Un peu à l’image du conte transcrit par les frères Grimm, le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, semblait avoir réussi à envoûter les Québécois durant la présente campagne électorale. Comme les Canadians, ils paraissaient charmés et déterminés à contribuer à lui donner une majorité de députés.
Certains politologues parlent d’un « effet téflon », lorsqu’il est question d’expliquer qu’un candidat parvient à se maintenir en tête des intentions de vote, malgré des politiques totalement étrangères à l’électorat courtisé. Allouer 30 milliards de dollars au secteur militaire, bafouer l’accord de Kyoto et chercher à donner des droits au fœtus afin de diminuer astucieusement celui des femmes, auraient dû en effet soulever l’indignation des Québécois. Ces derniers ont pourtant, jusqu’à tout récemment, salué machinalement le « courage » du premier ministre sortant, puisqu’il « fait ce qu’il dit. » Serait-ce grâce au concours des médias qu’environ 23% des Québécois répètent encore béatement ce slogan? Comment expliquer cette aberrante approbation?
Rien ne semblait donc perturber la marche des électeurs du Québec vers la grotte conservatrice, le 14 octobre prochain. Il aura donc fallu l’intervention de non-élus pour secouer les Québécois, ensorcelés on ne sait trop encore par quelle magie! Il ne fait pas de doute que la diffusion d’une vidéo dénonçant les compressions conservatrices dans la culture a conjuré le sort qui menait le Québec à sa perte. Stephen Harper est un Canadian dont le mode de gouvernance heurte de plein fouet les choix de société qui caractérisent les Québécois. Venant de la bouche du Bloc québécois, ce message faisait ringard. Mais diffusé par des artistes francophones, il a paru tout-à-coup criant de vérité.
Il est rare qu’un scrutin général laisse voir pareil revirement. Habituellement, le meneur d’une campagne électorale qui jouit d’une protection en téflon, arrive le premier au fil d’arrivée sans trop de difficulté. Ses faux pas et ceux des membres de son équipe, sont extraordinairement sans effet sur l’électorat qui continue de l’appuyer contre toutes logiques. Ainsi, Stephen Harper aurait pu qualifier sa victoire sur les troupes de Gilles Duceppe d’acte de foi québécois, envers son Canada. Trop tard alors pour plusieurs électeurs qui ont boudé la formation souverainiste, de fuir la caverne conservatrice.
Deux semaines environ séparent encore les électeurs des urnes. Il y a donc encore loin de la coupe aux lèvres pour les bloquistes. Ceux-ci affrontent une formidable machine fédéraliste sans pitié. Cette fois, ce sont les artistes québécois qui sont allés au front pour les aider. Il faut applaudir ce sauvetage. Même Jean Charest est forcé d’ajouter son grain de sel dans le scrutin fédéral, apeuré à la vue de cette résistance citoyenne qui prend forme. Le premier ministre du Québec ne peut effectivement laisser le mouvement souverainiste récupérer à son compte cette opposition grandissante.
Ne reste donc que les fidèles de Mario Dumont qui prêtent encore ouïe à la cacophonie conservatrice. À la vue du résultat de l’élection partielle québécoise tenue lundi dernier dans la circonscription de Jean-Talon, un comté situé en plein cœur de la Capitale nationale, l’appui ouvert de l’ADQ envers le Parti conservateur ne semble pas lui profiter. Le candidat adéquiste a en effet terminé troisième, avec moins de 5% des intentions de vote. Est-ce là également un signe que les Québécois réalisent peu à peu que Stephen Harper leur tend un piège canadian?
Les souverainistes ne doivent pas pavoiser trop fort en observant les appuis du PCC retraiter au Québec. Le Parti libéral de Jean Charest s’avère effectivement le premier choix de plus de 40% des Québécois, selon les derniers sondages. Il peut même rêver de former un gouvernement majoritaire. Les tergiversations souverainistes du Parti québécois n’aident donc pas la cause de ceux qui croient au projet de pays. Ainsi, le refus des Québécois de voter majoritairement pour les conservateurs de Stephen Harper sera interprété, au lendemain du scrutin, comme une opposition nationaliste et non indépendantiste. Ce que Gilles Duceppe ne pourra nier, lui qui a courtisé les fédéralistes du Québec durant la présente campagne.
Les Québécois auront tout de même finalement exprimé un bémol, face à la mélodie canadian claironnée par Stephen Harper. Ils préfèrent encore un parti souverainiste pour défendre les intérêts du Québec à Ottawa. Malheureusement, à l’Assemblée nationale, le tintamarre péquiste au sujet de leur article 1 ne séduit pas les oreilles de ceux qui souhaitent pourtant que le Québec se développe dans l’harmonie. La maestro qui dirige le PQ devra rapidement accorder les instruments qui sont à sa disposition, car elle risque de faire face à la musique plus vite qu’elle ne le pense…
Patrice Boileau
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