Polémia continue son tour d’Europe du Grand Remplacement. Après avoir étudié l’emblématique cas de la Suède puis l’inquiétante submersion démographique de la Belgique, l’espoir d’une réaction politique au Danemark, le désastre multiculturel britannique et enfin le suicide de l’Allemagne… c’est au tour de l’Autriche d’être étudiée par Paul Tormenen. La situation y est compliquée mais les dirigeants de ce pays tentent d’éviter le pire !
Polémia
L’immigration en Autriche a pris ces dernières décennies,comme dans d’autres pays européens, une ampleur inégalée. La transformation rapide et profonde du pays a contribué à amener au pouvoir en 2017 une coalition résolue à donner une nouvelle orientation à la politique migratoire. Bien que le gouvernement dirigé par le chancelier Kurz ait mis un terme anticipé à son mandat, ses premières mesures ont tranché avec le laxisme des gouvernements précédents.
L’immigration en Autriche : une ampleur inégalée dans les dernières années
L’Autriche a connu au cours du 20e siècle plusieurs vagues migratoires. La répression politique et la pauvreté dans les anciens pays communistes d’Europe de l’est ont fait affluer près de 180 000 hongrois en 1956, 162 000 Tchèques et Slovaques en 1968 et 33 000 Polonais en 1981. La guerre lors de la dislocation de la Yougoslavie a également amené dans les années 1990 de nombreux réfugiés dans le pays (1).
Mais c’est à partir des années 1970 que l’immigration a décollé, le nombre de ressortissants étrangers passant de 326 000 en 1978 à 713 000 en 1994. Dans les années 2000, le nombre d’étrangers arrivant chaque année dans le pays a continué à augmenter, passant de 82 000 en 2006 à un pic en 2015, avec 198 000 arrivées (2). Un nombre à rapprocher à la population totale de l’Autriche, 8,2 millions (3).
L’immigration nette (immigration moins émigration) est excédentaire en moyenne de 77 000 personnes par an dans la période 1998-2017.
La proportion d’habitants en Autriche nés à l’étranger est en augmentation croissante : elle est passée de 9,7 %en 2007 à 16,2 %en 2019 (4).Le gouvernement évalue à 22,8 % la population issue de l’immigration (5). Le nombre total d’étrangers est passé de 804 000 en 2007 à 1,395 millions en 2017. Ceci bien que sur le période 2006-2016, la nationalité autrichienne ait été accordée à 1,3 millions de personnes (6).
Une immigration diverse
En dépit de l’importance de l’immigration intra-européenne des années 50 aux années 80, la population étrangère dans le pays est majoritairement non-européenne (à 61%) (7). La population musulmane en Autriche est estimée à environ 700 000 personnes (8).L’Institut démographique de Vienne (I.D.V.) a publié en 2017 un rapport qui met notamment en avant le doublement de la population musulmane de 2001 à 2016. Selon différentes projections réalisées par l’I.D.V., la population musulmane pourrait représenter entre 12 et 30 % de la population totale à l’horizon 2046. Dans cette dernière hypothèse, l’islam serait la religion la plus pratiquée dans la capitale Vienne (9). La politique migratoire choisie par le gouvernement présent et à venir, favorisant soit la mobilité européenne soit la « diversité », est pour les chercheurs de l’I.D.V. un facteur déterminant de l’évolution de la population du pays.
La crise de 2015 subie de plein fouet en Autriche
En raison de sa position géographique, l’Autriche a subi de plein fouet la crise des migrants en 2015. Le pays a été exposé non seulement à l’afflux de migrants venant d’Italie mais surtout de ladite « route des Balkans » (passant par la Turquie, la Grèce, la Macédoine et la Hongrie). Sur la seule année 2015, près d’un million de clandestins ont transité dans le pays. 90 000 y ont déposé une demande d’asile (10).Parmi eux, de nombreux étrangers se sont déclarés mineurs pour se prémunir contre une expulsion. En avril 2017, le ministre de l’intérieur autrichien estimait que près de 40 % des migrants se déclarant mineurs avaient mentis (11).
Le Ministre des affaires étrangères de l’époque, Sébastien Kurz, a fortement critiqué la chancelière allemande pour l’appel d’air qu’elle a provoqué en Europe en ouvrant les frontières de l’Allemagne. Au sein du gouvernement, il ne s’est pas contenté de paroles. Le gouvernement autrichien a fermé en 2016 la route des Balkans. Cette mesure a permis de réduire considérablement les arrivées par cet itinéraire (12). La même année, l’Autriche annonçait qu’elle diminuait de moitié le nombre de migrants accueillis (13).
