Photothèque Le Soleil
J'ai été estomaqué de lire dans vos pages la tournure qu'on veut donner aux mesures de sécurité pour la présentation 2011 de la fête nationale dans la capitale. J'ai été impliqué de près dans l'organisation de la fête de 2000 à 2004. On se relevait à peine d'une série d'émeutes sur la colline parlementaire et à la place D'Youville qui avait terni l'image de la fête nationale vers la fin des années 90. Tous les intervenants concernés avaient décidé de s'asseoir ensemble pour trouver des solutions au problème. Ce travail a impliqué les policiers, les pompiers, les services d'urgence, le service des événements spéciaux de la Ville de Québec, la mairie et la Société nationale des Québécois et des Québécoises de la Capitale (SNQC), entre autres.
On a cherché à analyser les causes des troubles. On en était venu à la conclusion qu'il fallait apporter plusieurs changements à nos façons de faire. Premièrement, il fallait occuper les jeunes. La Saint-Jean est la première et la plus belle fête de l'été et cette horde de jeunes remplis d'hormones qui déferlait sur le centre-ville devait se voir offrir une gamme d'activités. On a alors prolongé les heures du spectacle sur les Plaines jusqu'à 5h du matin (avant, tout était fini à 23h) et offert un autre spectacle à place D'Youville. On a établi un périmètre de sécurité autour du feu de joie pour éviter les débordements. On se souviendra qu'un malheureux fortement intoxiqué s'était immolé dans le feu de la Saint-Jean au début des années 90.
Deuxièmement, éviter la provocation de la foule de la part de toutes les personnes impliquées dans la sécurité (le service de sécurité mis sous contrat par la SNQC et la police de Québec). Il y eut un changement radical d'attitude. Les policiers étaient armés de leur sourire et de 40 000 verres de plastique à l'effigie du commanditaire. À la stupéfaction des jeunes, les policiers confisquaient leurs bouteilles de verre pour verser leur consommation dans des verres de plastique dans la bonne humeur et le respect. Les bouteilles de verre étaient également interdites sur les lieux et on procédait à une fouille des sacs à dos. On avait décidé d'être souple et de ne pas appliquer la réglementation municipale concernant l'interdiction de la consommation d'alcool dans les lieux publics pour un soir dans l'année, soit le 23 juin.
À la suite de cette série de mesures implantées sur plusieurs années grâce au génie des différents partenaires de la fête impliqués dans cette concertation, ce fut la fin des émeutes. On déplorait une dizaine d'arrestations par année et quelques cas d'intoxication, de coups de chaleur ou autres problèmes de santé, mais, somme toute, le bilan était positif. Dites-moi où au monde on peut organiser une fête où l'alcool coule à flot et où se réunissent près de 200 000 personnes sur les Plaines, la Grande Allée, la place D'Youville et plusieurs parcs du centre-ville dans la bonne humeur et le respect pour la très grande majorité des cas? C'est ça la fête nationale à Québec et on a toutes les raisons d'être fiers de nos enfants. Qu'ils fassent quelques excès, c'est normal. On en a tous fait à leur âge. Ayons un peu confiance en eux au lieu de vouloir tout leur interdire.
C'est sûr que les incidents de l'an dernier nous ont tous révoltés. Des jeunes ont été poignardés sur la Grande Allée. Malgré tout le professionnalisme et la présence de nos forces policières dans tous les lieux où les gens se réunissent pour fêter, on n'a pas pu éviter ces incidents graves. On a répertorié une trentaine d'arrestations sur 200 000 personnes. Doit-on pénaliser 199 970 fêtards pour une trentaine d'écervelés? Doit-on remettre en question toutes nos façons de faire en conséquence? Si on fait l'erreur de lancer toutes nos forces de sécurité dans la rue pour affronter la foule et pour fermer les Plaines, on s'en va directement vers une catastrophe. En leur confisquant leurs lieux de rassemblement et le seul moment de l'année où on peut s'éclater un peu, les jeunes iront ailleurs pour fêter, là où les policiers seront absents. Ils seront mécontents et frustrés. Que verrons-nous dans les journaux du lendemain? Émeutes à Québec pour la fête nationale!
Victime de son succès
À la décharge des organisateurs, il faut dire que la fête à Québec est victime de son succès. Elle fait face à de graves problèmes de financement. Elle compte de plus en plus sur la vente de bière sur les lieux pour faire face à ses obligations financières. Même si la fête à Québec est depuis plusieurs années plus importante que celle de Montréal, le gouvernement du Québec et les sociétés d'État qui commanditent l'événement s'obstinent à geler ou à diminuer leur financement. On veut fixer un financement au prorata de la population au lieu de l'envergure et des besoins de l'événement comme tel. La Ville de Québec se trouve à assumer une part de plus en plus importante du financement et de la prestation de services (pompiers, police, service des événements spéciaux). La SNQC n'a plus de marge de manoeuvre et est déficitaire. Elle se bute à l'incompréhension et à des décisions prises à Montréal par divers intervenants qui vont contre l'intérêt de la fête à Québec.
Alors dites-nous, mesdames et messieurs les organisateurs et partenaires de la fête nationale dans la capitale 2011, que cherchez-vous? Éviter une insurrection appréhendée ou voulez-vous en provoquer une? Revenez sur terre s'il vous plaît et laissez les citoyens fêter.
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Marc Dean, ancien président de la SNQC (2000-2004)