L’agitation créée, au Québec, jusqu’au plus haut sommet de l’État autour du cas de l’imam Hamza Chaoui, ancien étudiant en génie reconverti dans la prédication islamiste radicale, illustre bien la situation intenable dans laquelle sont placées les démocraties occidentales face au climat délétère généré, sur leurs territoires, par la montée de la violence islamiste. Sommes-nous condamnés à répondre avec une politesse excessive à cette folie meurtrière?
Ne tournons pas autour du pot. Allons à l’essentiel. Nos décideurs sont dépassés par l’ampleur et la complexité des défis auxquels nous faisons face collectivement. C’est cette incompréhension des tensions à l’œuvre, quelquefois par ignorance ou encore par lâcheté, qui les incitent à adopter des postures à court terme. Ce qui me laisse malheureusement sceptique sur le devenir de notre « vivre-ensemble ».
L’intégrisme, la radicalisation: un choix PERSONNEL
Notre premier ministre ne sait plus sur quel pied danser face à ce mal qui torpille le monde de bout en bout et qu’il relègue à un simple « choix personnel ». Devenir djihadiste, c’est un peu comme choisir sa pizza, finalement. C’est un « choix personnel ». Point. Pepperoni avec ça ? Un peu plus de champignons ? Il faut savoir lire entre les lignes pour bien saisir la portée des propos de Philippe Couillard qui a trouvé dans cette « astuce sémantique» une façon polie de nous dire que l’État ne peut rien face aux intégrismes religieux. Histoire de nous préparer a fortiori à la seule attitude convenable à ses yeux : la démission des pouvoirs publics.
Si l’État s’immisce dans l’intimité des chambres à coucher pour réprimer le viol et la violence conjugale entre autres choses, on ne comprend pas très bien au nom de quoi notre premier ministre justifie sa léthargie lorsque vient le moment de réagir face à une préoccupation planétaire telle l’islam radical.
Sa ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, a affiché une forte réprobation face à la rhétorique du prédicateur d’origine marocaine qu’elle a qualifié de «dangereuse», invoquant l’égalité entre les femmes et les hommes. Très bien. Cependant cette même ministre n’hésite pas à consulter une militante islamiste favorable à la charia, Samira Laouni, afin de déterminer les orientations de l’État dans la lutte à la radicalisation. À l’évidence, ce qui vaut pour Chaoui ne vaut pas pour Laouni. Tant pis, notre gouvernement n’est pas à une incohérence près.
Le maire de Montréal, Denis Coderre, qui flirte ouvertement avec les dirigeants religieux, pratiquement tous masculins, s’est soudainement souvenu qu’il fallait « un équilibre nécessaire entre l’ouverture et la vigilance ». Alors, il a décidé de bomber un peu le torse face à Chaoui et de lui fermer le clapet en se réfugiant dans un obscur règlement municipal. Cette réponse de nos décideurs aussi décousue qu’improvisée reflète une tendance que j’ai observée aux quatre coins du monde. Une trop grande tolérance face à la haine et à la terreur et puis soudainement un semblant de réveil suivi d’un cafouillage annoncé.
Des imams de la discorde
Tout ce beau monde feint d’oublier que nous comptons sur notre territoire des dizaines et des dizaines de prédicateurs à l’image de l’imam Chaoui. J’ai le souvenir d’un imam qui traite les femmes non mariées dans la vingtaine « de souillure » pour la communauté musulmane. Qui s’en préoccupe ? Il suffit de faire un tour sur la toile pour s’en convaincre. Certains imams prêchent en arabe alors que d’autres excellent en français. À noter que la traduction de leur propos en français ne correspond pas toujours à leur virulence en arabe. Qu’importe, les islamistes sont les champions du double langage, de l’internet et de la ruse. Alors ils jouent, se moquent de nous et de notre démocratie.
Dans certains cas, ces imams ne font rien d’autre que la lecture du Coran avec sa propension détestable à multiplier les appels au djihad et au meurtre des infidèles. Dans d’autres, ils développent une vision totalisante et totalitaire de l’islam pour régir simultanément les domaines du sacré, du politique, du juridique, de l’éthique et du sociétal.
Bien entendu, l’islam n’est pas un bloc. On ne peut le réduire à une lecture univoque et littéraliste, quand son histoire est faite d’alternance entre des périodes d’ouverture et de fermeture. Surtout, il n’a pas le monopole de la violence. Les panthéons des religions monothéistes sont remplis de dieux de la guerre. Sauf qu’à notre ère, l’islam est utilisé comme vecteur principal de légitimation de la violence. Et c’est cela qu’il ne faut pas perdre de vue.
Puisqu’il faut aller au fond du débat, allons-y. J’avoue que ce ne sont pas les propos terrifiants de Hamza Chaoui que je crains. Je suis en mesure de vivre avec ses crachats de haine. Qu’il les éructe et qu’on en finisse, pourrait-on croire! Ce qui me préoccupe davantage dans le contexte actuel où des dessinateurs ont été assassinés pour avoir le droit de rire de tout, ce sont les conséquences que peuvent avoir de tels propos. Comment ne pas penser que toute cette violence verbale véhiculée par le corpus coranique ne se transformera pas en une folie meurtrière ? Alors comment l’éviter ? De quelle façon l’arrêter ?
La démocratie: une volonté à la fois si forte et si vulnérable
Au lieu d’emprunter des raccourcis dangereux qui occultent les vrais enjeux, des questions de fond doivent retenir notre attention. Face à ces fauteurs de haine, l’État peut-il quelque chose? L’État doit-il prendre des mesures concrètes? Est-il encore temps ? Et si tel est le cas, comment le faire? Au nom de quels principes et de quelles valeurs peut-on lutter contre l’islam radical?
Il ne s’agit pas de devenir un État de non droit. Il n’est pas question d’interdire la parole d’un imam parce qu’il a tenu des propos désobligeants et inappropriés à l’égard d’une catégorie particulière de la population. Non, non, non. Dans une démocratie, la parole doit rester libre. Celle de Chaoui aussi. Elle a été retreinte pour les mauvaises raisons. Car nos politiciens refusent de nommer le mal et de le traiter à la source.
Notre seule urgence doit être de convenir que la démocratie est une volonté – à la fois si forte et si vulnérable – qu’il importe de la défendre et de la renouveler.
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Crédit photo: Getty images.
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