Pour leur premier affrontement avec la Maison-Blanche, les républicains, maintenant majoritaires au Sénat et à la Chambre des représentants, ont choisi d'appuyer le projet de pipeline Keystone XL, ce qui forcera le président Obama à bloquer leur initiative en apposant son veto.
Cela ne clôt pas ce dossier qui connaîtra certainement d'autres rebondissements. Mais il n'en reste pas moins que tout ça est très nuisible au Canada. D'abord, en pourrissant les relations entre les gouvernements des deux pays, ensuite en menant à une alliance de facto entre le gouvernement conservateur et les républicains américains, ce qui n'a rien de réjouissant.
Ce cul-de-sac, le premier ministre Harper en est responsable. Keystone XL est devenu un symbole pour les environnementalistes, et pour le président Obama qui cherche à imprimer sa marque dans les deux dernières années de sa présidence. C'est un symbole assez fumeux, en ce sens qu'il repose sur la prémisse fausse qu'un oléoduc engendre des GES, et sur la stigmatisation des sables bitumineux quand le pétrole de schiste est tout aussi dommageable.
Mais le premier ministre Harper aurait dû tenir compte de ces sensibilités et de ces contraintes politiques. Il aurait pu trouver des façons de rendre le pétrole canadien issu des sables bitumineux plus acceptable aux Américains, et donc au président Obama, notamment en posant des gestes pour réduire leur empreinte.
Il a plutôt choisi la voie de l'entêtement primaire. Sa stratégie - le refus de tenir compte des considérations environnementales, l'appui indéfectible aux sables bitumineux, la logique de croissance de la production à tout prix, le pari que de bonnes campagnes de lobbying et de relations publiques suffiraient à atténuer les résistances - , s'avère un échec.
Non seulement le Canada est-il devenu un mouton noir dans la lutte mondiale contre les émissions de gaz à effets de serre, mais l'approche de M. Harper finit par engendrer des effets négatifs sur l'industrie pétrolière canadienne. On le voit à cette opposition au pipeline Keystone XL, mais aussi au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique, aux très fortes résistances à l'arrivée de ce pétrole.
Si Stephen Harper, têtu et obtus, risque peu d'être ému par l'indignation des écolos, il devrait peut-être être ébranlé par les prises de position de Preston Manning, le fondateur du Reform Party et donc celui sans qui il ne serait pas premier ministre aujourd'hui. M. Manning est maintenant membre de la Commission de l'écofiscalité du Canada, un organisme indépendant, qui réunit des économistes, d'anciens commis de l'État, des universitaires et d'ex-politiciens de tous les horizons, et qui prône l'instauration d'une taxe sur le carbone. C'est comme si Jacques Parizeau voulait donner une dernière chance au fédéralisme.
«La bonne idée que la commission veut faire progresser - et que j'appuie totalement -, a écrit Preston Manning, est que, pour toute activité économique, particulièrement dans la production d'énergie, nous devrions identifier ses impacts environnementaux négatifs, mettre au point des mesures pour éviter, réduire, ou s'adapter à ces impacts, et inclure les coûts de ces mesures dans le prix du produit. C'est l'idée derrière l'utilisation d'un prix sur le carbone pour réduire les émissions des gaz à effet de serre, d'un tarif sur l'eau pour économiser, d'un prix sur les déchets pour réduire le gaspillage, de tarifs sur les routes pour réduire la congestion.»
Cela ne suffira hélas pas à convaincre M. Harper, dont les déclarations sur le sujet sont un véritable sottisier, notamment sa façon de décrire cet outil fiscal qui fait l'objet d'un large consensus de «job killing carbon tax». Sa façon de refuser de tenir compte des considérations environnementales, au nom des intérêts économiques, est en train d'avoir un effet boomerang et de nuire à l'industrie qu'il voulait tant défendre.
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