Il y a 40 ans a eu lieu le dernier épisode du rapatriement. Le six décembre 1982 la Cour suprême entendait une cause portant sur le droit de veto du Québec. Le gouvernement Lévesque invoquait cette prérogative dans une ultime tentative pour bloquer la réforme constitutionnelle de Trudeau.
Le rapatriement a été l’une des plus grandes injustices de notre histoire, au même titre que la conscription, l’Acte d’Union ou la pendaison de Louis Riel. La différence est que les conséquences se font toujours sentir, comme en témoigne la contestation de la loi 21 et la loi 96 en vertu de la charte canadienne.
Québec bashing
Ce catalogue de droits est aussi invoqué constamment au Canada anglais pour faire du Québec bashing. La xénophobie anti-québécoise d’antan se réclamait ouvertement d’une supposée supériorité du ROC sur nous. Depuis 40 ans, c’est plutôt au nom de l’inclusion et de la tolérance qu’on nous traîne dans la boue. Au nom du droit des minorités, la charte permet à la majorité anglophone d’attaquer la minorité francophone en toute bonne conscience.
René Lévesque avait compris l’ampleur du désastre en 1982. En désespoir de cause son gouvernement s’était tourné vers la Cour suprême. Celle-ci avait déjà rendu une décision importante en septembre 81. Elle avait décrété que pour faire sa réforme constitutionnelle, le gouvernement fédéral avait besoin d’un large consensus provincial mais pas de l’unanimité. En 82 le Québec a plaidé qu’il devait faire partie de ce large consensus parce qu’il détenait un droit de veto. Celui-ci avait d’ailleurs été utilisé deux fois, en 1965 par Jean Lesage et en 1971 par Robert Bourassa.
Évidemment la Cour suprême était biaisée. Celle-ci souhaitait le rapatriement qui allait lui donner une charte. Les juges obtiendraient ainsi plus de pouvoir pour invalider des lois, surtout celles votées par l’Assemblée nationale du Québec.
Voilà pourquoi en octobre 1980, le juge Willard Estey avait secrètement informé les fédéraux de problèmes légaux qu’il voyait dans la procédure législative qu’Ottawa comptait utiliser pour rapatrier la constitution. Il s’agit d’une des révélations de mon livre La Bataille de Londres.
Par ailleurs le juge en chef Bora Laskin a transmis des informations en temps réel au gouvernement britannique et canadien sur les délibérations confidentielles de sa cour, qui devait se prononcer sur la légalité du rapatriement. Tout cela constituait une violation du principe fondamental de séparation des pouvoirs, raison qui m’a amené, avec le groupe Justice pour le Québec, à contester à-postériori la constitution de 82.
Un silence glacial
Pour revenir à cette sombre journée du six décembre, les neufs juges s’étaient réfugiés dans un silence glacial en ne faisant absolument aucun commentaire et ne posant aucune question lors de la plaidoirie d’Henri Brun, le procureur du Québec. Ce dernier n’avait jamais vu ça auparavant dans sa carrière...et ne l’a jamais revu après.
Le plus haut tribunal a ensuite tranché : neuf magistrats contre le Québec, zéro pour. Les trois juges québécois, Julien Chouinard, Jean Beetz et Antonio Lamer ont fait cause commune avec leurs collègues canadiens-anglais contre leur propre nation.
Voilà comment la Cour suprême nous a traités en 1982.