L’immigration est le sujet sur lequel il y a le plus grand fossé entre l’opinion majoritaire dans la population et l’opinion majoritaire dans le microcosme médiatique.
Au printemps 2018, PEW Research a mené une vaste enquête dans 27 pays sur cinq continents. On demandait aux populations si elles voulaient plus d’immigrants, moins, ou conserver le même nombre.
Dans ces 27 pays, une médiane de 45 % des répondants veut moins d’immigrants, 36 % en veulent le même nombre, et seulement 14 % veulent augmenter le nombre.
Pas plus
Ce n’est pas un hasard si les pays européens les plus touchés par la crise des migrants sont les plus désireux de réduire le nombre de nouveaux arrivants.
Voici les hallucinants pourcentages en faveur d’une réduction : Grèce (82 %), Hongrie (72 %), Italie (71 %), Allemagne (58 %), Suède (52 %).
En France, en Grande-Bretagne, en Espagne et aux Pays-Bas, ceux qui en veulent moins et ceux qui veulent le statu quo sont à peu près à égalité, mais ceux qui en veulent plus sont ultra-minoritaires.
Il n’y a pas un seul pays où le nombre de gens qui veulent plus d’immigrants atteint les 30 %.
En Allemagne, c’est l’enjeu migratoire plus que tout autre qui a marqué le début de la fin pour Angela Merkel et ouvert les portes des parlements à l’extrême droite.
La réticence n’est pas qu’une affaire européenne. Ils sont 73 % en Israël, 67 % en Russie, 65 % en Afrique du Sud et 61 % en Argentine à vouloir réduire le nombre.
Il y a manifestement une exception canadienne. Ici, 53 % veulent conserver les seuils actuels.
Comme nous ne sommes pas plus vertueux que les Européens, on doit faire l’hypothèse que c’est parce que nous n’avons pas encore vécu les tensions qu’ils vivent depuis des années.
Le cas de la France est fascinant.
Comme Justin Trudeau, Emmanuel Macron se voyait en vertueux chevalier se dressant pour stopper la peste brune du populisme.
Il vient de sortir de sa catatonie politique. On a beaucoup commenté les mesures économiques destinées à calmer les gilets jaunes.
On a moins noté son propos sur la « laïcité bousculée » et sur la nécessité de débattre de la question de l’immigration.
Il reconnaît finalement que le malaise économique se double d’un malaise culturel, celui de gens modestes qui n’ont, pour la plupart, rien de fondamentalement raciste, mais qui reconnaissent de moins en moins leur pays.
Danger
Comme le disait le philosophe Alain Finkielkraut, « on ne voyait pas cette France, car on ne voyait que la diversité. Toutes les réserves de curiosité et de compassion de l’opinion progressiste étaient épuisées par les banlieues et les migrants ».
Je ne dis pas que « le peuple » a toujours raison et « l’opinion progressiste » toujours tort.
Je dis qu’il y a un danger à continuer à juger de très haut ce que ressentent ces majorités de moins en moins silencieuses.