J’ai toujours cru que, dans une société démocratique, les droits de la majorité primaient sur ceux de la minorité. La Charte des droits et libertés de la personne n’est-elle pas venue créer une ambiguïté sur cette conception des droits? N’oublie-t-on pas aussi que des obligations sont rattachées à ces droits?
La Charte est première et primordiale par rapport aux autres lois. Rappelons-nous qu’en 1982, lors de la grève des employés de la fonction publique et parapublique, le décret émis par le Gouvernement pour le retour au travail en suspendait l’application. Ce qui voulait dire que tous ceux qui ne se soumettraient pas au décret seraient passibles de pénalités. La décision de se soumettre ou non au décret fut un moment dramatiquement ressenti par tous les grévistes, car ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on défie un décret gouvernemental! C’est pourtant ce qui arriva. Dans les assemblées, c’est dans un silence total que les grévistes votèrent à la très forte majorité contre le décret, pleinement conscient de ce que cela pouvait signifier comme conséquence sur la paix sociale. Cette désobéissance civile se justifiait par le déni des droits et libertés de la personne inscrits dans la Charte. Dans ce cas, les principes de la Démocratie et de la Charte ne se contredisaient pas.
Le respect des droits de la collectivité est un principe de base reconnu et respecté dans toute démocratie. Dans le conflit actuel concernant la hausse des droits de scolarité, comment alors concilier ces droits de la collectivité avec ceux des individus, inscrits dans la Charte? Apparemment, dans le conflit actuel, la Charte prend la préséance sur la démocratie. Pourtant, ne s’agit-il pas des droits d’une collectivité reposant sur un vote librement exprimé en assemblée générale et concernant un droit social? Or, l’éducation n’est-elle pas justement un droit social fondamental reconnu internationalement, reconnaissance d’ailleurs à laquelle le Québec a souscrit?
Ou alors, le gouvernement considère-t-il l’éducation comme un privilège réservé à une certaine classe sociale plus qu’aisée? Cela expliquerait-il la subvention de quatre cent trente millions aux institutions privées? Ne devrait-il pas investir ce montant dans le réseau universitaire plutôt que d’augmenter les frais de scolarité?
Les tribunaux, en accordant des injonctions à ceux qui refusent de suivre les voies de la démocratie en respectant un vote majoritairement remporté, mettent-ils donc les droits des individus avant ceux de la collectivité, alors que ces droits concernent un enjeu social, donc collectif? Ce faisant, ne créent-ils pas une jurisprudence boiteuse basée uniquement sur la Charte, sans égard au fondement même de la démocratie?
Je suis une grand-mère de 85 ans, très fière de ces jeunes qui se tiennent debout et de leurs représentants officiels qui font preuve comme eux d’une maturité à toute épreuve, d’un argumentaire fondé sur des bases sociales solides, d’une parfaite maîtrise d’eux même, face à un gouvernement qui pourrait leur envier ces qualités, au lieu de tomber dans un infantilisme incroyable!
Je suis aussi très fière de mes dix petits-enfants, certains finissants de cégep ou d’université, d’autres en cours d’étude. Ils ont fait preuve d’une belle conscience sociale, mettant de côté leurs petits intérêts personnels pour appuyer et promouvoir cette cause primordiale de l’accessibilité pour tous nos jeunes à une éducation essentielle à l’avancement et l’épanouissement du Québec!
Giannina Mercier-Gouin, prof de morale à la retraite
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
1 commentaire
Oscar Fortin Répondre
2 mai 2012Parlant de démocratie, il n'est pas superflu de rappeler que M. Harper dirige de Canada en roi et maitre avec moins de 25% de l'électorat canadien et moins de 40% de ceux et celles qui sont allés aux urnes pour voter.Les 61% des canadiens qui n'ont pas voté pour M"Harper, représentent la véritable majorité et à ce titre ne seraient-ils pas doublement justifiés de demander une injonction pour que leurs droits démocratiques soient respectés et que l'actuel système du pouvoir soit tout simplement modifié en faveur de la majorité?