par Girard, Mario
AFP - L'ancien président américain Jimmy Carter a profité d'une entrevue diffusée sur les ondes de CBC, vendredi soir, pour critiquer la décision du Canada d'interrompre son aide au gouvernement palestinien après l'accession au pouvoir du Hamas.
" Que le Canada et d'autres punissent le peuple palestinien parce qu'il a voté pour les candidats de son choix, je pense que c'est littéralement un crime ", a-t-il déclaré lors de cet entretien, où il était question de son livre Palestine : Peace, not Apartheid (Palestine : la paix, pas l'apartheid).
Dans cet ouvrage controversé, lancé il y a un mois, le père des accords de Camp David, signés en 1978 entre l'Égypte et Israël, dit maintenant souhaiter une entente entre Israël et la Palestine.
Pour cela, il tente de poser un regard à la fois lucide et sans complaisance sur l'attitude des deux États.
" Je déplore les attentats-suicide palestiniens autant, si ce n'est plus, que ce qu'Israël fait contre le peuple palestinien. C'est horrible des deux côtés et cela doit être arrêté. Mais il faut voir les faits ", a-t-il déclaré. Il précise que, avant même l'arrivée du Hamas au pouvoir, le gouvernement palestinien était déjà au bord de la faillite.
Pour Sami Aoun, spécialiste de la politique au Proche-Orient, l'opinion que professe aujourd'hui Jimmy Carter choque les Américains parce qu'elle tranche avec celle de Bill Clinton.
" Clinton aurait voulu signer un Camp David comme Carter l'a fait, explique le politologue de l'Université de Sherbrooke. Mais dans son interprétation de l'échec, Clinton a toujours affirmé que c'est Arafat qui a bloqué le processus de pacification qu'il proposait. Carter n'accepte pas cette version des faits. Il dit plutôt que c'est l'offre de Barak et de Clinton qui n'était pas sérieuse. "
Dans son ouvrage, Jimmy Carter souligne que le Canada a été le premier pays à retirer son aide à la Palestine à la suite de l'élection du Hamas. En effet, en mars dernier, immédiatement après la prestation de serment du Hamas, le gouvernement de Stephen Harper a annoncé qu'il suspendait son aide annuelle de 7 millions de dollars à l'Autorité palestinienne et n'aurait aucun contact avec le Hamas.
Le gouvernement Harper, nouvellement en poste, avait justifié son geste en alléguant que le Hamas faisait partie des organisations inscrites sur la liste canadienne des organisations terroristes.
Appelé à réagir hier aux critiques de M. Carter concernant le Canada, Stephen Harper est demeuré sur sa position. " Malgré le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord, a dit le premier ministre. Notre gouvernement collabore avec les autorités palestiniennes. Et nous travaillons évidemment avec des ONG et d'autres intervenants pour tenter d'apporter de l'aide au peuple palestinien, qui souffre depuis bien longtemps. Mais notre gouvernement veut exercer des pressions sur le Hamas et sur des organisations semblables afin de travailler sur un carnet de route. Nous n'aiderons pas et n'appuierons pas, de quelque façon que ce soit, une organisation qui favorise le terrorisme. "
Depuis sa parution le mois dernier, l'ouvrage de Jimmy Carter a soulevé de virulentes critiques de la part de ceux qui trouvent que l'auteur manque d'objectivité dans son analyse. L'un de ses anciens collaborateurs et ex-directeur du Centre Carter, Kenneth Stein, a rompu tout contact avec M. Carter, jugeant le livre bourré d'erreurs.
Un juriste de renom, Alain Dershowitz, a qualifié le titre du livre " d'indécent ". Sur Internet, plusieurs commentaires font allusion à l'" antisémitisme " de M. Carter.
Ce dernier s'est défendu en répliquant que le mot " apartheid " ne faisait pas référence à un quelconque racisme de la part d'Israël envers les Palestiniens mais " au désir d'une minorité d'Israéliens de confisquer et de coloniser des sites palestiniens. "
L'ex-président a publié vendredi dans le Los Angeles Times un texte où il fait remarquer que ce sujet controversé est débattu intensément en Israël et dans d'autres pays. " Je souhaite provoquer une discussion sur ce sujet parce que nous n'avons pas de vrais débats là-dessus aux États-Unis ", a-t-il déclaré.
" Là-dessus, il a raison, dit Sami Aoun. Un débat aux États-Unis s'impose. Carter voit une tendance qui s'installe de plus en plus et qui prétend que le problème au Moyen-Orient est attribuable aux Palestiniens. Il croit que rouvrir le débat permettrait une approche diplomatique américaine plus respectueuse et qui ne soit pas uniquement sous l'influence des groupes de lobbyisme. "
SUSPENSION DE L'AIDE À LA PALESTINE
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