Henri Brun et la reconnaissance de la nation québécoise.

Tribune libre

Henri Brun, constitutionnaliste et la reconnaissance de la nation québécoise.
« En appuyant cette motion, le Québec ne renonce par contre en rien à la possibilité que lui a reconnue la Cour suprême du Canada en 1998 de faire sécession du Canada. L’exercice de ce pouvoir serait largement tributaire de reconnaissances internationales, lesquelles pourraient se trouver incitées par le fait que le Canada a reconnu que les Québécois formaient déjà une nation au sein du Canada. Et le Canada lui-même pourrait difficilement prétendre que la collectivité qu’il a reconnue comme nation dans le Canada a cessé de l’être parce qu’elle a choisi de devenir souveraine ».
Henri Brun, professeur en droit constitutionnel à l’Université Laval

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Alain Raby118 articles

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Né à Mont Saint Michel, Qc

Bac en pédagogie - Hull

Maîtrise en Relations Internationales.

University of the Americas - Mexique 1971

Scolarité de doctorat en sciences politiques - Université Laval

Enseignant à Saint-Claude, Manitoba

Globetrotter et commerçant-importateur - Art populaire des cing continents à Saint Jean Port-Joli - Les Enfants du Soleil





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5 commentaires

  • Georges Paquet Répondre

    14 janvier 2013

    On saura peut-être un jour quelle était la motivation profonde du premier ministre Harper et des députés en adoptant cette motion, mais pour l’instant, je maintiens que les déclarations, en Chambre, des portes-parole de tous les partis vont dans le sens de la reconnaissance d’une réalité historique à l’effet que ce sont les « Canadiens », comme s’appelaient autrefois les francophones par opposition aux « anglais », qui se sont ensuite appelés les « canadiens-français » et ensuite les « Québécois » qui forment une nation au sein du Canada, qu’ils résident au Québec ou ailleurs.
    Les parlementaires ne se sont pas expliqués sur l’origine de leur croyance, mais on peut penser qu’elle vient de leur compréhension de l’histoire récente. Souvenons-nous que l’éminent professeur Guy Rocher a brillamment démontré la relation directe que l’on décèle, au coeur des mouvements nationalistes canadien et québécois, entre les expressions canadiens, canadiens-français et québécois, par lesquelles les canadiens d’expressions français se sont eux-mêmes désignés jusqu’à tout récemment.
    Revoyons donc brièvement ce que les auteurs de ce projet ont vraiment dit, en Chambre, sur le sens de la résolution qu’ils allaient adopter. Cet aspect de la question est essentiel, car, si les juges devaient, un jour, examiner la valeur juridique de cette reconnaissance, ils se demanderaient quelle avait été l’intention du législateur. Revenons donc en novembre 2006 et ce que contient le Hansard de cette période.
    Le premier ministre Stephen Harper a déclaré en déposant sa motion, le 22 novembre 2006 : « Les Québécois savent qui ils sont. Ils savent qu’ils ont participé à la fondation du Canada, à son développement et à sa grandeur. Ils savent qu’ils ont préservé leur langue et leur culture unique, et qu’ils ont fait progresser leurs valeurs et leurs intérêts au sein du Canada. La vraie question est simple : les Québécoises et les Québécois forment-ils une nation au sein d’un Canada uni ? La réponse est oui. Les Québécois et les Québécoises forment-ils une nation indépendante du Canada ? La réponse est non, et elle sera toujours non. »
    Le chef de l’Opposition, Stéphane Dion, a déclaré le 27 novembre 2006 : « Au sens ethnique, le Québec et le Canada ne sont pas des nations, mais les Canadiens français le sont, laquelle nation est principalement concentrée au Québec, mais présente partout au Canada. » Et il a ajouté : Au deuxième sens du mot « nation », le sens étatique, le seul qui confère une existence juridique en droit international, c’est le Canada, et lui seul, qui est une nation. Au troisième sens du mot « nation », le sens sociologique, nous, les Québécois, sommes une nation, puisque nous formons, au sein du Canada un groupe assez vaste - près du quart de la population -, que nous avons la conscience de notre unité et la volonté de vivre en commun. En ce sens, c’est exact de dire que les Québécois et Québécoises forment une nation au sein d’un Canada uni. Je voterai donc pour la motion qui nous est soumise. »
    Les principaux lieutenants québécois du parti au pouvoir, ont abondé dans le même sens.
    M. Cannon a dit en Chambre, le 23 novembre 2006 : « Depuis 1792, quand le premier Parlement du Canada s’est réuni à Québec, jusqu’à nos jours, nous nous sommes appelés Canadiens puis Canadiens français et maintenant Québécois. Mais ce ne sont pas les autres qui nous ont nommés. Nous n’avons jamais demandé à nos partenaires des autres provinces qui nous étions. »
    Le ministre du Commerce extérieur a dit le 27 novembre « Les Québécois savent qui ils sont. Ils savent qu’ils ont participé à la fondation du Canada, qu’ils ont aidé à façonner le pays dans toute sa grandeur. Notre motion est importante pour l’ensemble des Canadiens parce que c’est un geste de réconciliation. C’est important de reconnaître que les Québécois ont réussi à préserver leur langue et leur culture unique tout en faisant partie de la fédération canadienne. » Et un peu plus loin, il ajoute : « Le présent débat porte seulement sur les Québécois en tant que nation, et non sur le Québec en tant que nation. La différence est énorme. »
    (Notons, en passant, que le Sénat a décidé le 28 novembre 2006, de ne pas se saisir de cette question. C’est pourquoi, il n’est pas juste de dire que ce serait le Canada ou « Parlement canadien » qui aurait adopté cette motion.)
    Il me semble donc que l’on peut déduire logiquement de ce qui précède que si, un jour, la Cour devait se prononcer sur la valeur juridique de cette motion elle se demanderait, comme elle le fait habituellement, ce qu’était l’intention du législateur. Or il faudrait ignorer toutes ces déclarations pour arriver la conclusion que c’est le Québec qui aurait été reconnu comme nation. Et en ce faisant on risquerait certaines désillusions.
    On se souviendra comment de nombreux citoyens ont soutenu, dans les années `80, que le Québec devrait utiliser plus fermement la menace de son droit de veto pour amener le Gouvernement fédéral et les autres provinces à reculer à propos de certaines initiatives fédérales. On se souviendra qu'après qu'il eut été invoqué officiellement par le Premier ministre du Québec à l’occasion de la conférences constitutionnelle de 1981, les cours ont statué que ce droit pouvait peut-être avoir eu un certain poids politique, mais qu’il n’avait pas d’existence juridique. Ce fut la dernière fois que l’on songea à utiliser ce supposé droit de veto.
    Je crains qu’il en soit ainsi à propos de la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes si on ne fait pas attention à ce qu’elle veut vraiment dire.

