Tiré de: www.martinvaillancourt.info
J’ai encore eu une prise de bec avec du monde de droite. Que voulez-vous. Ils ont le don. J’ai fait une montée lait suite à un texte horrible, VRAIMENT horrible, d’un certain Daniel Paquet, paru sur lesanalystes.ca. Un blogue repère d’analystes québécois de droite. Évidemment, fallait passer le mouvement des indignés dans le tordeur. Monsieur Paquet se rend digne dès plus grands tribuns de la radio populiste de droite en livrant une analyse aussi idiote que grotesque sur le fondement du mouvement d’occupation des indignés. Le type affirme, tenez-vous bien, que les indignés sont dehors pour faire de l’argent. Wow! Je lui dédie le plus grand succès de Brassens et l’invite à souper mercredi soir. Un champion du monde!
Quoiqu’il en soit, j’ai posté ceci comme commentaire à sa superbe analyse:
Votre article est odieux et fumant de la puanteur forte de l’hypocrisie de vos mots. Monsieur, très bien. Indignez-vous pour sauver du cash, puisque vous ne savez résonner qu’en terme de profit et payabilité. Monsieur, avec l’argent qui restera dans vos poches, je vous suggère de vous acheter un coeur. L’avantage d’un coeur, c’est qu’on peut-être compatissant. Si vous en trouvez un à rabais, et qu’il vous revient au change, je vous suggère de vous acheter une dignité; une usagée, pas trop coûteuse, celle de quelqu’un qui aura crevé dans la pauvreté la plus ingrate…quelque part, dehors, au frette. C’est essentiel: Pour s’indigner vraiment, il faut d’abord une dignité. Et s’il vous reste quelques sous à investir, je vous propose de vous acheter un courage. Le courage, c’est quelque chose qui va vous faire vous tenir debout en exigeant qu’on arrête de vous voler; c’est être dehors, sous la pluie et le vent d’automne ou couché dans une tente, la nuit froide venue, pour protester sans peur aux yeux des pilleurs qui couchent les fesses aux chauds. Le courage, ce n’est plus seulement s’indigner, c’est s’opposer; s’opposer aux menteurs. S’opposer aux petits hommes sans abnégation aucune mais riches de mépris, le cul planté bien confortablement dans son chez-soi sans conscience, ou cachés derrière un micro, qui ne savent que verser un dégueuli acide de mots pleins de mépris, de ridicule et de haine, sur des gens simples et humbles, sur des petits qui n’ont rien mais qui sont riches de la seule vraie chose que les démons moqueurs tels que vous voudraient avoir: La foi.
Je ne vous salue pas. Je vous plains.
Martin Vaillancourt
Évidemment, j’ai reçu une pluie de compliments élogieux comme seuls les gens de la droite savent le faire: “grand prêtre moralisateur”, “gauchiste furibard” et on m’a même soupçonné de “faire du profit avec le commerce de la dignité et du courage”…ce dont j’essaie encore de comprendre le sens. Vous me connaissez, il me fallait répondre. Je me suis donc exécuté. J’affirme ne pas attendre la moindre compréhension de leur part car un coeur barré à clé est complètement intouchable. Ce n’est toutefois pas une raison pour se taire. Voici donc ma réponse.
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Très évidemment, quand on laisse tomber un commentaire du genre au mien et qu’on le fait sur un blogue aux chroniques de droite, les « gare au go-gauchiste ! » fusent de toutes parts. Ma surprise est nulle. Quoique, je puisse bien vous demander : mais où donc avez-vous trouvé la certitude que je fus gauchiste? Je n’en dis rien, à nul endroit. Et si je ne l’étais pas? Impossible! crierez-vous. Le commentaire est trop…culpabilisant. Il n’y a que les maudits gauchistes (ou devrais-je dire « grands prêtres moralisateurs ». Merci! J’ai bien rigolé!) pour culpabiliser de manière aussi « furibarde » et aussi « prétentieuse » les « analystes » de droite, sur leur terrain.
