Déjouant tous les pronostics, le Québec a élu 58 députés néo-démocrates et a réduit la représentation du Bloc Québécois à un maigre quatre députés, confirmant une fois de plus les propos du poète allemand Goethe : « Grise est la théorie, vert est l’arbre de la vie ».
Le mot d’ordre était de faire bloc pour empêcher l’élection d’un gouvernement majoritaire conservateur, étant donné le programme militariste, néolibéral et néoconservateur du Parti de Stephen Harper. La consigne a été respectée. Le Québec a fait bloc… mais derrière le NPD!
Bien que plus de 80% de la population québécoise ait voté contre le Parti conservateur, cela ne l’empêchera pas de nous imposer d’autres missions guerrières (et les budgets militaires à l’avenant), des compressions massives dans la fonction publique et dans les transferts aux provinces, et une série de législations contraires aux valeurs chéries par les Québécoises et les Québécois.
Bien qu’il vienne de faire la preuve qu’il était possible de former un gouvernement majoritaire avec une représentation symbolique au Québec, le Parti conservateur va modifier la carte électorale du Canada et consacrer la minorisation définitive du Québec au sein de la fédération canadienne.
Affrontement social en vue
Il est fort probable que, dès le dépôt du prochain budget, le gouvernement Harper déclare la guerre au mouvement syndical en taillant à coups de hache dans la fonction publique fédérale. Déjà, la privatisation de la Société des Postes est à l’ordre du jour.
Le gouvernement Harper est impatient de s’inscrire dans le mouvement antisyndical qui a pris naissance au Wisconsin au début de 2011 et qui déferle sur l’Amérique du Nord. Déjà, son bon ami Rob Ford, le nouveau maire de Toronto – qui a apporté son soutien à Harper, lors de la dernière fin de semaine de la campagne électorale – a annoncé ses couleurs en promettant, entre autres, la privatisation de la collecte des déchets.
Dans une entrevue qu’il accordait à l’aut’journal à l’occasion du Premier Mai, Louis Roy, vice-président de la CSN et candidat à la succession de Claudette Carbonneau, posait la question de la solidarité syndicale pancanadienne et même nord-américaine.
Allons-y d’une prédiction : les centrales syndicales vont devoir noliser des autobus pour Ottawa. Cela rappellera aux plus âgés, les manifestations et la grève générale d’une journée du mouvement syndical contre le gel des salaires du gouvernement Trudeau au cours des années 1970.
Dans cet affrontement gauche-droite, que la droite québécoise appelait de tous ses vœux, le Québec a répondu Présent! à gauche giflant au passage les radio-poubelles de Québec et le Réseau Liberté Québec.
La question nationale
Si l’allocution de Jack Layton, le soir des élections, préfigure son attitude future à l’égard du Québec, ça promet. Bien que 60% de sa députation origine du Québec, le bon Jack a prononcé, devant un auditoire où chacun agitait un petit drapeau unifolié, un discours aux deux-tiers en anglais, sans jamais mentionner l’expression « nation québécoise ». Une image et un discours dans lesquels ne pouvaient se reconnaître tous ces nationalistes québécois qui ont voté pour le NPD.
Ce n’est pas une surprise. Dans la désormais célèbre Déclaration de Sherbrooke, où le NPD aurait « rectifié » sa position à l’égard du Québec, le mot « nation » n’apparaît qu’à un endroit et entre guillemets.
Ailleurs, dans le texte, on a recours à toutes sortes de périphrases. On parle de « la reconnaissance du caractère national du Québec », de la « reconnaissance d’une minorité (sic!) nationale avec un caractère distinct au sein d’un ensemble plus large », du droit de la « collectivité (sic!) québécoise à décider librement de son avenir politique et constitutionnel », que des « gens (sic!) du Québec aient le droit de décider, démocratiquement de leur propre avenir ».
Il n’y manque que le « Monsieur-Madame-Tout-Le-Monde » dont le bon Jack s’est servi ad nauseam au cours de la campagne électorale.
La question de l’utilisation du mot « nation » n’est pas anodine. Dans l’éditorial célébrant la victoire de Stephen Harper, le Globe and Mail du 3 mai, écrivait : « Après des années d’obstructionnisme par le Bloc, les Québécois ont exprimé le désir de participer aux affaires de leur nation – du Canada ». Pour le Globe and Mail et une majorité de Canadiens, il n’y a qu’une nation au pays, la nation canadian.
Mais, rétorqueront certains, Stephen Harper a parlé de la « grande nation québécoise » dans son discours, le soir du 2 mai. Rappelons d’abord que la définition de la nation québécoise par Stephen Harper est formulée de la façon suivante : « Les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni. »
Quand Stephen Harper parle de la nation québécoise, il parle des Québécois – et non du Québec – comme vient de le rappeler une note diplomatique de l’ambassade américaine révélée cette semaine par Wikileaks. Elle n’implique pas la reconnaissance du territoire québécois.
Elle ne reconnaît pas non plus le droit à l’autodétermination du Québec (« au sein d’un Canada uni ») et elle ouvre la porte à la partition du territoire québécois. Au lendemain du référendum de 1995, le député Stephen Harper avait déposé un projet de loi privé qui décrivait la procédure à suivre pour la partition dans le cas d’une éventuelle victoire du Oui.
Gardons le Bloc comme famille d’accueil
Bernard Landry a raison lorsqu’il explique que les Québécois, après s’être débarrassé des Conservateurs et des Libéraux, ont décidé de faire l’expérience de la troisième et dernière alternative.
Les militants oublient trop souvent que la majorité de la population n’a pas une compréhension théorique des grands enjeux politiques. Elle apprend par l’expérience politique. À la condition, cependant, que les partis politiques, par leur porte-parole, leurs analyses, leurs activités, l’aide à tirer les conclusions de cette expérience.
Dans cette perspective, ce serait une erreur monumentale que de mettre fin à l’expérience du Bloc Québécois à Ottawa. D’autant plus, qu’il est fort probable que, très rapidement, des membres de la nouvelle députation néo-démocrate du Québec réalisent les contradictions de la politique canadienne et de leur engagement au sein du NPD.
À entendre certains d’entre eux se réclamer de René Lévesque, on les voit mal agiter un petit unifolié lors des activités partisanes de leur nouveau parti. Ce serait donc une bonne idée de prévoir une famille d’accueil pour ces futurs orphelins politiques.
D’autre part, la défaite du Bloc doit être l’occasion d’une réflexion approfondie sur le rôle des médias et des partis politiques. Nous y reviendrons.
Gardons le Bloc comme famille d’accueil
Bernard Landry a raison lorsqu’il explique que les Québécois, après s’être débarrassé des Conservateurs et des Libéraux, ont décidé de faire l’expérience de la troisième et dernière alternative.
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