Identité québécoise: tradition et redéfinition

Trois étapes vers notre sortie de l’histoire : l’identité originelle, l’identité en dérive et une identité de sans-culotte

Comprendre notre intérêt national


À la commission Taylor-Bouchard, il est souvent question d’identité. Tout le monde en parle mais sans jamais trop dire ce qu’on entend par là. En quelques lignes, dépêtrons l’écheveau afin de distinguer trois étapes vers notre sortie de l’histoire : l’identité originelle, l’identité en dérive et une identité de sans-culotte.


Toute contestation, toute modernité ou postmodernité, et tout ce qui vient après, se définit par opposition à un passé, à une tradition. L’identité québécoise d’origine, c’est alors - l’être, défini par l’histoire, que nous avons hérité de la Nouvelle-France, et qui se continue à travers les régimes politiques que les circonstances nous ont imposés. Au fond de tout québécois, même opposé en surface, il y a la nostalgie caressée ou contestée de l’unité originelle, ce passé, ce présent suspendu, qui est la norme profonde, le centre de notre fascination, et le seul futur valable au retour duquel nous aspirons. Là, coïncidaient, sans conflit, sans fracture, ce que l’histoire, le colonialisme intériorisé, la faiblesse des esprits et des moyens, l’éparpillement des intérêts secondaires, le cumul des médiocrités et des trahisons ont éloigné de nous, au point que beaucoup n’ont plus accès à leur identité première sinon à travers la contestation caricaturale, ou un rejet plein de sursauts et de contradictions. Heureux temps où nationalisme identitaire, nationalisme politique et nationalisme civique se confondaient dans une identité immédiatement perçue et assumée!
Puis vint l’identité en dérive. La Conquête de 1760, et ses avatars politiques et sociaux ont fait leur œuvre. Privé de véritables chefs, trahis par la classe bourgeoise et intellectuelle, le peuple québécois a été livré sans défense aux contradictions de son destin. L’identité première a été brouillée par le triomphe apparent et l’intériorisation des conséquences de la Conquête. La réfraction dans les faits et dans la psyché collective des réalités imposées par le vainqueur ont causé d’importants ravages dans la totalité des aspects de notre vie nationale. Un indéracinable complexe d’infériorité, une propension invincible à aménager notre servitude plutôt qu’à reconquérir la liberté perdue, une admiration doublée d’une comparaison infériorisante aux Anglos du Canada, aux Américains, et aujourd’hui aux immigrants que l’on n’est pas éloigné de saluer comme nos sauveurs! S’agit-il de l’anglais, dont personne ne conteste l’utilité? Il faut l’apprendre au berceau, il est présenté comme un métaphysique certificat de savoir, de validité humaine, comme la caractéristique suprême de l’ « homo sapiens modernicus »! Le Québec, il faut le penser toujours en fonction de son poids dans la confédération. La norme politique, sociale, économique, c’est le Canada anglais. Il existe même dans les médias des « spécialistes » qui font carrière en dénigrant le Québec parce qu’il n’est pas anglais. « Il y a un prix à payer », nous susurre-t-on sur tous les tons! La grenouille doit se faire plus grosse que le bœuf. Il faut créer de la richesse pour égaler Toronto ou Vancouver, il faut gonfler notre démographie par tous les moyens pour rester à taille canadienne. Le Canada, lui, s’avise-t-il de vouloir dépasser la population de la Chine? Bref, l’affaiblissement, la disparition partielle ou totale dans certains cas, de la référence identitaire de base introduit, dans l’actualité et dans la conscience des Québécois, nombre d’éléments contradictoires et destructeurs. La liste n’est pas exhaustive, mais on peut nommer un usage dissolvant de thèmes comme le bilinguisme, le fédéralisme, l’ouverture et l’immigration. La manipulation de ces thèmes sert à nous désespérer de nous-mêmes au point que nous souhaitons devenir autre chose, être enfin délivrés de nous-mêmes.
Le lit est fait pour la dernière incarnation de notre identité, ce que nous appellerons une identité de sans-culotte. Les politiciens médiocres, les intellectuels subventionnés s’efforcent de cacher leur impuissance et leur trahison. Par le fait que personne jusqu’ici n’a réussi à reconquérir l’indépendance nationale, à servir, sans défaillance d’esprit et de cœur, la cause du peuple, ils auront le reflexe du renard de La Fontaine face à la treille : « Ces raisins sont trop verts! » Comme notre histoire, depuis 1760, répète inlassablement le schème de la défaite, et qu’ils se sentent incapables même de concevoir une issue moins malheureuse à notre destin, ils en sont venus, en quelque sorte, à envisager la « solution finale ». Il faut soigneusement raturer nos origines en taisant l’histoire, et si on ne le peut pas complètement, en attendant, la déconstruire et la fausser. On se fait l’apôtre d’une laïcité de sans-culotte. Il faut procéder à une partition forcée de l’espace public en séparant de façon absolue le civique et le privé. Il faut effacer toute mémoire religieuse de nos origines, et si nécessaire, on n’hésite pas à convier toutes les religions du monde, dans de sots programmes, pour mieux banaliser en le submergeant le catholicisme fondateur. En dernier recours, le grand responsable de notre malheur, c’est le Québécois « de souche », porteur de la tare originelle. Il faut le tuer en le métissant à l’aide d’une immigration délirante dont on augmente le nombre avec une exponentialité génocidaire. À chaque année, enfoncée au cœur du Québec, une ville étrangère de 55, 000 habitants! Toute grande question doit s’éteindre, tout idéal doit disparaître de la cité, toute étude sérieuse bannie de nos universités. Plus de cette « connaissance inutile » qui formait les esprits et qui donnait goût et sens et profondeur à la vie! Rien que de l’utile, du technique, de l’efficace, de l’immédiat sans horizons. Quant aux partis politiques, il ne leur reste que la fuite en avant. Une seule visée, un seul slogan : L‘économie tentaculaire qui rature le passé, la nation, et l’humanité tout court.
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Hubert Larocque
Gatineau


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