Première femme voilée à être candidate pour une élection au Québec, Ève Torres défendra les couleurs de Québec solidaire dans Mont-Royal-Outremont cet automne. Investie samedi, la Franco-Québécoise souhaite désormais que le débat sur le port de son hijab soit relégué au second plan.
« Si on pouvait arrêter d’en faire un enjeu de société, un enjeu électoral, ce serait vraiment quelque chose de formidable », clame Ève Torres, dans une entrevue accordée à Radio-Canada.
L'ancienne porte-parole du Conseil national des musulmans canadiens dénonce « les stratégies politiques » qui détournent, selon elle, les électeurs « des vraies problématiques ».
« Il faut remettre l’humain au cœur des préoccupations et ne pas mettre l'accent sur un enjeu qui finalement ne mettra pas plus d’argent dans le compte [des citoyens] ou n’améliorera pas leur qualité de vie au quotidien », assure la femme de 44 ans.
Selon cette dernière, seul Québec solidaire met de l’avant « les problèmes réels que rencontre la société ».
Les politiciens continuent de créer ce clivage social en jouant sur la peur de l’autre, en utilisant ces fameux signes religieux. À chaque fois, ça revient au moment des élections.
Arrivée au Québec il y a près de 20 ans, Ève Torres tient à défendre son parcours professionnel et ses convictions. Depuis 16 ans, détaille-t-elle, elle défend la place des femmes, les personnes âgées, les jeunes et les itinérants.
Ce voile, précise-t-elle, est « un choix personnel » qui « aujourd’hui ne m’appartient plus ». « Ça appartient à la société. Ce n’est plus mon choix. Qu’on choisisse de le mettre ou de l’enlever, ça devient un enjeu social, politique, avec lequel on est pris », croit-elle.
Ève Torres assure porter le voile par choix personnel. Photo : Radio-Canada
À l'encontre de la ligne de parti
Ève Torres admet ne pas partager entièrement la ligne de son parti, qui prône l'interdiction du port de signes religieux pour les personnes en autorité, comme les juges ou les policiers.
« Est-ce qu’on est d’accord toujours à 100 % avec toutes les lignes de parti? Personnellement, peut-être que non », reconnaît-elle, avant de proposer sa propre définition d’un état laïc.
« Un état laïc est un état qui respecte les libertés fondamentales de tous les citoyens, dont la liberté de conscience fait partie », dit-elle.
Le seul agenda politique que j'ai, c'est l'agenda de Québec solidaire.
Alors qu’Ève Torres assure qu’il n’y a « aucune contradiction » entre le port du voile et sa candidature avec Québec solidaire, cette opinion est contredite par la cofondatrice du Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité, Louise Mailloux.
« La laïcité, ça veut dire on sépare l’État des religions, la foi de la politique, soutient cette ancienne enseignante. On pourrait éventuellement, avec une candidature comme ça, se retrouver avec une candidate voilée dans l'enceinte de l’Assemblée nationale, où se votent des lois civiles […]. C’est indéfendable. »
De son côté, Ève Torres espère que ce débat prendra fin.
« On parle beaucoup des signes religieux, on n’aura pas fini d’en parler, signale-t-elle. Je pense qu’aujourd’hui, au Québec, on est prêt à aller ailleurs et c’est important de le faire. »
D’après les informations de Marie-Laurence Delainey et de Sarah Sanchez