Une intégration difficile
Plusieurs indicateurs montrent une intégration difficile d’une partie des étrangers dans la société autrichienne :
- Les étrangers sont sur-représentés parmi les personnes condamnées pour des délits de droit commun (32,3 % en 2017) (14) et parmi les personnes suspectées de viol (15).
- Tout en distinguant les migrants récemment arrivés des étrangers présents depuis plus longtemps sur le territoire, un ancien membre du parlement indiquait en début d’année, que « dans les zones à problèmes, des pères viennois donnent un voile à leurs filles afin qu’elles ne soient pas harcelées » (16).
- A l’occasion de la présentation d’un plan pour « plus de sécurité pour les femmes », la Ministre de l’intégration, Karoline Edtstadler, déclarait en janvier 2019 : « Les flux migratoires de ces dernières années nous ont aussi importés des opinions comme l’antisémitisme, l’islamisme radical et, associé à cela, une image des femmes que nous rejetons clairement et qui n’a rien à voir avec nos valeurs. Je dis que c’est plus que cela, c’est associé à une dévaluation complète de la femme » (17).
- Sur le marché du travail, les étrangers ont un taux de chômage (10 %) qui est plus du double de celui des Autrichiens (4,2 %) (18).
- Les étrangers constituent près de la moitié des bénéficiaires du revenu minimum d’assistance, un tiers étant des réfugiés (19). On constate donc une sur-représentation des étrangers, eu égard à leur poids dans la population, tant dans les chiffres de la délinquance, du chômage que de l’assistanat.
De l’islam à l’islamisme politique
Des signaux plus ou moins récents attestent de la difficile acculturation d’une partie de la population musulmane :
- En 2011, une ressortissante autrichienne était attaquée en justice et condamnée pour des allégations de propos diffamatoires et insultants envers l’islam. Après de multiples rebondissements, la Cour européenne des droits de l’homme a validé fin 2018 la décision de la justice autrichienne. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir des propos tenus, cette décision fait jurisprudence en réintroduisant le délit de blasphème et en réduisant la liberté d’expression (20).
- Une enseignante d’une école à Vienne, Susanne Wiesinger, témoigne, dans un livre publié récemment intitulé Combat culturel dans les classes, de l’islam qui s’invite parfois trop souvent à l’école. Trop d’élèves à intégrer, un poids trop important de l’islam chez les nouveaux arrivants, déplore l’adhérente d’un syndicat marqué à gauche. « Quelque chose se développe dans une direction qui n’est pas saine pour la société » affirme-t-elle (21). Un témoignage politiquement incorrect qui lui a valu l’opprobre de son entourage.
- Le cardinal archevêque de Vienne indiquait fin 2018 qu’« une relation détendue avec l’islam est devenue difficile en raison de l’évolution démographique. (…) Les voix islamiques pour dire que l’Europe est un fruit mûr pour l’islam ne manquent pas ». (22).
- A l’occasion de la présentation d’un rapport rendu public en 2018, le Directeur général de la sécurité publique estimait que la plus grande menace pour la sécurité intérieure de l’Autriche est l’extrémisme islamiste (23). Des organisations salafistes sont suspectées de faire du prosélytisme dans différentes villes du pays. Les autorités autrichiennes ont été amenées à interdire la distribution de corans en public (24).
- En juin 2018, le gouvernement autrichien annonçait la fermeture de sept lieux de culte où un islam radical était prêché et l’expulsion de dizaines de prédicateurs radicaux (25).
Un tournant politique en 2017
C’est dans ce contexte que le parti conservateur OVP et le parti populiste FPO ont mené à l’automne 2017 une campagne électorale centrée notamment sur l’identité, la sécurité et l’immigration. Des thèmes qui ont rallié la majorité des suffrages des électeurs. En décembre 2017, la coalition des deux partis accédait au pouvoir en Autriche, avec à sa tête Sébastian Kurz. Le nouveau chancelier avait déjà montré dans les années précédentes sa détermination au Ministère de l’intégration, des affaires européennes et internationales. Il a ainsi fait interdire le port de la burqa en public, il s’est opposé aux quotas de migrants voulus par certains pays européens (Allemagne, France, etc.), il a imposé un « contrat d’intégration » aux immigrés arrivant dans le pays, comprenant une éducation aux valeurs du pays et un enseignement obligatoire de l’allemand. Ladite « loi islamique » qui régissait le statut des musulmans en Autriche depuis plus d’un siècle a été modifiée. Les nouvelles dispositions prévoient que la loi autrichienne prime sur la charia et que la collecte de fonds pour les « besoins religieux » se fait impérativement dans le pays (26).
