La ministre des Affaires étrangères du Canada est en route pour Washington afin de reprendre les négociations sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) après l'annonce, lundi, de l'entente de principe bilatérale conclue entre le Mexique et les États-Unis.
La ministre Freeland, qui était en Allemagne dans le cadre d’une visite officielle de trois jours qui devait aussi la mener en Ukraine et en France, doit arriver en début d’après-midi à Washington.
Elle y retrouvera plusieurs membres de l’équipe de négociation canadienne et du bureau du premier ministre qui y sont depuis ce matin. Ils prendront notamment connaissance des détails de l’entente conclue entre les États-Unis et le Mexique.
Lundi matin, le président des États-Unis, Donald Trump, son homologue mexicain Enrique Peña Nieto, ainsi que le nouveau président élu, Andrés Manuel López Obrador, ont invité le Canada à reprendre rapidement les négociations en vue de la conclusion d’une entente tripartite sur le renouvellement de l'ALENA.
À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a réagi promptement à l’invitation de ses partenaires en contactant le président Donald Trump avec qui il a eu une discussion qualifiée de « constructive » par son bureau.
Officiellement accueillie comme une bonne nouvelle par le Canada, la conclusion de cette entente entre Washington et Mexico fait monter la pression sur le Canada en vue de la conclusion rapide d’un accord commercial à trois.
Dans un communiqué publié lundi, le porte-parole de la ministre canadienne des Affaires étrangères a assuré que le Canada ne signera que si l'accord conclu est « bon pour le Canada et la classe moyenne ».
Interrogé sur la pression exercée sur le Canada par les Américains et les Mexicains, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a déclaré : « Non, ça ne nous fait pas peur. C’est normal de négocier et de prendre différentes approches », ajoutant que son gouvernement ne signera qu’une entente qui sera « bonne pour le Canada ».
« Ça va être très dur cette semaine »
L’industrie automobile, le premier secteur d’exportation au Canada, génère quelque 80 milliards de dollars annuellement en activité économique. Photo : Associated Press/Jerry S. Mendoza
À Québec, on accueille favorablement les récents développements entre Mexico et Washington, notamment en raison du dénouement survenu dans le dossier de l’automobile « qui bloquait tout depuis quatre mois », a expliqué le négociateur en chef pour le Québec, Raymond Bachand, sur les ondes de l’émission Gravel le matin.
Ce dossier épineux s’est réglé « dans l’intérêt des États-Unis et du Canada », estime de surcroît M. Bachand.
La deuxième bonne nouvelle, selon lui, est que le président Trump semble désormais décidé à s’entendre avec le Canada et le Mexique.
Ça va être très dur cette semaine. Ça pourrait même prendre deux ou trois semaines, mais il ne reste pas tant d’éléments fondamentaux à régler.
La gestion de l'offre dans la mire de Washington
L'industrie laitière canadienne fonctionne en vertu d'un système de gestion de l'offre que les Américains remettent en question dans le cadre des discussions de l'ALENA. Photo : Radio-Canada
Parmi les points qui achoppent entre le Canada et les États-Unis, il y a notamment la gestion de l’offre qui protège le prix des produits laitiers et agricoles canadiens face à la concurrence des producteurs étrangers.
Le Québec, parmi d'autres provinces, à plus d'un fois affirmé que le Canada se devait de la défendre bec et ongles à la table des négociations. Or, l'administration Trump l'a dans sa mire.
Mardi encore, le conseiller économique de Donald Trump, Larry Kudlow, affirmait, sur les ondes de Fox News: « Nous voulons conclure un bon accord avec le Canada, mais cet accord doit comprendre une entente sur les produits laitiers. »
« Faire monter rapidement le Canada à bord »
Le représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, a fait savoir lundi que si les discussions avec le Canada ne sont pas bouclées avant la fin de cette semaine, le président informera le Congrès qu'il a conclu un accord avec le seul Mexique, mais qu'il est ouvert à des négociations pour permettre au Canada de se joindre par la suite à cet accord.
Mais mardi matin, l'optimisme était de mise à Washington, où le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, a déclaré croire que les États-Unis pouvaient s’entendre avec le Canada dès cette semaine.
Notre objectif est d'essayer de faire monter rapidement le Canada à bord.
Les responsables de la renégociation de l'ALENA pour le Mexique, le Canada et les États-Unis : Ildefonso Guajardo, Chrystia Freeland et Robert Lighthizer Photo : La Presse canadienne/Graham Hughes
Il faut dire que la pression est également forte sur l'administration Trump pour qu'un accord soit conclu rapidement avec le Canada. De nombreux élus autant républicains que démocrates appellent à un tel accord, notamment en raison des millions d'emplois aux États-Unis qui dépendent de l'ALENA.
Au Mexique, autant le président sortant Enrique Peña Nieto que son successeur Andrés Manuel López Obrador, qui entrera en fonction en décembre, ont plaidé pour l'inclusion du Canada dans l'accord qu'ils ont conclu avec les Américains.
Sans l’accord du Canada, le traité commercial qui régit depuis 25 ans les échanges entre le Canada, le Mexique et les États-Unis pourrait être déchiré au profit d’ententes bilatérales.
Et à défaut d’une nouvelle entente avec Ottawa, Washington menace d’imposer des tarifs et des droits compensatoires, notamment sur les véhicules automobiles qui sont construits hors des États-Unis.
Considérant que l’ALENA était un accord nuisible et injuste pour les États-Unis, le président Trump a entrepris peu après son élection, à la fin 2016, de renégocier l’accord, menaçant sinon d'en retirer son pays si aucune entente n’était possible avec le Canada et le Mexique.