralistes espèrent ainsi en effrayer plus d’un. Benoît Pelletier, ministre libéral des Affaires intergouvernementales, en rajoute d’ailleurs présentement : l’homme qualifie la démarche de Pauline Marois d’antidémocratique!
Manifestement, la chef du Parti québécois doit convoquer rapidement une conférence de presse pour tuer dans l’œuf la campagne de peur que les fédéralistes amorcent. Elle doit signaler aux Québécois que les « gestes de souveraineté » que son parti veut adopter ne vont guère plus loin que ceux projetés par les adéquistes. Certes, cette stratégie comporte des risques. Celui, entre autres, d’amener les gens à croire que le PQ et l’ADQ partagent certaines idées politiques. Pourquoi alors appuyer les péquistes, se diront certains? Ce sera à la députée de la circonscription de Charlevoix de répondre que son équipe est assurément plus aguerrie que celle de Mario Dumont, elle qui peine inéluctablement dans son rôle d’opposition officielle… Reste qu’il est impératif de rafraîchir la mémoire des Québécois. L’intention adéquiste d’adopter une constitution et d’abolir l’impôt fédéral n’a pas soulevé de tollé : aucun fédéraliste n’a alors hurlé qu’il s’agissait de gestes de ruptures. Il s’agit là pourtant de gestes « porteurs de changements structuraux », ceux-là même dont rêve Gérald Larose.
On accusera sûrement le Parti québécois de se plier au cadre constitutionnel canadien, puisque ses actions souverainistes seront accomplies dans un Québec provincial. N’est-ce pas justement ce que veut faire Pauline Marois? N’a-t-elle pas déclaré qu’un référendum n’aurait possiblement pas lieu avant deux ou trois mandats? Comme la leader péquiste l’a si bien dit à l’Assemblée nationale, elle compte avancer à visière levée. On ne peut lui reprocher en effet de manquer de transparence.
Reste à savoir comment réagiront les militants de son parti, lors du conseil national qui doit se tenir en mars prochain. Assurément, certains craindront que les progrès qui pourraient découler des gestes de souveraineté amèneraient des Québécois à croire que le fédéralisme canadien fonctionne. D’autres feront le pari qu’une impasse constitutionelle est inévitable et que celle-ci favorisera la cause indépendantiste. Car le recul du français qui est constaté présentement partout au Québec, ainsi que l’actuel débat sur les accommodements raisonnables, exigent des changements politiques fondamentaux. Le chef de l’Action démocratique lui-même presse actuellement Jean Charest à inviter Stephen Harper à se pencher sur ce dossier. Ni l’un ni l’autre ne veut cependant ouvrir cette boîte de Pandore…
Pauline Marois souhaite de tout évidence qu’un éventuel gouvernement péquiste à forte tendance indépendantiste suscite l’enthousiasme des Québécois. Elle doit néanmoins immédiatement définir maintenant la nature des gestes de souveraineté qu’elle compte adopter. Il lui faut les dédramatiser rapidement, en les comparant publiquement à ceux que l’ADQ possède dans ses cartons. Cela aura l’immense avantage de museler illico les fédéralistes qui chercheront à soulever l’indignation générale. Soit : la manœuvre comporte des risques… dont celui d’être affublé du sobriquet ci-dessus.
Patrice Boileau
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