  • Alain Raby Répondre

    14 janvier 2013

    La motion sur la « nation québécoise »
    Henri Brun*
    Le 27 novembre [2006], la Chambre des communes du Parlement du Canada, sur proposition du premier ministre Stephen Harper, a voté la motion suivante: « Que cette Chambre reconnaisse que les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni. » En anglais: « [...] That the Québécois form a nation within a united Canada.1» Un certain nombre de questions se posent en ce qui concerne le sens et la portée de ce geste.
    Une motion
    Il faut bien comprendre, d'abord et avant tout, qu'une motion de la part d'une assemblée législative est un geste politique. À ce titre, elle n'a aucun effet contraignant. Ni les tribunaux ni les instances politiques, d'ici ou d'ailleurs, ne sont liés par elle. Il ne faut pas confondre le vote d'une motion avec l'adoption d'une loi et encore moins avec la modification de la Constitution.
    Par contre, rien n'interdit de penser qu'une telle motion pourrait, dans certaines circonstances, jouer un rôle accessoire. À la condition, bien sûr, qu'elle ait une teneur susceptible de provoquer un tel effet.
    Or la motion Harper a selon nous cette signification dans la mesure où elle reconnaît l'existence d'une nation plutôt que d'une «société distincte» ou encore d'une «culture unique», des expressions néologiques insondables.
    Une nation
    La nation ne connaît pas de définition proprement juridique mais elle est une notion bien établie, dont la charge potentielle est grande. À l'intérieur du Canada, elle nous renvoie aux peuples fondateurs de la fédération, dont l'un demeure largement concentré au Québec. À l'extérieur, elle évoque une possibilité de participation à ce qu'on appelle justement «le concert des nations».
    Dans le contexte d'une réforme du Sénat canadien, pour faire de celui-ci une chambre fédérative, il pourrait ainsi devenir plus difficile, pour le moins, de songer à attribuer au Québec le même nombre de sénateurs qu'à chacune des autres provinces et aux territoires. À l'occasion d'un forum international, la reconnaissance canadienne d'une nation québécoise pourrait de même favoriser l'octroi d'un droit de parole au Québec. Au moment d'interpréter une compétence québécoise, la Cour suprême pourrait aussi tenir accessoirement compte de ce que la Chambre des communes a reconnu l'existence d'une nation québécoise. La jurisprudence a bien reconnu que les tribunaux pouvaient se servir d'éléments de preuve extrinsèques, comme les débats parlementaires, aux fins de l'interprétation législative et même constitutionnelle.
    * Professeur à l'Université Laval. Ce texte a été publié à l’origine sous le titre « Nation québécoise- La motion Harper: peu mais tout de même pas rien » dans le journal Le Devoir, 2 décembre 2006, p. B-5. Les notes ont été ajoutées par la rédaction.
    1 Le texte intégral de cette motion ainsi que la motion adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 30 novembre 2006 en réponse à la motion de la Chambre des communes sont reproduites à la rubrique Documents du présent bulletin.
    Bulletin québécois de droit constitutionnel, numéro 2, hiver 2007, p. 32-33
    B.Q.D.C., no 2, hiver 2007, p. 32-33
    BRUN La motion sur la « nation québécoise » 33
    Les Québécois
    Selon la motion Harper, ce sont les Québécois qui forment une nation. Dans la version anglaise de la motion, le même mot « Québécois » est utilisé plutôt que « Quebeckers ». De cela, certains ont déduit que la nation reconnue était celle des seuls Québécois francophones.
