Depuis quelques années, l'extrême droite est en progression un peu partout en Europe. Si dans plusieurs pays, comme en Allemagne, en Autriche ou encore en Hongrie, c'est la crise des migrants qui a favorisé l'émergence et la consolidation des groupes ultranationalistes, en Pologne il en est tout autrement.
La Pologne a pratiquement fermé la porte aux migrants et pourtant le pays est en voie de devenir un terreau plus que fertile pour les groupes d’extrême droite qui n’hésitent pas à lancer publiquement des slogans ouvertement racistes, antisémites, xénophobes et homophobes. Leurs membres se comptent par milliers et même si, proportionnellement, ils ne représentent pas une grande base électorale, leurs idées trouvent des oreilles de plus en plus réceptives au sein du parti au pouvoir depuis trois ans, l’ultraconservateur PiS (Droit et Justice).
L’Église polonaise est également très favorable à ces groupes, y voyant des alliés à la cause d’une Pologne exclusivement catholique et résolument anticommuniste. Le 11 novembre dernier, à l’occasion de la fête de l’indépendance, une marche « patriotique » regroupant 60 000 personnes s'est déroulée dans les rues de Varsovie, scandant des slogans violents et racistes. De nombreux invités représentant des groupes extrémistes de toute l’Europe étaient présents et les autorités polonaises non seulement n’ont pas condamné les dérives des manifestants, mais elles les ont même applaudies.
Nous avons suivi une des principales organisations extrémistes polonaises, La jeunesse de la Grande Pologne. Fondée il y a une trentaine d’années, elle regroupe quelques milliers de membres, qui ont presque moins de 35 ans.
« Notre but, c’est le bien de la Pologne et de la nation polonaise. Nous voulons propager notre conception de la nation et notre nationalisme chrétien », affirme le jeune porte-parole du groupe, Mateusz Marzoch, dans un entretien qu’il nous a accordé à Varsovie.
Tout en restant très poli, Marzoch brosse l’image d’une Pologne que son organisation veut à tout prix garder blanche, exclusivement catholique et exempte, autant que possible, de toute influence ou présence homosexuelle.
Les réfugiés des dernières années, les Juifs et même les voisins Ukrainiens n’y ont pas leur place, pour la bonne raison, selon lui, qu’ils sont incapables de s’intégrer et qu'ils risquent de gâcher l’homogénéité du tissu social.
« Quand j’entends les médias étrangers dire que les musulmans ont peur de la Pologne et des Polonais, qu’ils craignent de venir ici en grand nombre, franchement, je suis content », affirme candidement le porte-parole, tout en caressant le petit terrier blanc, mascotte du groupe, joliment appelé Benito, en référence au leader fasciste italien Benito Mussolini.
De son côté, la puissante Église polonaise ne semble nullement troublée par les valeurs peu chrétiennes de ces groupes extrémistes. Lors de notre passage en Pologne, des centaines de membres de deux plus importantes organisations ont reçu la bénédiction lors de cérémonies parallèles, dans des églises emblématiques de Gdansk et de Czestochowa.
Les organisations ONR (Camp national-radical) et La jeunesse de la Grande Pologne ne représentent peut-être pas une menace électorale, mais leurs idées ont un grand impact sur le parti au pouvoir, comme l’a démontré la campagne électorale en cours, autant au niveau municipal que régional.
Ces organisations ultranationalistes sauront-elles s’en tenir uniquement aux slogans encore longtemps? Nul ne le sait. Mais plusieurs de leurs prises de position récentes font croire le contraire.
« On doit tenir compte du fait que les Polonais ne sont pas une nation pacifiste. Quand nous sentons un danger réel, nous nous levons pour défendre la Pologne et les Polonais », confie Mateusz Marzoch, tout sourire.