Dans un texte précédent publié sur Vigile (7 avril 2012), je prévoyais de la part du gouvernement libéral la préparation d’un coup de force contre le mouvement étudiant, dans un type de stratégie qui est habituellement employé contre le mouvement syndical : «Nul doute que le scénario d’Alma [injonction judiciaire ordonnant le retour en classe au Cégep d’Alma] ne soit l’objet d’une planification juridico-politique visant à sa généralisation à l’échelle du Québec, opération dans laquelle les enseignants risquent fort d’être les otages d’un décret, voire d’une loi spéciale que l’on pourrait d’avance qualifier d’inique.» (http://www.vigile.net/Repression-ou-compromis)
Je n’avais pas osé imaginer que le parti au pouvoir irait aussi loin, à la fois dans la démagogie et dans une lâcheté sans limites.
En effet, après la fallacieuse et répétitive argumentation de la “juste part”, la propagande gouvernementale est montée d’un cran dans la démagogie en associant le mouvement étudiant à des formes d’intimidation qui auraient lieu dans l’industrie de la construction : «M. Charest s’est même risqué à comparer la situation qui prévaut lors des votes pris par les étudiants au climat d’intimidation qui règne dans l’industrie de la construction» («Grèves étudiantes: Jean Charest dit que l’intimidation doit cesser», La Presse canadienne, Le Devoir, Montréal, 11-4-2012.). Cette grossière démagogie a quand même le mérite de nous rappeler la corruption et la collusion politique et financière de ce gouvernement avec des entrepreneurs dont la réputation s’éloigne passablement de la respectabilité.
Il s’agit aussi, de la part d’un pouvoir devenu illégitime, d’une incommensurable lâcheté que je n’avais pas été à même d’anticiper. En effet, le gouvernement libéral, n’ayant pas le courage de faire lui même la “job de bras” qu’il avait planifiée contre la jeunesse étudiante, s’emploie à faire exécuter cette honteuse stratégie par les directions des universités et des Cégeps. Il se cache aussi derrière quelques jeunes adhérents du PLQ (et autres officines néolibérales) pour la mise en œuvre d’un “recours collectif” qui pourrait mettre en faillite les associations étudiantes et ponctionner les ressources financières déjà précaires des institutions scolaires.
Cette entreprise de lâcheté gouvernementale, a été clairement énoncée par le gouvernement : « (…la ministre Beauchamp a tapé le clou, s’adressant cette fois aux directions des universités et des cégeps, pour leur dire qu’elles devaient «tout mettre en œuvre» pour que les étudiants désirant suivre leurs cours puissent le faire sans problème. Dans cet esprit, elle a dit appuyer le Collège de Valleyfield, qui a décidé de forcer le retour en classe dès jeudi, même si une majorité des étudiants s’est prononcée en faveur du boycott. Le message de la ministre est clair: les cours doivent se donner, qu’il y ait vote en faveur de la grève ou pas, point.» («Grèves étudiantes: Jean Charest dit que l’intimidation doit cesser», La Presse canadienne, Le Devoir, Montréal, 11-4-2012.)
Ainsi, le gouvernement a décidé de faire porter aux directions des établissements scolaires, l’odieux de son coup de force contre le mouvement étudiant ! Cette extrême lâcheté ne sera pas sans conséquences sur un climat qui s’annonce déjà tendu, dans les institutions scolaires, mais aussi dans les salles de cours elles-mêmes, avec des enseignants et des étudiants possiblement pris en otages par une stratégie gouvernementale intrinsèquement perverse.
Quelque soit l’issue d’un conflit dans lequel le détournement des ressources répressives de l’État par le gouvernement libéral pourrait contribuer à la mise en place d’un rapport de force défavorable au mouvement étudiant, il faut faire le constat que le conflit est devenu intégralement politique !
Dans la lancée du mouvement étudiant, le mouvement syndical et populaire doit prendre la relève, et ce avec des revendications et objectifs susceptibles de rejoindre la grande majorité des citoyens, et ce y compris la mise en place démocratique d’un gouvernement progressiste et légitime, dont la composition devrait être d’urgence clarifiée.
“Libérons nous des libéraux !”
