Par Fabrice Nodé-Langlois -
Le ministre de la réindustrialisation, Arnaud Montebourg, ne ferme plus la porte au gaz de schiste. Le numéro deux de Total espère rouvrir le débat.
Sur fond de plans sociaux en cascade, la question de la production d’hydrocarbures en France - pétrole en Guyane et gaz de schiste dans le Midi - s’invite, encore à mots couverts, dans les débats sur la réindustrialisation et l’énergie.
L’exploitation des gaz de schiste, décriée pour son impact sur l’environnement et dont les réserves du Midi restent à évaluer précisément, pourrait-elle entraîner une révolution industrielle à l’américaine? Dans l’entourage d’Arnaud Montebourg, on explique que le ministre du Redressement productif souhaite «qu’aucune piste ne soit écartée» et que la question du gaz de schiste mérite d’être «regardée». Pendant la campagne des primaires socialistes, Arnaud Montebourg avait qualifié de «fausse bonne idée» le recours aux gaz de schiste. Sa position actuelle fait écho à celle de François Hollande, encore candidat, qui avait déclaré: «Il ne faut jamais rien écarter, surtout si des recherches démontrent qu’on peut obtenir ce gaz sans nuire à la nature.»
«On a diabolisé la technique de fracturation hydraulique, qui comporte des risques mais que l’on sait maîtriser», déplore Yves-Louis Darricarrère, le patron de la branche exploration et production de Total. «Si l’on veut progresser en France sur le sujet, il faut éviter les positions extrêmes et trop rapides», déclare-t-il au Figaro. Une allusion claire à la loi de juillet 2011 «prise dans un contexte électoral et sans véritable débat» interdisant la fracturation hydraulique - seule technique employée à ce jour pour déloger les hydrocarbures piégés dans la roche mère. Pour l’heure, le gouvernement Ayrault n’a pas manifesté son intention de revenir sur cette interdiction votée sous François Fillon. Delphine Batho, la nouvelle ministre de l’Écologie, en charge du dossier comme le rappelle obligeamment l’entourage de Montebourg, évoquait la semaine dernière à l’Assemblée nationale «les dégâts avérés» pour l’environnement de l’extraction du gaz de schiste.
Forage en Guyane
En attendant le débat national sur l’énergie prévu à l’automne, la priorité du gouvernement est de réformer le Code minier, qui date en partie de 1956. Objectif: rendre obligatoire la consultation du public avant l’attribution de permis de recherches. Total se dit favorable à cette modernisation des règles qui concerneront tant les permis en métropole que les forages guyanais.
S’agissant de la Guyane, Yves-Louis Darricarrère réfute toute intervention de l’industrie pétrolière derrière le départ, en juin, de Nicole Bricq du ministère de l’Écologie après sa décision de suspendre le permis d’exploration de Shell en eaux profondes. «Nous avons simplement été très surpris que l’autorisation des travaux ait été suspendue», commente le directeur de Total, compagnie alliée à Shell et Tullow pour l’exploration au large de la Guyane. La campagne de forage, finalement autorisée le 20 juin, vise à confirmer les découvertes de Tullow à 6.000 mètres de profondeur. «II faut arriver à convaincre que ce pétrole est une chance pour la France, pose Yves-Louis Darricarrère. Si l’importance des gisements est confirmée, l’impact économique devrait être pour la Guyane très comparable à celui du secteur spatial». Avec à la clé des retombées fiscales, réparties à parts égales entre l’État et les collectivités locales. Une production guyanaise de 100.000 à 200.000 barils par jour, fourchette jugée crédible par Total, allégerait la facture pétrolière de la France de 6 à 12 %.
Aujourd’hui, conclut le dirigeant de Total, «on ne peut pas envisager l’exploration et la production d’hydrocarbures si l’on n’est pas accepté par la population et les collectivités locales. Aux industriels de démontrer qu’ils sont des opérateurs responsables ; à la société française ensuite de décider». Un défi de taille dans un pays qui compte des champions d’envergure mondiale comme Total, Schlumberger ou Technip, mais qui, faute de gros gisements exploitables dans l’Hexagone, n’y a développé ni l’industrie ni la culture du pétrole.
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