Plusieurs lecteurs ont réagi à ma chronique de samedi dernier, dans laquelle je commentais un récent rapport de Statistique Canada qui révèle que c'est au Québec que les immigrés chôment le plus.
Y aurait-il plus de discrimination sur le marché du travail au Québec que dans les autres provinces? J'ai reçu là-dessus des témoignages intéressants... mais qui se contredisent.
M. Pau, ingénieur: «Il faut cesser d'attribuer à la discrimination ethnique ou religieuse la cause du chômage des immigrés au Québec. C'est une fausse piste, et c'est un immigré de longue date qui vous le dit, un immigré noir en plus.»
M. Pau pointe plutôt vers «le déclin économique de la métropole, et le corporatisme exacerbé des ordres professionnels et des syndicats québécois».
Ce n'est pas l'expérience qu'a vécue M. Bourassa, un descendant d'immigrés haïtiens dont «ni l'accent, ni le nom, ni les moeurs», ne laisseraient deviner l'origine.
«J'ai travaillé partout au Canada, dit-il, de Saint-Jean, Terre-Neuve, à Toronto, en passant par Montréal et Québec. Mon frère a travaillé à Montréal, Winnipeg et Calgary. Ma soeur, enfin, travaille actuellement en Colombie-Britannique, après avoir travaillé au Québec. Dans les trois cas, c'est au Québec que nous avons ressenti le plus de difficultés à nous intégrer au marché du travail.
«Au Québec, on a tendance à s'en remettre à l'État pour tout, pour l'intégration des immigrants comme pour la propreté des rues ou le respect de la signalisation routière. Nous oublions que tout commence avec le comportement des individus, bref avec la responsabilité individuelle.»
«Au Canada anglais, poursuit M. Bourassa, on entend moins de commentaires sur la religion et la race. Il n'y aurait pas de commission Bouchard-Taylor hors du Québec.»
M. Fortin, quant à lui, a constaté que «dans les entreprises francophones, la proportion d'immigrés est moins élevée que dans les entreprises anglophones. J'ai déjà interrogé le président d'une compagnie à ce sujet et il m'a répondu évasivement: question de tradition, m'a-t-il dit. Mais évidemment, si les entreprises francophones emploient moins d'immigrants, cela fait augmenter le chômage parmi les nouveaux arrivants».
D'autres, comme M. Lambert, s'en prennent à «l'application tatillonne de la réglementation sur la connaissance de la langue française. Tous les nouveaux arrivants doivent passer par l'étape de la francisation, même si l'anglais est un pré-requis pour bien des emplois pour lesquels il y a un sérieux manque de travailleurs, l'aéronautique par exemple. Le Québec accueillerait plus de travailleurs immigrés s'il n'y avait pas ces politiques de francisation. Les travailleurs apprendraient alors la langue par immersion, au contact d'autres employés parlant le français - c'est ainsi que les immigrants apprennent l'anglais dans les autres provinces».
Un fonctionnaire du ministère de l'Immigration, qui enseigne le français aux immigrants depuis près de 20 ans, a un tout autre point de vue. «Nous recevons maintenant un plus grand nombre d'immigrants scolarisés, appartenant à des professions nécessitant une reconnaissance de la part des ordres professionnels. Ces étudiants, mieux préparés à l'étude systématique du français, réussissent bien dans nos cours, mais peinent à trouver un travail correspondant à leurs compétences, freinés qu'ils sont par les exigences et les délais de ces ordres professionnels. Cela peut expliquer en partie les taux de chômage élevés. Les ingénieurs, par exemple, un an après la fin de leurs cours de français, se retrouvent en formation pour un emploi de technicien nettement en dessous de leurs qualifications, en attendant que leurs compétences soient reconnues par leur ordre professionnel.»
Cessons de croire que les cours de francisation retardent l'entrée des immigrés sur le marché du travail, dit ce correspondant. D'abord, 56% des immigrés parlent français à leur arrivée au Québec. Pour les autres, la formation est passée de 40 à 33 semaines, et l'étudiant peut quitter en tout temps s'il a trouvé un emploi.
Reste le problème de l'anglais, que nombre d'immigrés doivent également apprendre s'ils veulent percer sur le marché du travail: «Ce n'est pas une seule langue qu'il doit apprendre, mais deux», rappelle notre enseignant.
Voilà, bien sûr, une situation unique, car dans les autres provinces, il suffit d'apprendre une langue pour s'intégrer... Mais tout comme les Québécois de vieille souche, un immigré qui veut faire son chemin dans la banque, les communications ou une entreprise transnationale devra apprendre aussi l'anglais. (En France aussi, d'ailleurs...).
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