Grèce : Tsipras veut le retrait du plan « absurde » de ses créanciers

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Le grand écart

« Aucun député grec ne peut voter en faveur de ces mesures. » Alexis Tsipras a ouvert, vendredi 5 juin au soir, par une fin de non-recevoir la discussion au Parlement grec sur la proposition d’accord des créanciers présentée le 2 juin à son gouvernement.
Dans un discours d’une demi-heure seulement, le premier ministre a avoué « sa surprise » devant la proposition portée par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, mardi soir. « Je n’aurais jamais pensé qu’ils nous présenteraient un texte ne reprenant aucun point des négociations de ces quatre derniers mois. »
Alexis Tsipras voit dans cette proposition « un mauvais moment pour l’Europe » et dénonce le manque « d’éthique » de la stratégie d’étranglement financier choisie par les responsables européens pour pousser la Grèce à un compromis, bien loin de composer un « accord d’intérêt mutuel », mais traduisant « une volonté d’humilier et de faire plier un peuple ».
En en appelant à la « dignité » des Grecs, il a rappelé ses propres propositions pour sortir de la crise, insistant sur une baisse de l’excédent primaire (hors charge de la dette), sur la résolution de la question de la viabilité de la dette et se refusant catégoriquement à diminuer les retraites ou à augmenter de 10 points la TVA dans le secteur de l’énergie électrique. Soit le corpus même de la proposition des créanciers.
Et pour mieux montrer sa détermination et sa fermeté, le premier ministre a annoncé la présentation au Parlement dans les tout prochains jours d’un projet de loi pour le rétablissement des conventions collectives. C’était l’une des mesures phares annoncées lors de sa campagne électorale, mais qu’il avait choisi de ne pas mener à terme tant que duraient les négociations. Une annonce très applaudie par les bancs des députés de son parti de la gauche radicale, la Syriza.
« Vous n’avez pas négocié »
Devant l’ensemble de ses ministres et d’un Parlement rempli à craquer, Alexis Tsipras a sommé les partis d’opposition de choisir leur camp. « Je veux entendre l’avis de l’opposition », a-t-il ainsi déclaré. « Auriez-vous accepté cette proposition ou allez-vous, comme nous, vous élevez contre ? »
La réponse, cinglante, de l’ancien premier ministre conservateur (Nouvelle Démocratie) Antonis Samaras ne s’est pas fait attendre. « Vous n’avez pas négocié. Les créanciers vous demandent des efforts trois fois supérieurs à ce qu’ils nous demandaient et nous conduisent tout droit à un nouveau mémorandum. »
Stavros Theodorakis, le président du parti de centre gauche To Potami (« La Rivière ») a contesté « la stratégie de négociation » du gouvernement, évoquant « une perte de temps catastrophique pour le pays » et accusant « une partie de la Syriza d’être antieuropéenne » et de vouloir en finir avec la zone euro. « A vous de clarifier votre position avec votre opposition interne. » Quand la moitié de « votre parti veut sortir de la zone euro, ce n’est plus du pluralisme » mais un danger pour le pays, a déclaré M. Theodorakis.
Tsipras ne renonce pas à un accord
Le discours du premier ministre, à la tonalité offensive, s’adressait avant tout au peuple grec d’une part — dont Alexis Tsipras affirme qu’il lui demande de « ne pas céder au chantage des créanciers » — mais aussi et surtout à sa propre majorité parlementaire, vent debout depuis quarante-huit heures.
En choisissant de regrouper au 30 juin le paiement des 1,6 milliard d’euros dus au FMI,que la Grèce devait normalement payer en quatre tranches à partir d’aujourd’hui, Alexis Tsipras a gagné quelques semaines supplémentaires de négociation. La preuve pour lui de la volonté de son gouvernement « d’arriver à un accord définitif » qui permettra d’en finir avec « l’incertitude et les rumeurs de sortie de la Grèce de la zone euro ». M. Tsipras affirme « ne pas se fixer de limite dans le temps pour mener à terme ces négociations ».
Pris en étau entre des créanciers peu disposés à aller plus loin dans le compromis et une majorité parlementaire réclamant désormais ouvertement la rupture, Alexis Tsipras a vendredi soir tenté d’inviter les partis d’opposition à l’unité nationale, tout en se posant en garant des « lignes rouges » martelées par son gouvernement depuis deux mois. Un grand écart qui montre avant tout à quel point il est devenu à tout gouvernement grec, celui-ci comme le précédent, d’arriver à faire adopter au Parlement de nouvelles mesures d’austérité.


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