Pas de doute possible. C’est un gauchiste. On en est sûr. Faut juste être gauchiste pour s’émouvoir sur une bande de pouilleux dopés qui font du camping en ville. Autrement, ça ne fait pas de sens. Quand on est de la droite, la VRAIE droite, on s’occupe de ses affaires. On se lave. On se lève et pis on va travailler. On ferme sa gueule. On ne l’ouvre que pour parler des VRAIES affaires parce que nous, on vit dans le VRAI monde. On descend dans la rue quand c’est important, quand ça compte vraiment. Comme la fois où on était des milliers pour « crier le nom de la liberté, partout! » pour que la liberté d’expression nous garantisse le droit de continuer à vomir à grandes gueules sur une présentatrice météo bien roulée ou sur deux trois gays « défoncés ». Ça, c’était important. La rue était à nous. Fallait faire quelque chose. Pas comme les « zindignés » qui campent dehors des semaines et des semaines, au frette – faut être caves – et qu’on n’arrive jamais à savoir ce qu’ils demandent, au juste. Y-a-t-il quelqu’un qui le sait, ce qu’ils veulent? Doivent vouloir manger gratis pis se piquer, les uns les autres, à ciel ouvert, après la soupe. S’indigner, ça ne coûte rien. Maudits punks! Allez travailler! Maurais l’a dit, à matin! Duhaime confirme, cet après-midi; so « get the fuck out of here! Sorry, bums! » (Faut savoir rajouter deux ou trois mots collés d’anglais quand on crie la gueule à droite, ça donne du toughness!). La belle lucidité. La belle affaire. Excusez ma prétention. Vous ai-je dis que j’étais à gauche?
Ah, les lucides et leur pragmatisme qui tire à droite. Comme s’il fallait vraiment s’attendre à voir les « zindignés » arriver en veston-cravate et repartir, au bout d’une heure, dans leurs grosses bagnoles. Comme si les indignés devaient réellement avoir « réussi » pour avoir le droit de demander aux voleurs d’arrêter de tous nous voler. Comme si les indignés devaient être n’importe quoi d’autre que des victimes, chacun à leur manière. Quand on se tient à droite, quand on se tient du bon bord, les victimes, ça n’existe pas. C’est dans la tête. Tout est dans la tête. Nous, on est des battants; des vrais winners qui se lèvent tous les matins pour gagner notre pitance…parce qu’on est forts dans notre « mental ». Mental toughness : la dureté du mental. T’es victime si t’es looser. Si t’es faible dans ta tête ou dans ton corps, ou pire, dans les deux; là, t’es vraiment looser. T’es un criss de parasite-faible de BS crotté qui vit aux dépends des forts pis qui se fait soigner la cervelle ou la bebelle…gratos. T’es une dépense inutile. Point. Faut pas se conter des salades comme les pelleteurs de nuages de la go-gauche; la vie, c’est la loi de la jungle. Seuls les forts ont le mérite de survivre. C’est ça, la vie. La VRAIE vie. Rien d’autre que ça. Ok. Le monde va mal. Mais, selon nous, deux ou trois parvenus dehors pour manifester, le temps d’une petite demi-heure, c’aurait été vachement plus crédible et surtout moins malodorant! New-York? Quoi, New-york? Quessé qui se passe, à New-York? Duhaime n’en parlait pourtant pas, tantôt. Shit! Encore une passe de loups gauchistes déguisés en brebis, on en est certain…hein, Dominic? Allez-donc vous chercher une job, pouilleux!
Chers analystes de la droite, vous n’avez rien compris. Vous pointez du doigt les indignés en vous moquant allégrement de leurs faiblesses. Vous écumez d’un plaisir sadique, et combien pathétique, à vous moquer des « poqués » de la vie. Et pourtant, s’ils sont dehors, c’est bien à cause que vous, les forts, n’y êtes pas. Vous vous moquez sans vergogne de ceux qui livrent le combat que vous devriez mener à leur place. Oh, oui, vous êtes trop occupés à les faire vivre, j’oubliais.