La feuille de route du nouveau gouvernement pour le mandat 2017-2022 a été formalisée dans un document de 192 pages (27).Ce programme prévoit notamment la lutte contre l’immigration clandestine, l’accélération des procédures d’asile,le combat contre l’islam politique et un renforcement de l’apprentissage de l’allemand (28).La liste des mesures qui ont été annoncées à la presse depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition OVP-FPO est impressionnante. Parmi celles-ci, on peut citer :
En matière d’asile :
- La création de centres de rétention pour les demandeurs d’asile considérés comme dangereux (29).
- Le changement de nom des centres d’accueil de migrants, rebaptisés « centres de départ » (30).
- Le refoulement à la frontière des migrants ayant menti sur leur nationalité (31).
- Le refus systématique des demandes d’asile des migrants arrivant en Europe avec l’aide de passeurs, ceci afin de mettre un terme à leur business florissant et cynique (32).
- La possibilité de confiscation des biens des demandeurs d’asile jusqu’à 840 euros pour couvrir les frais de procédure (33).
En matière d’immigration et d’intégration :
- L’expulsion des migrants, y compris les mineurs, ayant commis un délit (34),
- La baisse du revenu minimum pour les ressortissants étrangers et sa mise sous condition à la maîtrise de l’allemand (35),
- L’interdiction du port du voile en maternelle et en primaire, afin selon le chancelier autrichien de permettre aux jeunes filles « de pouvoir s’intégrer et évoluer librement » (36),
- La création d’une « unité de protection des frontières » pour faire face à l’arrivée de migrants, « afin d’assurer une gestion ordonnée des frontières » selon le Ministre de l’intérieur (37).
Sans surprise, l’Autriche n’a pas signé fin 2018 le pacte de Marrakech sur les migrations. Le chancelier Kurz a justifié cette décision par le refus d’un « nouveau droit international contraignant ou interprété comme tel » (38).
Les résultats de la politique ferme du gouvernement ne se sont pas faits attendre : dès le mois d’octobre 2018, le ministre de l’intérieur annonçait un nombre d’arrivées de migrants en chute libre et envisageait la fermeture de 7 centres de demandeurs d’asile. Ce qui selon les services du ministre ferait économiser 12 millions d’euros aux contribuables (39). Une tendance radicalement opposée à celle de la France où les centres d’accueil de clandestins et de demandeurs d’asile ne cessent d’ouvrir sur le territoire (40).
On comprend dans ces conditions que le gouvernement Kurz n’a pas bénéficié d’une bonne presse dans certains pays d’Europe de l’ouest. D’autant que l’alliance de gouvernement entre le parti conservateur OVP et le parti populiste FPO, largement critiquée, s’est traduite par un chômage et une immigration en baisse, une économie en expansion et des sondages favorables (41).
Dans ce contexte, le coup-monté en mai dernier visant à impliquer le vice-chancelier autrichien Heinz Christian Strache(FPO) dans des tractations officieuses avec la pseudo-nièce d’un oligarque russe, abondamment révélées par les médias avec force vidéo cachée, ont été du pain béni pour les opposants au gouvernement. Ils ont pu à cette occasion tirer à boulet rouge non seulement sur les partis de la coalition, mais également sur les partis populistes européens en général (42). Suite à la démission du vice chancelier, le gouvernement dirigé par le chancelier Kurz a été démis par le Parlement et un gouvernement de transition nommé.
Les prochaines élections qui devraient être organisées dans le pays, probablement en septembre, permettront de voir si les électeurs renouvelleront leur confiance dans les partis de la coalition dont le mandat a été écourté.
Paul Tormenen
11/07/2019
(1) « La politique d’immigration en Autriche, de l’exclusion à l’intégration ?». Herta Luise. La Documentation française. 28 mai 2013.
(2) « Inflow of foreign population into OECD countries and Russia ». OCDE. 20 juin 2018.
(3) « Geography and population ». Migration.gvt.at. 6 juillet 2019.
(4) « Net migration. 1962-2017 ». Banque mondiale.« Population by citizenship ». Statistics Austria.24 mai 2019.
(5)Ibid (3)
(6) « Stock of foreignborn population. Stock of foreign population. Acquisition of nationality ». OCDE.
