Il s'est dit beaucoup de choses depuis une semaine sur les périls de la transaction entre les Bourses de Montréal et de Toronto. Certaines préoccupations sont légitimes, car on n'a pas encore vu les garanties écrites sur le maintien et le développement des produits dérivés à Montréal. Quand l'Autorité des marchés financiers rendra ces documents publics - vraisemblablement en janvier - il faudra en faire un examen très critique. En attendant, cet enjeu financier a pris une tournure exagérément politique.
Certains voudraient que Québec interdise à quiconque d'acheter le parquet montréalais. Nous n'en sommes pas. Rappelons qu'il ne s'agit pas d'une agence gouvernementale, mais d'une entreprise privée, elle-même inscrite en Bourse. Qu'elle fait partie d'un secteur en pleine consolidation, où même un grand joueur comme Euronext a fini par céder aux avances d'une Bourse américaine, celle de New York. Que son exclusivité sur les produits dérivés prenait fin dans 15 mois à peine et que Toronto aiguisait déjà ses couteaux. Et que, même si Montréal avait une bonne longueur d'avance, elle aurait perdu une énergie précieuse à se battre contre ce nouveau concurrent, au détriment de son propre développement.
Bref, si Montréal n'était pas passée au TSX, elle aurait eu avantage à s'unir à une Bourse étrangère n'ayant pas d'activité dans les produits dérivés, qui aurait reconnu son expertise tout en lui offrant de nouvelles possibilités. Nous avons déjà indiqué notre intérêt pour un tel scénario, mais ce n'est pas celui qui nous est présenté aujourd'hui. Revenons donc à la transaction avec Toronto.
Les premiers documents déposés auprès des autorités réglementaires reflètent déjà certaines des assurances verbales données à l'annonce de l'entente. Le TSX s'engage par exemple à ce que la négociation des produits dérivés, ainsi que le siège social et la direction de la Bourse de Montréal, demeurent dans la métropole québécoise. Il promet aussi de respecter son statut de Bourse nationale pour les dérivés et tous les produits similaires, incluant les crédits d'émissions de carbone. Il faudra des garanties plus étoffées, mais encore une fois, attendons de voir les textes.
L'expertise de la Bourse de Montréal en matière de produits dérivés est reconnue mondialement et plusieurs centaines d'emplois de haut niveau en dépendent, directement et indirectement. Et il ne lui manque qu'un cadre cohérent d'Ottawa pour lancer la première Bourse canadienne du carbone. Voilà ce qu'il importe de conserver et de développer chez nous. Obliger la Bourse de Montréal à faire cavalier seul n'est pas la meilleure façon d'y parvenir, au contraire.
La ministre des Finances a maintes fois exprimé son attachement aux produits dérivés et à la future Bourse du carbone. On s'attend à ce qu'elle agisse en conséquence. Son rôle n'est pas de faire capoter une transaction conclue entre deux entreprises privées, mais de faire preuve d'une extrême vigilance, et de ne pas hésiter à user de son influence pour s'assurer que le changement de propriété ne nuise pas aux intérêts véritables du Québec.
On peut s'attacher au symbole que représente la Bourse de Montréal. Toutefois, il faut réaliser que son statut d'entreprise québécoise indépendante n'est absolument pas garant de son rayonnement, ni de son avenir. Si l'on veut que Montréal demeure une référence en matière de produits dérivés, il faut agir en fonction du contexte financier international, et non de considérations politiques locales.
- source
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé