Le juge Michel Déziel, qui admet avoir servi d'intermédiaire pour transmettre du financement politique illégal, vient de remporter une première bataille dans l'enquête du Conseil canadien de la magistrature sur sa conduite. Même s'il fait preuve d'un manquement à «l'honneur et à la dignité» de la magistrature, ce geste ne mérite pas sa révocation, a conclu mercredi le comité d'enquête qui entend l'affaire.
Le comité doit se prononcer demain sur un deuxième chef d'allégation qui pèse contre le juge de la Cour supérieure et selon lequel il aurait demandé à l'organisateur d'élections clés en main Gilles Cloutier de lui fournir des prête-noms.
«Je suis très heureux, c'est évident», a dit le juge Déziel à sa sortie de la salle d'audience après la décision sur son premier chef d'allégation, qui été rendue séance tenante.
Dans une lettre présentée au Conseil canadien de la magistrature, le juge Déziel avait reconnu avoir servi d'intermédiaire pour transmettre une somme d'environ 30 000 $ provenant de la firme de génie Dessau au parti Action civique de Blainville, lors des élections municipales de 1997. À cette époque, Michel Déziel était avocat.
«Nous sommes d'avis que cette conduite, qui est antérieure à la nomination du juge Déziel à la magistrature, constitue un manquement à l'honneur et à la dignité de la magistrature. Le comité conclut cependant qu'elle ne le rend pas inapte à remplir ses fonctions», a déclaré le juge en chef de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, Ernest Drapeau, qui préside le comité d'enquête de trois membres.
Il se rangeait ainsi derrière la recommandation de l'avocate indépendante qui représente l'intérêt du public devant le comité.
«Il faut prendre garde de juger la gravité de sa conduite avec le regard d'aujourd'hui, qui est beaucoup plus sévère», a plaidé Me Suzanne Gagné. «Je suis d'avis que ses excuses sont suffisantes pour réparer le tort qu'il a fait et rétablir la confiance du public», a-t-elle ajouté.
L'enquête du Conseil canadien de la magistrature a été ouverte dans la foulée du témoignage de Gilles Cloutier devant la commission Charbonneau, en mai 2013. Ce dernier a relaté avoir reçu un coup de fil de Michel Déziel en octobre 1997, à l'époque où il était avocat et organisateur en chef du parti Action civique Blainville. Selon Gilles Cloutier, Michel Déziel lui aurait alors demandé s'il pouvait «changer 30 000 $ en 750 $», c'est-à-dire trouver des prête-noms pour verser de fausses contributions politiques de 750 $, la limite permise par la loi. Le juge Déziel nie cette version des faits.
Devant le comité, Me Gagné a indiqué qu'il n'était pas du tout vraisemblable, à la lumière de l'étude de la liste des donateurs, que M. Cloutier ait pu trouver suffisamment de prête-noms pour transformer en chèques la somme de 30 000 $.
Le comité d'enquête pourrait décider demain de s'attarder plus en profondeur sur cette allégation, de rendre immédiatement sa décision ou de la laisser tomber.
Le comité d'enquête est formé du juge Drapeau, du juge en chef de la Cour du Banc de la reine du Manitoba Glenn Joyal et de Me René Basque, avocat de Moncton. C'est l'avocate indépendante Suzanne Gagné qui est chargée de présenter la preuve au comité, dans l'intérêt du public.
Depuis 1971, seulement huit comités d'enquête ont été mis sur pied par le Conseil canadien de la magistrature. Une fois le rapport du comité en main, le Conseil de la magistrature fera ses recommandations au ministre canadien de la Justice.
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