Depuis la menace de renversement du gouvernement Harper par une coalition PLC-NPD avec l'appui du Bloc québécois, tous les ministres conservateurs, y compris les représentants du Québec et le premier ministre, adoptent un discours très agressif à l'égard de ceux qu'on appelle les «séparatistes». Derrière ces attaques ressort au grand jour un mépris jusqu'ici retenu de l'ancien allianciste canadien à l'égard des aspirations légitimes et démocratiques des francophones québécois.
La frustration est telle au sein du gouvernement conservateur que tous les coups sont permis pour s'attirer les faveurs de l'opinion publique canadienne-anglaise. Tant dans leur publicité qu'en Chambre, les députés conservateurs ont perdu tout sens de la retenue, au point d'accuser du même souffle les libéraux de trahir leur pays et les bloquistes de trahir leur idéal. Il se dégage de l'approche conservatrice des effluves de haine pure à l'endroit des maudits «séparatisss» qui font le choix du Québec avant celui du Canada comme nation pour protéger leur culture et leur identité.
Lorsque les députés conservateurs et le premier ministre se lèvent en Chambre pour accuser la coalition PLC-NPD de remettre son sort entre les mains d'un parti qui ne vise qu'à détruire le Canada, ils commettent une triple faute: d'abord d'ignorer l'apport constructif des députés du Bloc aux débats démocratiques qui ont eu lieu à Ottawa depuis plus de dix-huit ans; ensuite de ne pas reconnaître que tous les partis fédéralistes, y compris le Parti conservateur, ont déjà conclu des ententes formelles et informelles avec le Bloc dans l'intérêt du travail parlementaire; enfin, que la présence des députés du Bloc à Ottawa est aussi légitime et respectable que celle de n'importe quel autre député.
Au cours de son premier mandat à la tête d'un gouvernement minoritaire, Stephen Harper s'est efforcé de faire oublier les propos radicaux qu'il avait tenus par le passé à l'endroit des nationalistes québécois. À l'écouter depuis le début de cette crise de crédibilité qui accable son gouvernement sur le point d'être renversé, dans quatre jours ou quatre semaines, ces efforts ont été ensevelis sous un flot de hargne qui donne raison aux millions de Québécois de ne pas lui avoir servi un mandat majoritaire sur un plateau d'argent.
Les conservateurs ont-ils déjà oublié qu'ils n'ont fait élire qu'une poignée de députés au Québec lors des deux dernières élections, alors que le Bloc a remporté la majorité des sièges? Que les Québécois aient élu des députés du Bloc au lieu des députés conservateurs, ce n'est pas un hasard: c'est qu'ils ont jugé, en leur âme et conscience, que ce parti était mieux placé pour défendre leurs intérêts au sein de la fédération. Cela dit, le Bloc n'a pas reçu le mandat de faire l'indépendance à Ottawa et son appui à la coalition ne vise surtout pas cet objectif. En fait, celui qui contribue le plus à soulever les passions destructrices et l'ire des francophones à l'heure actuelle, c'est Stephen Harper et non Gilles Duceppe!
Ce qui se passe depuis quelques jours aux Communes confirme l'interprétation négative faite de l'énoncé économique, la semaine dernière. Celui qui s'est présenté pendant la dernière campagne électorale comme un homme d'ouverture se révèle être un politicien vengeur, et depuis mardi, le chef d'un parti de pyromanes. Ce climat, ce n'est ni le Bloc, ni le NPD, ni les libéraux qui en sont responsables, mais celui-là même qui, à la tête d'un gouvernement minoritaire, aurait dû faire preuve de retenue, d'ouverture et de jugement en cette période de crise qui secoue le pays: Stephen Harper.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
Crise politique
Harper, le pyromane
Derrière ces attaques ressort au grand jour un mépris jusqu'ici retenu de l'ancien allianciste canadien à l'égard des aspirations légitimes et démocratiques des francophones québécois.
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