Financement électoral conservateur - Les organisateurs du Québec se laissent désirer

Dérives démocratiques - la société confrontée à sa propre impuissance

Ottawa -- Les organisateurs québécois du Parti conservateur n'ont pas l'intention de venir s'expliquer à Ottawa la semaine prochaine à propos du stratagème électoral utilisé lors du dernier scrutin général et jugé illégal par Élections Canada. Les conservateurs font encore le pari qu'en gardant le silence, cette histoire finira par s'éteindre d'elle-même.
Le Comité sur l'éthique de la Chambre des communes siégera exceptionnellement la semaine prochaine, en plein été, pour faire la lumière sur le financement douteux de la campagne de publicité conservatrice lors des dernières élections. Le comité a entre autres convoqué quatre responsables conservateurs de la campagne électorale au Québec. Comme aucun n'a daigné répondre, des assignations à comparaître ont dû être émises pour les forcer à comparaître. Même cette menace n'a pas l'air de leur faire peur.
Joint hier par Le Devoir, l'ex-organisateur en chef pour tout le Québec, Pierre Coulombe, a feint l'ignorance. «Je n'ai pas eu d'invitation, je n'ai pas reçu de subpoena. Je ne pense pas que j'ai affaire là», a-t-il dit. Il ne viendra pas témoigner, a-t-il indiqué. M. Coulombe a occupé ses fonctions pendant un peu plus de deux ans avant d'être remercié, en janvier dernier.
Même affirmation de la part de Michel Rivard, organisateur conservateur pour la région de Québec, là où le parti de Stephen Harper a fait une importante percée en janvier 2006. «Je n'ai pas eu de subpoena, absolument pas. J'ai seulement eu une invitation par e-mail.» Viendrez-vous à Ottawa tel que demandé mercredi prochain? «Je ne crois pas, non.»
Pourtant, les responsables du comité à Ottawa sont catégoriques: des assignations à comparaître ont été émises parce que les témoins n'ont pas répondu à l'invitation ou l'ont refusée net.
Les deux autres organisateurs du parti pour la région de Montréal, Benoît Larocque et Nelson Bouffard, ont refusé de commenter hier lorsqu'ils ont été joints par Le Devoir. Impossible de savoir s'ils témoigneront. Une cinquième personne, Henri Gagnon, l'ancien agent officiel du député Daniel Petit (Charlesbourg), dit encore hésiter à se présenter. «Peut-être que oui, peut-être que non.»
Élections Canada reproche au Parti conservateur d'avoir concocté un système de circulation d'argent entre la caisse centrale du parti et les caisses électorales de ses candidats lui ayant permis de dépenser 1,1 million de dollars de plus que ne le permet la loi. Les conservateurs estiment qu'Élections Canada interprète mal la loi et a porté la cause devant la Cour fédérale.
En attendant une décision des juges, les partis d'opposition tentent de tenir des audiences sur ce sujet depuis... septembre 2007, soit après que Le Devoir eut révélé que le Parti conservateur était sous enquête du Commissaire aux élections du Canada. Toutes les tactiques dilatoires ont été utilisées. Finalement, les audiences ont commencé à la mi-juillet, au coeur des vacances estivales. Quatre jours de séance sont prévus la semaine prochaine.
Pierre Coulombe, Michel Rivard, Benoît Larocque et Nelson Bouffard ont tous été identifiés au Devoir par des candidats conservateurs du Québec comme ceux qui les obligeaient à mettre leur caisse électorale à la disposition du parti aux fins du stratagème électoral. Aucun des quatre n'a accepté de commenter jusqu'à ce jour. C'est ce qui explique que les députés veuillent les entendre.
Au total, 67 candidats conservateurs, dont 27 au Québec, ont vu leur caisse électorale réquisitionnée par les instances nationales de leur formation. Au Québec seulement, ce sont près de 800 000 $ que le Parti conservateur a fait transiter par les caisses de candidats, s'achetant ainsi plus de publicités que ses adversaires. Neuf des dix élus conservateurs en 2006 ont participé au système. Seul le ministre Jean-Pierre Blackburn ne l'a pas fait.
La police en renfort?
Pour le président du comité de l'éthique, le libéral Paul Szabo, les témoins récalcitrants ayant reçu une assignation à comparaître n'auront d'autre choix que de se présenter. S'ils ne le font pas, a-t-il dit, «le comité pourra contacter le sergent-d'armes de la Chambre des communes et demander à ce que la police saisisse ces gens». Un peu comme ce qui était arrivé à l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber, forcé lui aussi de témoigner devant ce même comité de l'éthique présidé par ce même M. Szabo. «Ils peuvent prendre le risque, mais moi je ne le prendrais pas.»


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