(7) « Personnes nées à l’extérieur du pays, Autriche ». Perspective Monde. Université de Sherbrooke.
(8)« Zahl der muslime in Osterreich Wachst rasant ». Kronen Zeitung. 13 avril 2017.
(9)« Zahl der muslime in Osterreich Wachstseit 2001 verdoppelt ». Die Presse. 4 août 2017.
(10) « Autriche, l’immigration au cœur de la victoire de l’extrême droite ». France Info. 12 mai 2016.
(11) « Austrian authorithies admit more than 40%of child asylum seekers that went under age test turned to be adults ». Daily Mirror. 13 avril 2017
(12) « Pas vraiment fermée, le route des Balkans s’avère plus dangereuse pour les réfugiés ». Euractiv. 14 mars 2017.
(13)« L’immigration en Autriche : vers une tolérance zéro ». Perspective Monde. Université de Sherbrooke.
(14)« Number of convicted persons decreased from 2013 to 2017 by 10,3% ». StatisticsAustria. 24 mai 2019
(15) « 25% mehr sexuals traftaten in nureinemjahre ». Kronen Zeitung. 19 octobre 2017.
(16) « Marcus Franz : wienerv atertar nentochter mit kopftuch ». Oe 24. 1er février 2019.
(17) « Mordserie in Osterreich : dreiregier ungs freauens prechenklartext ». TichysEinblick. 20 janvier 2019.
(18) « OECD Data ». 2018.
(19) « Austria passes welfarere form that spellscuts for foreigner ». Infomigrants. 29 avril 2019.
(20) « Tu ne blasphémera point ». France culture. 14 novembre 2018.
(21) « In einerklasse von 25 kindernmuss man 21 integrieren ». Welt. 12 mars 2018.
(22) « Kardinal Schonborn : Rom lebtheute nicht mehr in hintermmond ». Der Standard. 24 décembre 2018.
(23) « Verfassungs schutzbericht :Weniger Straftaten mit links oderrechts extremistischen Motiven». BVT. Juin 2018.
(24) « Austria : extremism and counterextremism ». Counter extremism project. 2019.
(25) « Autriche : jusqu’à 60 imams liés à la Turquie et leurs familles pourraient être expulsés ». Europe 1. 8 juin 2018.
(26) « Das neue islam geset zimuberblick ». Religion.orf.at. 26 février 2015.
(27) « Zasammen fur unser Osterreich ». NV FPO. 2017.
(28)« Autriche : un gouvernement de résistance à l’islamisation ». Gatestoneinstitute. 26 décembre 2017.
(29)« L’Autriche veut instaurer une rétention préventive des demandeurs d’asile dangereux ». Ouest France. 27 février 2019.
(30) « Austria proposes preventive detention for asylumseekers deemed dangerous ». Deutsche Welle. 29 février 2019.
(31) « Osterreichweist 3000 migranten wegen falschangaben ab ». Welt. 14 janvier 2016.
(32) « Austria announces plan to automatically reject asylum to all migrants who arrive in Europe with the help of smuglers ». Daily mail. 20 décembre 2018.
(33) « Argent confisqué : Vienne durcit la loi sur l’asile ». 20 minutes ch. 18 avril 2018.
(34) « Kickl willbeiab schiebungenkreativ sein ». Wiener zeitung. 16 janvier 2019.
(35) « L’Autriche rabote les aides aux étrangers ». Euronews. 29 mai 2018.
(36) « L’Autriche veut interdire le port du voileen maternelle et primaire ». Le Figaro. 4 avril 2018.
(37) « Immigration : l’Autriche crée une unité de protection des frontières ». Le Monde. 18 janvier 2018.
(38) « Quels pays se sont retirés de pacte de Marrakech et pourquoi ? ». Libération. 6 décembre 2018.
« Emploi : l’Autriche va appliquer la préférence nationale ». France Info. 21 février 2017.
(39) « 7 asylbetreuug stellen werdenstill gelegt ». Kronen Zeitung. 1er octobre 2018.
(40) « Dispositif d’accueil des demandeurs d’asile : état des lieux ». Cimade. 19 avril 2019.
(41) « Autriche : un an de lune de miel entre droite et extrême droite ». AFP. 14 décembre 2018.
(42) « L’onde de choc européenne de l’affaire autrichienne ». Le Monde. 20 mai 2019. « Autriche : le vice chancelier d’extrême droite piégé sur ses liens avec la Russie dans une vidéo ». Le Monde. 18 mai 2019.
Source : Correspondance Polémia