Ignatieff et les « valeurs québécoises »

2 mai 2011 - Harper majoritaire



Un parti fédéral peut difficilement former un gouvernement majoritaire sans une base électorale au Québec, qui a 75 sièges aux Communes. Et puisque le Québec n’est pas une province comme les autres, il doit formuler un discours répondant à ses aspirations spécifiques.
C’est à cet exercice que s’est livré Michael Ignatieff dimanche dernier, à Montréal. Son discours confirme une transformation étonnante de la manière dont se pose la question du Québec au Canada.
Autrefois, lorsqu’un politicien fédéral voulait s’adresser aux Québécois, il misait sur leur désir de liberté collective en leur promettant de nouveaux pouvoirs et un pacte constitutionnel reconnaissant leur réalité historique, celle d’un peuple fondateur qui n’est pas qu’une province sur 10.
Il n’y avait rien de tout cela dans le discours d’Ignatieff. Tout au contraire, ce dernier a misé sur une autre perspective : celle des « valeurs québécoises ». Et quelles sont ces valeurs québécoises? Je cite Ignatieff : « La justice sociale, l’égalité, l’environnement et l’accès aux soins de santé. »
En quoi ces valeurs « tarte aux pommes » sont-elles spécifiquement québécoises? En quoi sont-elles différentes des valeurs canadiennes telles que se les imaginent le PLC et le NPD? En quoi diffèrent-elles de celles du progressiste ontarien moyen?
Pour les politiciens fédéraux, parler des valeurs québécoises relève d’une stratégie privilégiée pour donner l’impression de parler aux Québécois, tout en contournant la question pourtant fondamentale de leur statut politique problématique dans le Canada.
Pire encore, ce sera au nom de ces « valeurs québécoises » qu’on justifiera l’intervention du gouvernement fédéral dans les champs de compétence provinciale, comme l’éducation ou la culture. Les « valeurs québécoises » ainsi définies justifieront demain la centralisation fédérale.
Le Bloc Québécois n’est pas étranger à cette mutation. Depuis 15 ans, il a laissé entendre que le Québec revendiquait moins un agrandissement de son autonomie par une décentralisation maximale qu’une contribution toujours plus considérable du Canada anglais au financement du modèle québécois.
Chose certaine, Ignatieff vient de couler le test des intérêts fondamentaux du Québec. Le peuple québécois ne souhaite pas qu’on respecte ses « valeurs » (d’ailleurs, les Québécois ont-ils tous les mêmes valeurs?), mais qu’on reconnaisse son autonomie politique, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada.
La seule promesse qui devrait nous venir d’Ottawa pourrait se formuler ainsi : « Nous ne traiterons plus le Québec comme une province parmi d’autres, mais comme une nation fondatrice. » Et surtout : « Nous ne nous ingérerons plus systématiquement dans les affaires québécoises. »


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