N’empêche. Si vous possédiez un gramme de vrai courage, c’est vous qui prendriez la rue. La rue serait propre, non? Vous placeriez votre force vive, celle de votre bonne santé, celle de votre volonté, celle de toutes vos aptitudes et vos énergies, à réclamer un monde où une honnête répartition des richesses – seulement honnête. pas communiste. pas socialiste. seulement honnête. – serait garante d’une bien meilleure qualité de vie, pour tout le monde. Peut-être, alors, que des maudits pouilleux sans travail, il n’y en aurait plus et que vous pourriez garder tout votre argent pour vous, bien gagné à la sueur de votre front.
Mais, non. Au lieu de ça, vous vous laissez laver la cervelle par ceux qui ne souhaitent qu’une chose, c’est de bien vous convaincre qu’il vaut mieux ne rien faire. Que le vrai courage, c’est se regarder le nombril en profitant de la vie. Qu’on est vraiment forts quand on utilise son gros bon sens pour ne rien faire, sauf pour rire des faibles, de rire de ceux qui ont le courage de se tenir debout, à notre place. Pire encore. Que le vrai courage est bien d’aller arracher des mains le maigre chèque d’assistance sociale du maudit BS, en le regardant bien dans les yeux tout en le traitant de sale voleur-parasite, pour ne pas avoir à le faire face aux puissants corrompus qui saignent à blanc toute la nation en évadant des milliards vers des paradis fiscaux inatteignables.
Et pendant ce temps, on parle de la crise identitaire de l’homme québécois. On reste pétri d’effroi par le nombre monstrueux de ceux qui se flambent la cervelle dans la jeune vingtaine. Pourquoi? Parce que les hommes sont faits pour la grandeur. Ils sont faits pour mener la guerre noble de la justice sociale et pour porter l’étendard des grands idéaux. Je ne vous parle pas de gauche! Je ne vous parle pas de droite! Je ne vous parle pas de communisme! Je ne vous parle pas de capitalisme! Je vous parle de justice! La vérité : Les hommes sont en quête de combats. De combats édifiants qui élèveront leurs âmes pour quelque chose de plus grand…et il y en a des combats à mener, en ce monde, sachez-le! Ils sont tout autour de nous! Je vous entends dire qu’il ne s’agit là que de foutaises de gauchistes. Je vous plains. Vous ne savez pas rêver. Vous ne savez que compter. Vous ne savez pas vous battre. Vous êtes lâches. Voilà. Vous êtes les vrais lâches et vous tentez violemment de vous convaincre du contraire, les uns les autres, en vous radotant que c’est les autres, les malades. Comme à la radio. C’est comme ça qu’un homme s’éteint. Quand on lui dit que le rêve est stupide. Que rien ne sert à rien. Que les indignés sont des fous et des malpropres. Des utopistes dont il faut se moquer sans pitié. Quand le courage est du côté du larbin et non de l’indigné.
Je vous suggère ceci. Si, aux travers de votre vie très occupée à payer pour tout le monde, vous vous trouvez quelques heures de libres; je vous suggère de vous rendre au centre local d’emploi le plus près de chez-vous. Je vous demande d’y entrer discrètement et d’aller vous asseoir sur une des petites chaises, dans la salle d’attente. Concentrez-vous alors à regarder les visages de ceux qui y entrent pour aller faire une demande d’assistance sociale ou sur les prestataires qui viennent faire leur compte rendu mensuel à leur agent. Je vous mets au défi de trouver un seul visage souriant, contenté, fier, heureux d’être là. Je sais ce que vous y verrez car moi, je l’ai fait. J’ai même été l’un d’entre eux. Mais vous n’irez pas. Vous êtes beaucoup trop occupés. Je vais donc vous dire ce que vous y verrez.
