La lettre de Pauline Marois, [parue le 13 février dans la section Idées->11768] de votre journal, me laisse pantoise. Sa tentative de justifier son malencontreux projet d'enseignement intensif de l'anglais au dernier cycle du primaire ne convainc personne de son bien-fondé. Quelle maladresse d'avancer ce projet alors que la ministre Courchesne annonce son plan d'action pour l'amélioration du français dans nos écoles! Pas de doute, les libéraux doivent jubiler de voir la chef du PQ se porter ainsi à la défense du bilinguisme à ce moment bien précis.
Mme Marois donne en exemple la commission scolaire Lac-Saint-Jean pour appuyer sa proposition, une région préservée linguistiquement à cause de son éloignement des grands centres urbains. Mais jamais dans les écoles de cette commission scolaire n'a-t-on donné de cours d'histoire, de géographie ou de chimie en anglais.
Dans les faits, dans ce programme particulier, les élèves ne reçoivent aucun cours d'anglais durant les deux tiers de l'année scolaire; pendant ce temps, le programme des autres disciplines scolaires est condensé, si bien que les élèves couvrent tout leur programme d'anglais en deux mois, de façon continue. C'est une tout autre réalité!
La Loi sur l'instruction publique interdit de dispenser dans une autre langue que le français les cours inscrits dans la grille horaire. Les commissions scolaires qui ont demandé des dérogations à cette règle lors de l'implantation de programmes spéciaux ont essuyé un refus du ministère de l'Éducation. Si certaines commissions scolaires font fi de la loi, il ne faut pas les citer en exemple.
L'AQPF a déjà pris position contre l'enseignement de l'anglais dès la première année. Mme Marois affiche aussi cette position. Les nombreuses objections des spécialistes et des défenseurs du français n'ont pourtant pas fait reculer le gouvernement libéral, qui a instauré cette mesure l'an dernier. Il faut maintenant composer avec cette réalité, même si nous la considérons indésirable. Évitons d'en rajouter aujourd'hui en préconisant l'apprentissage intensif de l'anglais en cinquième et sixième année. C'est précisément parce que nous sommes à un clic de souris du monde qu'il faut être de plus en plus vigilant si nous voulons préserver nos acquis et faire en sorte d'améliorer la qualité du français de nos élèves.
L'AQPF n'est pas contre l'apprentissage d'une seconde, voire d'une troisième langue. Cela représente un atout indéniable. Mais il faut que cela demeure possible d'assurer la réussite de nos élèves québécois sans passer par le bilinguisme. Il apparaît de plus en plus important de nous défendre de cette croyance populaire selon laquelle «hors de l'anglais, point de salut». Est-on tenu d'être bilingue en France, en Espagne ou en Italie pour avoir la possibilité de devenir un citoyen de première classe?
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Arlette Pilote, Présidente de l'Association québécoise des professeurs de français (AQPF)
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