LIBRE-ÉCHANGE

Harper ajoute à l’inquiétude des agriculteurs

Ottawa dit vouloir protéger le système de gestion de l’offre, mais il juge «essentiel» pour le Canada d’être partie prenante du Partenariat transpacifique

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Les agriculteurs vont être sacrifiés sur l'autel du libre-échange

Les agriculteurs québécois sont inquiets quant à l’avenir du système de gestion de l’offre advenant la signature du Partenariat transpacifique (PTP). Les nouveaux pouvoirs de négociation du président américain et les derniers échos émanant d’Ottawa n’ont rien pour les rassurer.

De passage à Québec, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a ajouté à ce sentiment d’insécurité, jeudi, en semblant accorder plus d’importance à la place du Canada au sein d’un éventuel accord commercial qu’à la protection du système qui prévaut au pays dans les secteurs du lait, de la volaille et des oeufs. « Nous tâchons de protéger notre système de gestion de l’offre et nos fermiers des autres secteurs. Dans toutes ses négociations, le Canada fait de son mieux pour agir dans le meilleur intérêt de tous nos secteurs [économiques] », a-t-il déclaré dans les deux langues officielles.

À propos du PTP, il a dit toutefois : « Je crois que ces négociations vont établir ce qui va devenir les bases du commerce international en Asie-Pacifique. Il est essentiel, de mon point de vue, que le Canada en fasse partie. »

Cette déclaration se voulait une réponse à des articles du Globe and Mail citant des sources anonymes au sein de la fonction publique et du Parti conservateur. On y disait que le gouvernement tenait tellement à faire partie de l’éventuel accord commercial qu’il était prêt à faire des concessions capables de « déstabiliser » le système de gestion de l’offre et à en payer le prix politique dans les circonscriptions rurales susceptibles d’être le plus affectées au Québec et dans le nord de l’Ontario.

Accélération des négociations

Ses informations arrivent alors que le président américain, Barack Obama, a finalement obtenu du Congrès, mercredi, des pouvoirs accrus de négociation susceptibles d’accélérer considérablement le rythme des discussions sur le PTP.

Il est généralement admis que les deux principaux acteurs des négociations, les États-Unis et le Japon, mais aussi des pays exportateurs comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, exercent de fortes de pression afin que le Canada libéralise son secteur agricole.

Le premier ministre canadien, Stephen Harper, avait déjà dit à ce sujet, en mars, que les négociations du PTP le plaçaient « devant des choix difficiles » et que « le Canada ne peut, seul, empêcher un accord qui lui déplaît ».

Officiellement, Ottawa a toujours dit que sa protection du système de gestion de l’offre ne l’avait jamais empêché de conclure tous les traités de libre-échange qu’il a voulus. Sa dernière entente avec l’Union européenne l’a tout de même forcé à accorder plus de quotas d’importation de fromages européens.

S’appliquant à 40 % de l’agriculture québécoise, mais très important aussi en Ontario et en Nouvelle-Écosse, le système de gestion de l’offre repose sur des tarifs commerciaux suffisamment élevés pour opposer aux importations étrangères une barrière infranchissable protégeant un marché intérieur où les producteurs sont soumis à des quotas et un contrôle des prix.

Appel à Philippe Couillard

Volant à la défense de leurs agriculteurs, le ministre de l’Agriculture du Québec, Pierre Paradis, et son homologue ontarien, Jeff Leal, ont pressé le mois dernier Ottawa d’offrir plus de garanties.

Les agriculteurs québécois jugent la situation si grave qu’ils en appellent aujourd’hui au premier ministre du Québec. « On demande maintenant que ce soit M. Couillard qui fasse des démarches auprès de M. Harper, a déclaré jeudi au Devoir le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA). La seule chose qu’on peut faire, c’est de maintenir la pression sur le gouvernement canadien. Et notre meilleur allié pour faire cela est le gouvernement du Québec. »

Une petite fenêtre

Grand défenseur du PTP, le président de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, Éric Tétrault, se dit néanmoins sympathique à la cause des agriculteurs québécois. Il ne voit pas d’objection à ce que le Canada défende bec et ongles leurs intérêts, quitte à retarder la conclusion d’une entente. « Mais à un moment donné, il va falloir y aller et signer », a-t-il déclaré au Devoir.

Se disant d’accord avec Stephen Harper sur la nécessité absolue de faire partie de cette entente, il craint qu’à trop attendre, on s’y fasse rattraper par la logique électorale américaine et canadienne et que tout capote. « On a une fenêtre, mais elle ne restera pas ouverte longtemps. »


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