Vous y verrez des visages crispés d’humiliation, qui vont et viennent en tournant en rond, dans le fond du local, en entrant, sortant, et entrant de nouveau, le temps de se trouver le courage de prendre position dans la file d’attente pour aller mendier leur gouvernement. Une fois l’interminable formulaire complété, où vous devez rendre compte de vos moindres dépenses et revenus des 12 mois précédents, vous les verrez retourner le formulaire avec dédain et appréhension. Vous ne verrez pas un seul sourire. Vous n’entendrez pas un seul cri de joie pour avoir le privilège d’avoir un nettoyage chez le dentiste, gratuitement. Rien. C’est un silence coupable qui règne. C’est à ce moment que vous auriez pu comprendre que s’ils sont là, ce n’est pas parce qu’ils le veulent. Personne ne veut vivre aux dépends des autres. S’ils sont là, c’est qu’ils ont été brisés par la vie, d’une manière ou d’une autre; dans leur corps, dans leur cœur, dans leur esprit. Peut-être était-ce de leur faute, ou peut-être que non. Peu importe. Qui ne fait pas d’erreur? La seule chose qui compte, c’est qu’ils s’en trouvent maintenant inexploitables par le grand système du citron pressé et qu’aucuns des forts, parmi lesquels vous vous placez volontiers, ne veut leur venir en aide. Oui, ils s’habillent mal. D’accord, ils ne sont pas toujours bien peignés et ils ne sentent pas toujours les roses. Peu importe, après tout.
Ils étaient dehors, à coucher dans une tente et ils n’étaient pas des plus volubiles pour expliquer les tenants et aboutissants de l’occupation. Mais ils n’auraient pas dû, de toute façon, avoir à le faire. C’est vous qui auriez dû être là, avec eux, pour prendre la parole à leur place. Vous qui êtes encore riches de tout, vous auriez dû avoir le courage de dire à ceux qui ont brisé ces vies que c’est maintenant terminé. Dieu que vous devriez avoir honte de laisser les faibles monter seuls au combat! C’est cela, la vérité. Il n’y a pas de raison pour laquelle vous n’auriez pas dû, vous aussi, être debout et dehors, aux côtés des étudiants, des assistés sociaux, des chômeurs, des retraités, des malades et des travailleurs précaires. Vous n’êtes pas du bon côté. Le bon côté n’est pas à gauche. Le bon côté n’est pas à droite. Le bon côté est celui de la justice, du cœur et de la solidarité. Vous êtes du côté de l’égoïsme assumé. Je vous plains.
Il ne me reste qu’à vous dire ceci : Au jour où la vie vous brisera froidement en deux et que personne ne souhaitera venir à votre aide, répondant être trop occupés à gagner leur vie et celles des autres, vous vous souviendrez qu’il y a eu une poigné de pouilleux qui ont couché dehors, pendant des semaines, dans l’espoir que vous n’auriez jamais à vous humilier comme ils ont dû le faire pour pouvoir survivre. Ce que vous n’avez pas compris, c’est que c’est pour vous, pour les vôtres, pour vos enfants, que les indignés étaient dehors à subir la répression, le froid et vos moqueries. Ils souhaitaient simplement vous éviter de devoir passer par le pire. Pour eux, c’est trop tard. Leur vie est déjà brisée. Mais cela, personne ne l’a dit à la radio.
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Martin Vaillancourt
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martinvaillancourt.info
Ils étaient là parce que vous n’y étiez pas!
J’ai encore eu une prise de bec avec du monde de droite.
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3 commentaires
L'engagé Répondre
23 novembre 2011Merci pour ce texte poignant.
Une leçon nécessaire comme Camus savait en donner.
À relire, à diffuser.
Archives de Vigile Répondre
23 novembre 2011Ce qui prouve qu'il ne faut pas tomber dans le piège de la gauche-droite.
Le fondateur du site Les Analystes, Ian Sénéchal, est aussi le principal fondateur du Réseau Liberté Québec (Éric Duhaime - Joanne Marcotte).
Un gars hyper à droite direz-vous ?
Quel est l'activité principale de Ian Sénéchal ?
Il est actuaire pour la FTQ.
Éric Duhaime était conseiller de Gilles Duceppe au Bloc.
L'argent n'a pas une préférence du côté dont provient la main tendue.
Archives de Vigile Répondre
22 novembre 2011je n`arrivais pas à bien décrire à d`autres le pourquoi des indignés dans mes mots, merci de ton texte, il va me servir le faire magistralement en leur faisant parvenir