Yves Claudé
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
13 avril 2012Ce que le sondage de Forum indique, c'est que les intentions de vote des gens de droite continuent d'être à droite. Au lieu de miser sur cette CAQ qui propose des «solutions» bêtement comptables, ces électeurs de droite choisissent maintenant de parier sur l'inique complexe corrupto-libéral. «Nous sommes nous-mêmes écrasés par la gouvernance des tarifs de Charest-Bachand. Les étudiants ne doivent pas être traités mieux que les autres et que nous en particulier. Qu'ils prennent eux aussi leur pilule et se la ferment», pensent-ils. Mais dans un sondage publié ce vendredi 13 dans Le Devoir, Léger indique pour sa part que la bataille de l'opinion publique est en voie d'être remportée par les étudiants. Et notamment que celle-ci a viré de 20 points de leur côté depuis une quinzaine.
Archives de Vigile Répondre
13 avril 2012Monsieur Sylvain Marcoux,
Je prends connaissance, en tout respect, de votre point de vue.
Sachez que je n’ai pas ménagé mes observations critiques relativement au mouvement étudiant, que ce soit sur Vigile.net ou ailleurs.
On est en présence d’une situation complexe qui exige de considérer honnêtement l’ensemble des faits, y compris une réalité sociologique selon laquelle les étudiants du secteur postsecondaire constituent un groupe social issu d’une sélection préalable basée sur le capital économique et/ou le capital culturel. Peut-on en conclure que la situation se résumerait à un exercice corporatiste d’une minorité privilégiée exigeant d’autres privilèges ?
Par ailleurs, il est vrai que la grève n’est pas sans conséquences sur les étudiants … mais c’est aussi le cas pour la plupart des actions sociales, et pour les grèves ouvrières en particulier : à cet égard, le mouvement doit reconnaître ces réalités et s’employer à les minimiser.
Remarquons aussi que la stratégie gouvernementale de provocation a amené certains groupes autonomes du mouvement étudiant à s’enfermer dans la logique contre-productive et à l’occasion antisociale d’un activisme désespéré … et désespérant, puisqu’il permet aux “médias-poubelles” d’alimenter une intense campagne de discrédit du mouvement. Cette stratégie de chaos dont le gouvernement est le principal acteur et le principal responsable, semble être payante pour le PLQ, qui envisage même de déclencher une élection sur la question des droits de scolarité !
Cependant, et pour conclure, en tant que citoyen qui tente d’être lucide et responsable …, je crois qu’il faut prendre clairement parti dans la situation présente, et c’est ce que je fais en apportant un soutien critique, mais déterminé, au mouvement étudiant !
Yves Claudé
Archives de Vigile Répondre
12 avril 2012Arrêtez de rêver en couleur et tâchez de retomber les pieds sur terre.
Ce que cette folie de boycott des cours risque de provoquer, c’est plutôt l’effet contraire sur l’opinion publique; la remonté des libéraux dans les intentions de votes. Ce que confirmes d’ailleurs un sondage de ce matin.
Vous souhaitez la gratuité scolaire aux niveaux postsecondaire ? Soit. Élisez alors un parti qui le revendique dans son programme lors des prochaines élections.
Mais de grâce, n’encouragez pas ce boycott qui ne fait que pénaliser les finissants collégiaux (qui ne sont nullement concerné par cette hausse annoncée du niveau universitaire) de même que les actuels finissants du secondaire.
Il est légitime de poser la question sur les frais de
scolarité… mais il est carrément indécent de prendre la population en otage (entre –autres l’industrie du tourisme qui s’inquiète actuellement de la disponibilité de la main-d’œuvre étudiante prévue cet été…) de même que les automobilistes comme ce fut le cas à plusieurs reprises.
Sans parler des étudiants tant collégiaux qu’universitaire pour qui une session de perdu se trouve n’être rien d’autre qu’une demi-année de salaire de perdu.
Continuer dans cette direction serait carrément faire preuve d’immaturité. Et je vous pose la question; cette folie s’arrêtera où ? Laisserons-nous demain à nos écoliers de la maternelle décider de leurs horaires, de leurs activités, du contenu de leurs programmes ?
Pour terminer. Je donnerais un conseil aux étudiants universitaires. Advenant le cas où vous considériez que vous n’aurez pas les moyens de rembourser les prêts garanties par le gouvernement à la fin de vos études universitaire… et bien, je vous inviterais à reconsidérer votre engagement au sein du programme de cours auquel vous vous êtes inscrit. Il est fort à parier que vous n’êtes pas dans la bonne branche.
«Libérons nous des libéraux» ! J’adhère 100 mille à l’heure. Mais tâchons de nous libérer également du romantisme pseudo-révolutionnaire utopique. Cette mascarade d’enfants d’école n’amènera rien de positif à la nation.
Sylvain Marcoux