    Nous pensons que tel n'est pas le cas. Le mot « Québécois », en langue française, désigne tous les habitants du Québec. Son utilisation, au sein d'une phrase anglaise, peut très bien signifier qu'on a tout simplement voulu employer la langue commune des Québécois pour nommer la nation québécoise plutôt que la langue maternelle d'une des minorités qui se trouvent au Québec. Et si le mot « Québécois » devait pouvoir receler un second sens dans le contexte de la version anglaise, il faudrait, selon les règles d'interprétation, retenir le sens non ambigu qu'il a dans la version française. Comme l'a bien dit M. Harper, il n'appartient pas au Parlement fédéral de définir la nation québécoise mais bien à l'Assemblée nationale. Or, pour cette dernière, sont Québécois toutes les personnes qui résident au Québec et qui se considèrent telles.
    Dans un Canada uni
    La motion Harper, de ce point de vue, ne fait que refléter l'état de fait actuel. Le Québec est toujours dans la fédération canadienne et la motion ne veut pas devoir s'appliquer à un Québec qui aurait quitté cette fédération.
    En appuyant cette motion, le Québec ne renonce par contre en rien à la possibilité que lui a reconnue la Cour suprême du Canada en 1998 de faire sécession du Canada2. L'exercice de ce pouvoir serait largement tributaire de reconnaissances internationales, lesquelles pourraient se trouver incitées par le fait que le Canada a reconnu que les Québécois formaient déjà une nation au sein du Canada. Et le Canada lui-même pourrait difficilement prétendre que la collectivité qu'il a reconnue comme nation dans le Canada a cessé de l'être parce qu'elle a choisi de devenir souveraine.
    Bref, cette motion Harper est un geste symbolique sans contre-indication, susceptible néanmoins de quelques effets concrets. Elle est peu de chose, mais elle n'est pas rien.

  • Georges Paquet Répondre

    13 janvier 2013

    La définition du terme "Québécois" adoptée sans réserve par tous les députés à la Chambre des communes le 27 novembre 2007 s'applique à tous les canadiens-français, quelque soit l'endroit où ils habitent au Canada. Je n'exprime pas ici un souhait une opinion. Ce sont les députés qui en ont décidé ainsi. Le Hansard de cette époque le démontre incontestablement.

  • Alain Raby Répondre

    12 janvier 2013

    Cette reconnaissance de la nation québécoise s'avérera importante dans l'avenir. Sans une reconnaissance de d'autres nations, il ne sera pas possible d'obtenir un siège au Nations-Unies. Il est intéressant que cette reconnaissance officielle nous vienne du Canada lui-même. Alors donc, il n'est, d'ores et déjà, plus gênant du tout pour les autres pays de reconnaître semblablement la nation québécoise.
    Je dis que c'est une formidable avancée. Il ne dépend que du Québec lui-même de lui donner tout son sens et de s'en servir pour préparer d'autres reconnaissances internationales qui seront si précieuses le moment venu.
    Je trouve cynique les Québécois qui cherchent à minimiser cet évènement politique significatif. Quant au gouvernement conservateur et autres partis fédéralistes qui appuyèrent cette politique dans le but peut-être différent de calmer la montée du sentiment indépendantiste, il sera sans doute dit un jour: "Fut pris qui croyait prendre."

  • Archives de Vigile Répondre

    12 janvier 2013

    Cette reconnaissance de la nation québécoise, cela ne veut rien dire du tout: Ce n'est qu'un autre somnifère, comme il il y en a tant eu depuis la Conquête anglaise, pour conforter les Québécois dans leur situation d'asservis, en leur donnant encore l'illusion d'un progrès et d'une amélioration de leur état: Juste un leurre! Encore une fois! Comme toujours depuis la Conquête! Et pendant ce temps-là, l'animal continue de s'en aller inexorablement à l'abattoir en ayant l'impression de s'en aller dans des champs verdoyants.